Project Mémoire

Barbara More (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Barbara More
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Barbara More, pendant son temps-libre, sous une meule de foin, en 1943.
Barbara More
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Barbara More en uniforme, 1942.
Barbara More
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Télégramme que Mme More a reçu de son mari pour l'informer qu'il était à l'hôpital, 1944.
Barbara More
Institut Historica-Dominion
Institut Historica-Dominion
Barbara More a Red Deer, Alberta, le 10 décembre 2009.
Institut Historica-Dominion
« On pouvait voir les avions ennemis s’approcher, puis les nôtres qui montaient à leur rencontre. Et l’on entendait les tirs et tout ce boucan. »

Transcription

L’adjudant a dit qu’ils choisissaient tant de filles dans chaque groupe pour faire des tâches spéciales de commis, c’était un travail très secret. Et j’ai pensé, oh, vous savez, ça semble bien. Et il se peut que vous deviez travailler de nuit à un moment donné et je me suis dit, oh la la, imaginez, travailler quand tout le monde dort. [rires] J’ai vite changé d’avis à ce sujet [rires] mais, quoi qu’il en soit, elle m’a dit ce que je ferais, je travaillerais dans la salle des opérations de chasse avec la grande table, avec une énorme carte; et nous devrions pointer tous les avions, les ennemis et nos propres avions.

L’entraînement, bien sûr, consistait à tracer des flèches sur une carte. Et l’endroit où j’ai été affectée n’avait pas de salle des opérations principale à l’époque, un aéroclub civil était utilisé. C’était donc un endroit plus petit avec un contrôleur qui contrôlait les pilotes. Et nous devions porter des casques et écouter la position de l’avion avec toutes les flèches qui partaient dans différentes directions.

Puis, une nouvelle salle des opérations souterraine a été construite.

Il y avait une énorme carte dedans, construite en plusieurs parties, de sorte que le contrôleur se trouvait tout en haut et regardait la carte pour voir où se trouvaient les avions. Et puis, bien sûr, la carte était si grande qu’on devait utiliser des tiges de métal. Vous mettiez votre flèche en métal sur la tige et vous tendiez le bras pour la placer là où le radar vous le disait. Et la carte était divisée en… combien… en carrés de toute façon, et on vous donnait un chiffre pour indiquer où se trouvait l’avion, alors nous devions le calculer avec ces carrés, ils faisaient huit pouces carrés, c’est ça.

Et donc on s’est habitué à jouer avec ces tiges métalliques.

Et puis le contrôleur regardait en bas et parlait aux pilotes. J’ai appris un langage plutôt inhabituel en fait, car certains pilotes laissaient leurs transmissions allumées. [rires] j’avais mené une vie très protégée jusqu’alors. Mais c’était exaltant pour une jeune fille qui n’avait jamais quitté la maison.

On pouvait voir ce qui se passait. On voyait les avions ennemis arriver, puis nos avions aller à leur rencontre. Et on pouvait entendre les coups de feu et tout le reste. Nous nous sommes mariés en 1944 et il s’est engagé dans l’armée après un certain temps et il est allé en France le jour J, au moment du débarquement. Je ne savais pas qu’il était parti là, bien sûr. Mais avant de partir, il a conçu un code qui lui permettait de me dire où il était et nous nous écrivions tous les jours. Et puis tout d’un coup, je n’ai plus reçu de lettres de lui. Et finalement, j’ai reçu environ trois lettres d’un coup, j’ai ouvert la première et j’ai commencé à la lire et je me suis dit, je me demande si elle contient le code.

Alors j’ai essayé le code, et bien sûr, ça disait, France 2e armée. J’ignorais tout et, bien sûr, tout le monde se faisait tuer. Bien sûr, les lettres n’arrivaient pas à temps de toute façon, alors je ne savais pas comment il allait ou quoi que ce soit. J’ai attendu longtemps avant d’avoir de ses nouvelles, et j’en ai finalement eu. Et puis, j’étais à la maison en congé de maladie. J’avais attrapé une pneumonie et j’ai reçu un télégramme de lui disant qu’il était dans un hôpital de Londres. Il avait été blessé, est-ce que je pourrais venir? Et mon père a envoyé un télégramme à ma base et a demandé, eh bien, pourrais-je avoir un congé supplémentaire? Et ils lui ont renvoyé un télégramme disant que je devais retourner à la base et qu’ils allaient y réfléchir. Et il n’était pas question que je retourne à la base alors j’ai pris un, nous vivions sur une île et j’ai dû prendre, il n’y avait que deux bateaux qui passaient parce que c’était la guerre. J’ai dû attendre le bateau du soir et je suis montée dans le bateau, j’ai pris le train jusqu’à Glasgow et j’ai pris un train pour Londres. Et je ne savais pas à quoi m’attendre. Mais quand je suis arrivé, il était en un seul morceau, Dieu merci, mais son unité avait été touchée et il avait une très mauvaise commotion cérébrale, oui. Mais j’étais ASP : absente sans permission. Et vous pouvez être assez sévèrement réprimandé pour ça. Il n’était pas question que je n’aille pas voir mon mari.

Mon mari et moi sommes retournés en Écosse vers 1980, je crois, et nous sommes retournés au poste principal où j’étais affectée. Et j’ai dit, je ne pense pas que le bloc des opérations soit encore là, mais allons-y et voyons si je peux le trouver. Nous avons donc roulé et j’ai dit, oh, c’était à peu près là et j’ai regardé là-bas et il y avait ce grand bâtiment en ciment. Je me suis dit que ça ne pouvait pas être le bloc des opérations parce qu’il était camouflé, vous savez, ils avaient mis des monticules de terre et d’herbe par-dessus au cas où il serait bombardé. Et je me suis dit que ça ne pouvait pas être le bloc d’opérations.

Bref, je suis sortie de la voiture et je suis allée à la porte principale et bien sûr, c’était ça. Il faisait sombre, bien sûr, et j’ai suivi le couloir pour trouver la salle des opérations et entre-temps, ils avaient abattu un des murs, alors j’ai pu la voir et c’était le sentiment le plus étrange que j’aie jamais ressenti. Parce que c’était toujours si plein et si bruyant, et qu’il n’y avait pas un bruit. Oh, et je, ça m’a donné la chair de poule.