Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Maintenant, je dois vous dire comment je me suis engagée dans l’armée. Ce n’était pas comme ça que j’avais prévu les choses. J’étais allée à Londres pour passer un entretien pour être infirmière. Et je n’étais pas assez vieille. Et Mme Steward m’a dit de rentrer chez moi, d’attendre un an et de revenir et qu’ils s’occuperaient de tous les papiers. Bon, j’avais quatre heures d’attente avant de prendre l’autocar parce qu’il ne remonte dans ce coin-là qu’une seule fois par jour. Et il y avait une caravane là-bas et ils recrutaient et ainsi de suite. Et le panneau disait : « l’armée a besoin de vous ». Bon, je n’avais rien à faire et je suis entrée pour voir de quoi il s’agissait. Maintenant, j’ai vraiment cru au moment où j’ai signé le papier qu’ils allaient m’envoyer plus de renseignements. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. A la fin du mois de juin, j’ai reçu une lettre recommandée par la poste que mon frère ne pouvais pas la signer, je devais monter la chercher en personne. Donc, ma mère s’est demandée, à quoi sert cette lettre. Je ne savais pas comment lui expliquer mais c’était une lettre recommandée pour me dire de me présenter à la caserne Stanley [Toronto] le 6 juillet à 10 heures du matin. Et c’est comme ça que j’ai atterri dans l’armée. Et bien-sûr à ce moment-là, quiconque sait par quoi nous sommes passées dans le groupe des femmes, ma mère avait la même idée sur la question et elle a dit, tu seras d’un grand réconfort pour les troupes et rien d’autre. Et ça n’a pas été ça. Et on a eu six semaines de formation intensive en comptabilité et secrétariat à Northwestern University. Et de là, on m’a envoyée à Woodstock [Ontario] où j’ai passé la plus grande partie des trois-quarts de l’année. Et ils étaient en train de fermer notre secteur de l’école de conduite et de maintenance et l’homme pour lequel je travaillais, Major KB Smith, il ne voulait pas que je travaille pour quelqu’un d’autre là-bas, alors un jour comme si de rien était il a dit, est-ce que ça vous plairait d’aller outre-mer. J’ai répondu, vous savez je ne suis pas assez vieille. Bon, ce n’était pas la question. J’ai dit, bien-sûr que ça me plairait. Et bien, six semaines plus tard, j’étais en route, et on a fait la traversée dans un convoi de troupes et notre bateau de troupes s’appelait le Andes. Et la traversée a été très mouvementée. Et après quatre nuits en mer, le capitaine a fait un appel dans les haut-parleurs pour demander s’il y avait encore des canadiennes qui tenaient debout, et si elles pouvaient descendre dans la salle des rapports pour taper les ordres du jour. Bon, on était à peu près quatre, et on est descendues. Et on avait eu du mouton et des pommes de terre rôties cette nuit-là au dîner et le capitaine était tellement content de nous avoir qu’il a fait monter, ils avaient à peu près la taille d’un verre de jus de fruit, ça ressemblait à du jus d’orange mais c’était mélangé avec du gin et je ne suis pas une buveuse. Et ça, et ce mouton et ces pommes de terre rôties c’est pas resté et j’ai compris que ça allait de travers. Et ce grand, ce jeune homme séduisant qui faisait un mètre quatre-vingts était de garde à la porte et c’est ainsi que j’ai rencontré ce jeune homme qui allait devenir mon futur mari. J’ai été postée à Aldershot mais seulement jusqu’au moment où vous étiez affectée à l’endroit où vous alliez être affectée. Et comme nous n’avions pas dépensé le moindre sou sur le bateau pendant la traversée, on a eu droit à un weekend à Londres parce qu’on avait plus de cinq livres sterling dans les poches. Alors nous y sommes allés. Et quand on est allés, pendant qu’on était là-bas, ce, son nom c’était Kel Detheridge, il venait de Brantford. Et il est allé dans la salle des rapports et il a découvert que c’était là où le dernier contingent de femmes du CWAC se trouvaient et il voulait savoir s’il y avait une jeune femme petite, blonde et rondelette dans le groupe des CWAC. Maintenant, c’est comme ça qu’il a trouvé mon nom. Et on plaisante souvent tous les deux à ce propos parce que je fais un mètre soixante deux et je pèse 77 kilos environ. Mais ça n’avait pas d’importance, ça devait arriver, comme je l’ai dit, je pense bien que le Seigneur vous trace le chemin. Quand la guerre s’est terminée, on m’a envoyée en Hollande, à Apeldoorn en Hollande. Et c’est là que je suis resté, tout le reste du temps. Et on avait, on avait fait une demande, pour nous marier quand j’étais dans la 42ème compagnie et ça n’avait pas marché. Et quand tous les combats se sont arrêtés, j’ai été portée sur la liste de l’armée d’occupation en Allemagne et Kel était bon pour être renvoyé au pays. Le Essex Scottish Regiment avait terminé, ils appartenaient à la 2ème division et on les renvoyaient chez eux. Bon, mon futur mari est allé voir l’aumônier, Capitaine Rider du Essex Scottish, et c’est par lui, c’est passé par lui, il s’est débrouillé avec la paperasserie et comme on était des étrangers en Hollande, les lois de la reine Wilhelmine à l’époque ne nous permettaient pas de nous marier là-bas. Alors avec son chauffeur ils nous ont emmenés à Antwerp en Belgique et on nous a fourni un interprète parce qu’on devait aller à la mairie. Ils ne célébraient les mariages que le mardi, ou le mercredi et le samedi. Et pendant qu’on montait les marches, un gentleman était là et il a donné une carte à l’interprète. Et j’ai demandé : « C’est pour quoi faire ? » Et elle portait le numéro 48. Et elle a dit, oh vous êtes les quarante-huitièmes dans la queue aujourd’hui, pour vous marier. Et on nous a accueillis dans une grande salle, de la taille d’un terrain de rassemblement à peu près, et ils étaient tous en rangs, une future mariée et un futur marié, leur entourage, plus leurs familles, et ensuite la future mariée suivante et le futur marié et leur entourage et toute la famille. Et ça faisait le tour de la salle et on était les 48èmes dans cette file. Il a fallu au moins deux heures pour passer et quand ça a été notre tour, on nous a fait entrer dans une pièce avec deux autres couples et leur entourage et le bourgmestre, qui était, c’était une cérémonie civile et c’est le bourgmestre qui a célébré notre mariage. Et à ce moment-là le soleil est passé à travers la fenêtre et il a dit, oh ! heureuse soit la mariée sur qui le soleil brille. Et il a célébré notre mariage en anglais. On a eu le service religieux de retour à Apeldoorn en Hollande et ils ont annoncé sur la place d’armes qu’on se mariait ce jour-là et le Essex Scottish et le service féminin de l’armée canadienne, se sont réunis et ça formait comme une haie d’honneur quand on est sortis de l’église. Et le joueur de cornemuse du Essex Scottish, c’était un grand gaillard avec une barbe rousse et il nous a accompagnés à la cornemuse dans l’église et il a accompagné notre sortie de l’église et le colonel du régiment m’a fait descendre l’allée et le frère de mon mari était à nos côtés. Maintenant, ça je dois vous le dire parce que vous faisiez les choses différemment là-bas que ce qu’on fait ici. Pour les fleurs et autre, vous voyez, on n’avait pas trop d’argent là-bas mais les cigarettes c’était formidable pour le troc. Et vous voyez, je ne fumais pas mais on avait le droit d’en acheter 900 par mois. Et on avait des rations hebdomadaires, un genre de boite qui contenait une cinquantaine de cigarettes. Et c’est ce qu’on a utiliser pour faire du troc. Bon, toutes les fleurs dans l’église on les a eues contre du chocolat et des cigarettes. Et même pendant notre lune de miel, on a profité de l’hospitalité des hollandais à Amsterdam et on a payé l’endroit où on logeait avec de la nourriture. Après mon mariage, on m’a tout de suite classée dans les épouses de guerre et on m’a renvoyée au pays. Et je suis rentrée un mois avant mon mari…