Project Mémoire

Charles Bouchard (Source primaire)

Charles Bouchard a servi dans le Corps royal de l’intendance de l’Armée canadienne de 1942 à 1946. Responsable des véhicules de transport pendant la Deuxième Guerre mondiale, il a été envoyé en Italie et aux Pays-Bas pour combattre dans les tranchées. Lisez et écoutez Charles Bouchard parler des épreuves qu’il a rencontrées en temps de guerre ainsi que la difficulté à s’adapter dans l’après-guerre.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Passe d'absence, datée du 5 novembre 1945, à Oldenberg, Allemagne.
Passe d'absence, datée du 5 novembre 1945, à Oldenberg, Allemagne.
(Avec la permission du Projet Mémoire/Charles Bouchard)
Charles Bouchard, à Londres, en Angleterre, en 1943, alors âgé de 19 ans.
Charles Bouchard, à Londres, en Angleterre, en 1943, alors âgé de 19 ans.
(Avec la permission du Projet Mémoire/Charles Bouchard)
Charles Bouchard, au cimetière canadien (commission des sépultures de guerre du commonwealth) de Reviers, près de Falaise en Normandie.
Charles Bouchard, au cimetière canadien (commission des sépultures de guerre du commonwealth) de Reviers, près de Falaise en Normandie.
(Avec la permission du Projet Mémoire/Charles Bouchard)
Charles Bouchard, à coté d'un véhicule de transports du corps royal des services l'armée canadienne. « Le Camion avec lequel j'ai livre de la nourriture aux Hollandais à travers la ligne de front, quelques jours avant la capitulation allemande à Wageninge
Charles Bouchard, à coté d'un véhicule de transports du corps royal des services l'armée canadienne. « Le Camion avec lequel j'ai livre de la nourriture aux Hollandais à travers la ligne de front, quelques jours avant la capitulation allemande à Wageninge
(Avec la permission du Projet Mémoire/Charles Bouchard)
« Ça a été assez dur pour le moral, les nerfs parce qu’on se faisait tirer souvent. Je ne peux pas tout compter les fois où je me suis fait tirer dessus. J’ai été chanceux. »


Transcription

J’ai travaillé avec mon père sur la ferme parce que mon père avait une grande ferme. Dans le bois aussi, car on coupait du bois pour vendre aux compagnies. En Italie, mes fonctions n’ont pas tellement changé. On faisait le ravitaillement des troupes et on montait les hommes au front. J’étais dans la 3e brigade [canadienne d’infanterie], j’étais attaché au [Royal] 22e Régiment. Après un certain temps, on manquait de renforts. On n’avait plus assez d’hommes pour remplacer les pertes que subissaient les régiments. Donc on nous a donné des mitraillettes et on m’a incorporé au 22e tout en étant dans le[Royal Canadian Army] Service Corps, le régiment d’intendance. On était obligé de se creuser des trous pour séjourner sur le front et employer notre mitrailleuse. Ça a été assez dur pour le moral, les nerfs parce qu’on se faisait tirer souvent. Je ne peux pas tout compter les fois où je me suis fait tirer dessus. J’ai été chanceux. Quand vous entendez siffler à votre oreille c’est parce que la balle n’est pas loin. Ça m’est arrivé plusieurs fois.

Il m’est arrivé d’être couché dans des trous [tranchées] avec des rats pendant qu’on se faisait bombarder. En anglais, ils appelaient ça starvation winter [l’hiver de la faim, en Hollande 1944-1945]. Beaucoup de monde étaient morts pendant l’hiver. On était rendu au printemps et il y avait encore des gens qui mourraient de faim. On traversait les lignes le matin après six heures; c’était l’entente intervenue entre le haut commandement Allemand et Canadien en Hollande [la reddition des troupes allemandes aux Pays-Bas fut acceptée le 5 mai, 1945]. On devait traverser avec de la nourriture [pour les civils] après six heures du matin et revenir avant six heures du soir. Donc on nous laissait douze heures pour traverser les lignes allemandes avec des drapeaux blancs.

[Le retour s’est fait] difficilement en ce qui me concerne et pour beaucoup de mes camarades. On était déboussolé. La réception de la part de notre famille et des amis était bonne, mais on s’apercevait tout de suite qu’on dérangeait. On venait prendre le travail des autres. C’est le sentiment qu’on avait et c’est ce qu’on se faisait dire.

On était habitué à la discipline et la camaraderie entre frères-anciens combattants. On se retrouvait dans une société qui nous rejetait pour ainsi dire, ou qui était très différente de nous. On n’avait pas de travail. On avait deux uniformes. On nous en a enlevé un et on nous en a laissé un sur le dos. On nous a envoyé dans la rue avec rien. On n’avait pas d’instruction; on n’avait pas été à l’école longtemps. Le seul débouché qui nous restait c’était d’aller dans le bois, devenir bûcheron ou d’aller dans les mines. C’est ça qui nous attendait et c’est ce qu’on a vécu. J’ai rencontré beaucoup de mes anciens camarades sur la Côte-Nord. Un an après avoir été libéré de l’armée, ils avaient encore leur uniforme sur le dos, complètement usé. Ils n’avaient pas eu la chance d’acheter des vêtements civils.

Ces gars étaient venus travailler dans le bois à l’Île d’Anticosti, à Baie-Comeau et un peu partout sur la Côte-Nord. Ils étaient découragés. La plupart pensaient juste à prendre un coup, à s’évader dans l’alcool. Je ne voudrais pas m’exclure, car moi-même longtemps j’ai eu tendance à prendre de l’alcool pour oublier qu’on était revenu ici. Pour certains, ça pourrait paraître drôle de dire ça, mais on se sentait comme parachuté dans un monde qui ne nous comprenait plus et qui nous acceptait à regret. On nous le laissait sentir. Il y avait aussi l’indifférence. Quand ce n’était pas des reproches, c’était l’indifférence complète. On sentait qu’on dérangeait. Vous avez fait la guerre, pis après ?!

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