Je m’appelle David Seager et je suis né le 31 juillet 1924, à Southampton, en Angleterre. Une fois que j’ai eu enfin terminé mon entraînement, je suis parti outre-mer au début de 1944. Je suis arrivé à Bombay, en Inde. Je crois qu’on appelle maintenant cette ville Mumbai. J’y ai poursuivi mon entraînement, appelé « entraînement de jungle » et, de là, je suis allé en Birmanie, jusqu’à la fin de la guerre, dans tous les cas. Je suis resté en Birmanie avec la British 14th Army (14e armée britannique).
Ils avaient des kamikazes (des bombes humaines) comme on en connaît de nos jours; ils utilisaient des tireurs d’élite et des patrouilles comme bombes humaines. Et je pense que tout le monde a entendu parler de ces kamikazes qui pilotaient des avions. Les kamikazes qu’on connaît aujourd’hui, ce n’est rien de nouveau : il y en avait pendant la Deuxième Guerre mondiale. Personnellement, j’ai failli en être victime. C’était des gens qu’on abandonnait après l’évacuation des lieux par les soldats. On leur laissait des vivres et des munitions, et leur tâche consistait à tirer sur un maximum de personnes jusqu’à ce qu’on les emmène. C’était la même chose pour les patrouilles kamikazes; on les envoyait là sans s’attendre à ce qu’elles retournent à la base. On leur donnait des vivres et des munitions, et leur mission consistait à tuer le plus grand nom de personnes possible jusqu’à épuisement de leurs munitions, et c’est ce qu’elles faisaient.
Dans mon unité, l’unité de signalisation – je pense que je faisais partie du 1st Medium Artillery Regiment (1er régiment d’artillerie moyenne) à l’époque –, on nous avait donné quelques jours pour nous reposer; on avait besoin de périodes du genre pour nous laver et pour nous réorganiser en général, parce qu’on portait souvent les mêmes vêtements pendant plusieurs jours, et qu’il n’y avait pas vraiment d’endroits pour prendre un bain ou pour ce genre de choses. Alors on était pas mal débraillés. De temps en temps, quand c’était possible, on nous donnait une période de repos et on nous envoyait dans un lieu où on pouvait relaxer et prendre soin de nous autres, et écrire des lettres ou en lire, et ainsi de suite.
C’était pendant l’une de ces périodes. On était arrivés la veille; on n’était là que depuis la veille au soir et le lendemain matin, j’ai fini de laver tous mes vêtements. On était descendus à la rivière pour les laver. Je suis revenu et, bien entendu, un des grands plaisirs de l’époque, c’était l’heure du thé, car je faisais partie d’une unité britannique. On buvait plus de thé que de café. En fait, l’idée de boire du café ne m’a même pas traversé l’esprit durant tout le temps que j’ai été en Birmanie. Dès qu’on voulait se détendre un peu, on commençait tout le temps par se préparer du thé. Cette fois-là, on était assis tout autour d’une petite clairière, en train de déguster notre tasse de thé, quand tout à coup quelqu’un a commencé à tirer sur nous de la cime d’un arbre. J’ai été atteint par une balle qui avait ricoché sur un arbre. Elle ne m’a pas fait trop de mal, mais ça nous a inquiétés pendant un bout de temps. Finalement, le tireur a été abattu dans l’arbre par des lance-flammes, ce qui n’était pas très joli à regarder, encore une fois. Ça a tué net mon goût pour les barbecues, même jusqu’à aujourd’hui. Mais de toute façon, ce genre de choses survenait et on était chanceux si on n’était pas atteint ou si ce n’était pas trop grave.
Le jour même de la Victoire, le 15 août, j’étais à bord d’un petit navire militaire en route pour la Birmanie, après un congé passé à Calcutta. On a entendu dire aux nouvelles que la guerre était finie pendant qu’on se trouvait sur ce navire; c’était un tout petit navire, un vieux vaisseau polonais qui avait survécu à la guerre. Très ancien, très décrépit. Mais le capitaine avait bien réalisé l’importance de l’occasion, et il a servi tout ce qui était buvable, y compris des boissons alcoolisées. On a eu toute une célébration. Même le temps s’est mis de la partie, parce qu’il faisait tempête à ce moment-là, de sorte que ce fut une nuit mouvementée dans tous les sens du terme.
Un matin, en se réveillant, on a appris qu’on avait lâché la bombe atomique. Et, bien entendu, quelques jours plus tard, on a lâché la seconde. On a aussi entendu dire, ce qui n’a pas trop fait les manchettes à l’époque, que c’est à ce moment-là que la Russie a déclaré la guerre au Japon. C’est ce que les Alliés souhaitaient qu’elle fasse depuis le début de l’alliance. Eh bien, ce que cela signifiait, c’est que la situation de guerre se transformait très rapidement en situation de paix et que tout le monde en était très heureux. Je pense que la plupart des militaires qui se sont battus en Extrême-Orient, moi-même y compris, croyaient que si ça n’avait pas été de la bombe atomique, on ne serait pas ici aujourd’hui.