Project Mémoire

Arlo M Moen (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Arlo M Moen a servi dans la Marine royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Pour le témoignage complet de M. Moen, veuillez consulter en bas.


Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Arlo Moen
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HMCS Saint-Laurent, 1938. Juste après que la guerre ait été déclarée, les torpilles ont été retirées du pont du Saint-Laurent.
Arlo Moen
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Arlo Moen dans la cour arrière du Mess des chefs et des contremaitres, pendant qu'il prenait un cours "amateur" d'opérateur radio, Halifax, Nouvelle-Écosse, novembre 1939 - juillet 1940.
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Glace sur le <em>HMCS Saint-Laurent</em>, en mission de convoi, hiver 1939.
Arlo Moen
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Carte d'identité de service d'Arlo Moen.
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Glace sur le <em>HMCS Saint-Laurent</em>, en mission de convoi, hiver 1939.
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Et il dit, il n’y a pas la moindre chance qu’on s’en sorte (c’était le mois de décembre) ; cette eau est tellement froide qu’on ne tiendra pas cinq minutes – ça va être une mort facile. C’était une pensée réconfortante.

Transcription

Le Saguenay a été torpillé à 200 milles au large des côtes irlandaises, faisant 19 tués et 21 blessés. J’étais opérateur radio ; et j’étais dans la salle de commande à distance, et pas très loin de l’endroit où la torpille a frappé, 25 mètres environ, je pense.

J’avais la porte du bureau entrouverte d’une dizaine de centimètres pour la ventilation. Et quand la torpille a frappé, il y a eu une flamme bleutée qui oscillait d’avant en arrière. Elle a juste rempli complètement l’embrasure de la porte toute entière. Et aussi l’odeur de la cordite. Et plus tard il y a eu d’autres odeurs émanant de l’incendie.

J’ai reçu la permission d’arrêter ma surveillance ; et je suis sorti sur le pont supérieur pour examiner les antennes. Et j’ai regardé en l’air et le mât était cassé. Et les antennes se balançaient tout simplement. Alors je suis allé rendre compte de ça au chef télégraphiste ; et il était en train d’essayer d’envoyer un message de détresse. Quand je lui ai dit ça, il a dit, bon, on ferait bien de basculer sur un autre émetteur, ce qu’il a fait, et le seul qu’on avait c’était un émetteur à éclateur, qui était un très, quelque chose qu’ils avaient eu pendant la Première Guerre mondiale. C’était une suggestion bien incertaine. On ne savait pas si ce message allait passer ou pas.

On la eu la chance que le message passe et le capitaine, l’incendie empirait, alors le capitaine nous a donné l’ordre de nous tenir prêts à abandonner le navire. Et on a baissé les glissières de sécurité et aussi, bien sûr, les radeaux de sauvetage Carley, ma position à l’abandon du navire c’était à mi chemin sur le côté et assis sur un siège de la rangée centrale ; et avec un copain à moi on était assis là ; et j’ai pris sa main, et j’ai dit, bon, j’espère que tu vas t’en sortir. Et il dit, il n’y a pas la moindre chance qu’on s’en sorte (c’était le mois de décembre) ; cette eau est tellement froide qu’on ne tiendra pas cinq minutes – ça va être une mort facile. C’était une pensée réconfortante.

À l’aube à peu près, le NSM Highlander, un destroyer britannique, est apparu sur les lieux. Et il y a eu des hurlements de joie sur tout le bateau. Apparemment notre message de détresse avait réussi à passer.

Plus tard, j’étais à l’hôpital, l’hôpital militaire (de la marine royale) Stonehouse à Plymouth et le gars dans le lit à côté du mien était sur un pétrolier qui avait sauté. On lui avait fait des greffes de paupières ; il avait une fracture du bassin, les jambes cassées, les bras cassés. C’était dur de comprendre comment il avait pu rester en vie. Comme je l’ai dit, ils lui ont fait des greffes, il avait été projeté dans l’eau et il y avait du pétrole dans l’eau et le pétrole était en feu. Ça lui avait brûlé entièrement les paupières ; et il avait des paupières greffées.

Il avait l’habitude de me remonter le moral quand j’étais déprimé. C’était un terre-neuvien. Il était croyant. Je ne me rappelle pas. Et il était toujours, il regardait toujours les choses d’une manière positive ; et je n’arrivais pas à le comprendre. Tout ce qu’il pouvait faire. À ce moment-là, j’étais très déprimé à cause de l’hécatombe parmi mes camarades. Ça avait eu un effet dévastateur sur moi. À cette époque, ils n’avaient pas toutes les infrastructures qu’ils ont aujourd’hui pour les gens traumatisés par la guerre, quelque soit le nom qu’on donne à cette affection. Et je soupçonne que c’est la raison pour laquelle ça me tourmente encore aujourd’hui. Je ne pense pas que ça me quitte un jour.

Peu de temps après ça, avec 24 autres canadiens on nous a mis à bord du NSM Rodney, qui était à la (base navale) Clyde en Écosse. Et il a quitté le port juste à temps pour, pour le Bismarck, pour partir à la poursuite du Bismarck. Je pense que pratiquement tout le monde sait que le gouvernail du Bismarck avait été endommagé par une torpille, ce qui avait permis au Rodney et au King George V, un autre cuirassé, de le rattraper. Et le King George V était sur un côté du Bismarck et le Rodney était sur l’autre ; et on allait et venait à toute allure, et on tirait sur le Bismarck. Et malheureusement, le Bismarck répondait aux tirs.

Après que le Bismarck ait commencé à couler, il y avait des grands, vous pouviez voir des groupes importants d’hommes à la mer. Et le capitaine a parlé dans les haut-parleurs et a dit qu’on allait quitter les lieux à cause des sous-marins dans les parages. Apparemment, le capitaine du bateau et lui (l’aumônier du bateau) ont eu des mots parce que le capitaine sentait que, l’aumônier pensait qu’il aurait dû rester et venir au secours de quelques uns de ces hommes. Et le capitaine avec raison a dit que son devoir était envers son bateau, et alors on est partis.

Les jeunes aujourd’hui ne peuvent pas avoir la moindre idée de la menace qui pesait de perdre notre liberté ; et l’effet incroyable que ça produisait sur un jeune homme. Et bien sûr, j’avais assez d’amour-propre pour penser que je pouvais avoir une influence sur la protection de la liberté. Et c’est la raison pour laquelle moi j’étais dans la marine en premier lieu ; et ça a été la raison pour laquelle je suis resté dans la marine pendant toutes ces années.