Project Mémoire

Balado États de service épisode 1 : Capture

La série de balados États de service est présentée par le Projet Mémoire, un programme d’Historica Canada. Dans cette série, nous vous présenterons des entrevues avec des vétérans canadiens –leurs vies, leurs pertes et leur service militaire – afin de construire un portrait des expériences de prisonniers de guerre canadiens. (Cliquez ici pour la série au complet.)

Nous aborderons le thème de la capture dans cet épisode en explorant les récits de Jacques Nadeau et Jean Cauchy, deux militaires québécois. Lors de la série, nous mettrons en vedette des témoignages de l’archive du Projet Mémoire afin de construire un portrait des expériences de prisonniers de guerre canadiens au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

Crédits: Kai Engel – Summer Days, Evgeny Grinko – Winter Sunshine


Transcription

Jean-Paul Dufour : « Les Allemands sont arrivés derrière nous, et ils criaient « Franzose komme komme! » Ça fait que on ne bougeait pas. Quand ils sont arrivés complètement derrière nous autres là, on a vu qu’on était mal pris. Ils ont crié encore « Franzose komme komme! » et puis ils ont dit « Los! Aus! » On a Iaissé les fusils là, on est sortie du trou. »

Stéphanie Zidel : Bienvenue à la série de balados États de service présenté par le Projet Mémoire, un programme de Historica Canada. Ici, votre animatrice Stéphanie Zidel. Dans cette série, nous vous présenterons des entrevues avec des vétérans canadiens. Ils vous raconteront le récit de leurs vies, de leur perte et leur service militaire. Cette série nous permettra d’explorer différents extraits issus de témoignages du Projet Mémoire afin de construire un portrait des expériences de prisonniers de guerre canadiens lors de la Deuxième Guerre mondiale.

SZ : Aujourd’hui, nous aborderons le thème de la capture. Tout d’abord, un avertissement. Certaines histoires pourraient ne pas convenir à un jeune public.

Un prisonnier de guerre est un militaire capturé en temps de guerre par les forces ennemies. Depuis la fin du 19siècle, le traitement des prisonniers de guerre est sujet aux règles internationales, spécifiquement celles de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre. Malheureusement, ces accords ne sont pas toujours suivis par les pays signataires puisqu’il est difficile de s’assurer du respect des conventions sur le terrain. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, près de 9 000 Canadiens deviennent prisonniers de guerre, dont des aviateurs abattus, des marins et des fantassins. Au même moment, le Canada gérait des camps de prisonniers de guerre sur son propre territoire et abritait environ 34 000 soldats allemands au cours de la guerre, en plus d’opérer des camps de prisonniers pour civils internés tels que les Canadiens d’origine japonaise.

Jacques Nadeau : « Le commandant de l’embarcation me poussait avec une mitrailleuse dans le dos et puis je me disais à moi-même si faut qu’il appuie sur sa gâchette Jacques Nadeau va disparaître. Ça fait que j’ai lancé le Velo [révolver] à la mer et puis j’ai sauté après. Je me suis penché pour voir où était le fameux Velo mais je ne le voyais pas nulle part et puis j’ai dit que si le diable l’emporte je m’en trouverai un à Dieppe. »

SZ : Le 19 août 1942, les Alliés ont lancé une attaque visant à tester les capacités de défense des forces allemandes sur les côtes atlantiques françaises. Appelée Opération Jubilé, cette attaque a été le premier engagement des Forces canadiennes en Europe. Le raid fut un désastre. Plus de 900 soldats canadiens furent tués. Des milliers furent blessés et faits prisonniers aussi. Jacques Nadeau a fait partie des survivants, mais il a été capturé par les Allemands. Né à Montréal en 1922, monsieur Nadeau s’est enrôlé dans l’armée à l’âge de 17 ans. Il nous raconte sa surprenante histoire de capture.

Jacques Nadeau : « Et moi, je faisais le mort; j’avais mon bras droit, ah, ma main droite sous mon menton et puis quand il était arrivé à moi il m’a mis le pied dans l’aisselle droite et puis moi je suis très chatouilleux et donc j’ai eu une réaction. Il m’a dit, il dit : « Komme komme mein liebe. » Ça veut dire : « Viens viens, mon cher! » Il dit, « pour toi la guerre est finie ». Ça fait que je me suis levé debout, j’ai détaché mon équipement et puis j’ai été rejoindre mes camarades qui étaient sous la falaise. Il y en avait plusieurs qui étaient blessés. Il y en a beaucoup qui avait soif. Ça fait que j’ai demandé à un des gardes allemands, j’ai dit, j’ai fait signe, je lui ai montré les bouteilles d’eau des morts qui étaient là. Il m’a fait signe que oui et je suis allé chercher un couple de bouteilles d’eau pour aider ceux qui en avaient besoin. Puis on a monté, on a été, on nous a fait grimper la falaise dans un endroit qui s’appelait le cirque. Une fois rendu en haut on nous a mis en rang de cinq, on nous a comptés. Il y avait un Allemand qui partait de gauche puis l’autre de droite puis après ils nous avaient fait, les deux trois cents qu’on était, ils devaient se rapporter à un officier; fallait que les deux chiffres soient les mêmes. Mais quand l’allemand passait près de moi il me touchait à l’épaule ou au bras en nous comptant, j’ai dit: « Cochon! »

SZ : L’Allemand a raidi son dos.

Jacques Nadeau : « Puis on s’est regardé pendant quelques instants qui ont paru des minutes et puis éventuellement il y a eu un cri qui est venu d’en avant puis il a été obligé de continuer, mais si ses yeux avaient été des mitrailleuses je ne vous parlerais pas aujourd’hui. »

Brigitte d’Auzac : Bonjour, mon nom est Brigitte d’Auzac, vice-présidente de Historica Canada. La façon dont nous voyons le monde aujourd’hui est influencée en grande partie par notre passé. Le bon comme le mauvais. C’est là qu’entrent en jeu nos balados. Des balados comme Pensionnats indiens, une série en trois parties créer afin d’honorer les histoires des survivants, de leurs familles et communautés et afin de commémorer l’histoire et l’héritage des pensionnats indiens au Canada.

Riley Burns : « Je ne voulais pas être un Indien. Je ne savais pas qui je voulais être. Je n’étais pas accepté par l’homme blanc et je n’étais pas accepté par mon propre peuple dans ma réserve. »

Brigitte d’Auzac : Inscrivez-vous au baladodiffusion de Historica Canada pour une exploration en profondeur de notre passé. Vous pouvez écouter Pensionnats indiens sur Apple Podcast, Spotify ou en visitant l’encyclopédiecanadienne.ca. Ne cessez jamais d’apprendre.

SZ : Jean Cauchy est né en 1924 à Lévis. Il s’est enrôlé dans l’Aviation royale canadienne à l’âge de 18 ans et a fait son entraînement de base à Saint-Hubert. Monsieur Cauchy voulait honorer la mémoire de son frère, qui a perdu la vie en Hollande plus tôt dans la guerre. Et maintenant, l’histoire mouvementée de sa capture.

Jean Cauchy : « L’expérience la plus dure que j’ai eue c’est quand je me suis fait descendre. Alors là c’était la mission. C’était à Hanovre. »

SZ : À ce point dans la guerre, les avions étaient dans un état moindre puisqu’ils avaient participé à un grand nombre de missions.

Jean Cauchy : « J’ai hésité quand j’ai vu cet avion-là. Après avoir fait le test, comme on faisait avant de partir, on faisait l’inspection du bombardier. On faisait tourner les moteurs et ainsi de suite. On s’en allait à la tombée du jour, on remontait, il commençait à faire noir. Là je remarque que mon tuyau d’échappement intérieur gauche rougissait. Alors vous savez que c’était la noirceur totale en Angleterre, puis en Allemagne, partout, durant la guerre. Alors vous êtes à 18 000 pieds, 20 000 pieds, j’ai allumé une allumette, ils vont le voir en bas. Et maintenant j’avais mon tuyau d’échappement! J’ai averti l’équipage. Vigilance et vigilance! Parce que là, il n’y a pas question de retourner. Et peu avant d’arriver… en cours de route, ont laissé tomber des petites plaquettes de métal pour brouiller le radar des Allemands. Mais étant visibles comme ça, ça ne nous aidait pas du tout. J’ai eu comme un pressentiment et j’ai serré les courroies de mon parachute parce qu’on détachait un peu. Longtemps on ne reste pas assis sur le parachute. Aux contrôles, cela devenait très irritant à la longue, c’était dur alors on détachait ça. Alors j’ai averti les gars, les mitrailleurs. Disons que quelques quatre ou cinq minutes avant d’arriver à la cible, là même on voyait les fusées en bas, on n’était pas loin de la cible. »

SZ : Soudainement, un avion ennemi est arrivé.

Jean Cauchy : « On n’a jamais vu le chasseur. L’avion a sursauté. La DCA a éclaté en dessous. J’avais toutes mes bombes, et on a été soulevé comme une feuille de papier. Je n’exagère pas. On a monté combien de pieds… je ne sais pas. Les instruments étaient tous à l’envers. Quelques secondes après… on ne calcule pas ça exactement, mais quelques secondes après c’est le chasseur qui est déjà descendu, il a tiré dans nos réservoirs d’essence et l’avion a pris feu immédiatement. Tout le monde a sauté puis après ça il restait à moi de sauter. »

SZ : Et pendant quelques instants, monsieur Cauchy a manqué d’oxygène.

Jean Cauchy : « J’ai eu un peu de problèmes à sortir. Et vous savez, quand vous manquez d’oxygène, votre réaction, vos gestes sont beaucoup plus lents. Finalement, j’ai atteint la fameuse trappe par laquelle on sortait à l’avant. Les mitrailleurs n’avaient pas de problème, mais c’était facile pour eux de sortir. Alors là, c’était mon tour, et de peine et de misère j’ai réussi à sortir. Je me suis fait descendre en plein hiver. Nous étions dans le centre de l’Allemagne à Hanovre, qui était presque en ligne avec Berlin. Les Alliées n’avaient pas traversé le Rhin et les Russes avaient avancé, mais ils étaient assez loin. Mais c’était notre devoir d’essayer de se sauver. J’ai essayé de me sauver en me dirigeant vers le nord… audacieux. J’ai contourné un bosquet pour retrouver un petit chemin qui s’en allait vers le nord. Et immédiatement sont sortis deux gardes, des jeunes, avec leurs mitrailleuses, alors là j’ai été fait prisonnier. »

SZ : À Francfort dans un Dulag Luft, un camp de transit pour les aviateurs capturés, monsieur Cauchy a subi des jours d’interrogation intensive.

Jean Cauchy : « Alors j’ai été moi environ exactement, je n’ai pas calculé trop, mais au moins 8 jours dans cette petite chambre, là. »

SZ : Il a été laissé à lui-même dans une petite cellule où il mourrait de froid et a développé une angoisse profonde. Il a passé le reste de la guerre, quatre mois et demi, dans le Stalag Luft 1, un camp de prisonniers pour les aviateurs alliés près de la mer Baltique. Les prisonniers étaient entassés dans leurs dortoirs avec leurs couvertes fournies par la Croix-Rouge, recevant des rations alimentaires, bien moins du minimum recommandé par la Convention de Genève. La plupart des Canadiens capturés par l’Allemagne durant la Deuxième Guerre mondiale furent traités dans le respect de la Convention de Genève. Cependant, en Europe, les conditions générales se sont progressivement détériorées au cours de la guerre et la situation des prisonniers de guerre est devenue également précaire. Ils avaient notamment de plus en plus de difficultés à se nourrir suffisamment, car les denrées se sont faites plus rares. Dans le prochain épisode, nous découvrirons les camps de travail dans lesquels des prisonniers de guerre canadiens vivaient.

 Le Projet Mémoire est un programme de Historica Canada, composé d’un bureau d’orateurs et d’une archive en ligne. Nous mettons les vétérans canadiens et les membres actifs des Forces armées canadiennes en communication avec les écoles et les groupes communautaires d’un océan à l’autre. Ce projet est rendu possible grâce au financement du gouvernement du Canada. Historica Canada est un organisme qui offre des programmes que vous pouvez utiliser afin d’explorer, d’apprendre et de réfléchir à notre histoire et à ce que signifie le fait d’être Canadien.

Visitez le projetmemoire.com afin de parcourir nos entrevues archivées ou pour organiser la visite gratuite d’un orateur dans votre salle de classe ou lors d’un événement communautaire. Si vous êtes un vétéran ou un membre actif des Forces armées canadiennes, communiquez avec nous afin de découvrir comment vous pourriez devenir un orateur.

Si vous avez aimé cet épisode et désirez en apprendre davantage sur la Deuxième Guerre mondiale, consultez les Minutes du patrimoine portant sur l’armée canadienne à historicacanada.ca. Les textes supplémentaires utilisés dans cet épisode proviennent de notre programme affilié, l’Encyclopédie canadienne. Consultez l’Encyclopédie canadienne pour trouver des articles sur les prisonniers de guerre outremer et au Canada. Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et abonnez-vous aux @HistoricaCanada. À la prochaine!

SZ : Dans l’épisode suivant :

JP Dallain : « Éventuellement, les Japonais ont envoyé une première corvée de prisonniers canadiens au Japon. Vous allez être bien là-bas. « C’était pire. »

tats de service 800 x 800


Réserver la visite d’un orateur