Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je me souviens, (à Falkenberg, Allemagne) on s’est levés dans le fossé et j’avais la seule arme qui fonctionnait. Ils n’avaient rien alors je tire par dessus mon épaule et ils courent devant moi, en s’éloignant de moi. Juste après, le truc est vide, la mitraillette, alors j’ai jeté ce sacré machin. À ce moment-là, ils étaient assez loin devant moi, alors quelqu’un sur la droite, un soldat ennemi, a ouvert le feu avec une mitrailleuse lourde devant moi, en arrosant la route. Bon, il n’était pas en train de tirer sur la route, ils voulaient me séparer des autres. Donc je n’allais pas passer à travers ça, alors j’ai plongé dans un fossé. Et j’ai regardé en l’air et la dernière chose que j’ai pu voir c’était leurs talons alors qu’ils s’éloignaient en courant. Donc je suis dans le fossé, trempé, je crois que c’était au mois d’avril (1945), et je remonte le long du fossé et j’arrive à un caniveau. J’ai pensé, très bien, je vais passer par le caniveau mais je ne pouvais pas le traverser parce qu’il était trois étroit. Il faisait seulement une vingtaine de centimètres de diamètre.
Juste là, j’entends quelque chose qui passe en sifflant à côté de mes oreilles et qui touche le sol à côté de moi. Et j’ai regardé bien en arrière sur l’autre et il y a un soldat allemand qui se penche au dessus du parapet, en me tirant dessus. Oh bon sang doux Jésus, j’ai pensé, mon Dieu, Je vous salue Marie pleine de grâce, sauvez-moi de ce gars. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Je me penche vers la droite et il y a un petit creux dans le sol. Alors je suis allé là-dedans et il a tiré deux fois et puis ils ont arrêté. Et tout était silencieux. Et j’ai seulement pensé, bon. Je les ai entendus marcher sur la route ; je me suis recroquevillé, je les entendais marcher juste au dessus de moi et rire et parler et quelque chose, ils parlaient de « kanadische Soldaten » - ça veut dire soldats canadiens (en allemand). Et ils sont passés juste à côté de moi et ont continué leur chemin. J’ai pensé, oh Jésus, je m’en suis sorti. Ces gars vont repartir et moi je vais continuer. Ils ont fait demi-tour et sont revenus sur leurs pas, juste à l’endroit où je me trouvais et ont braillé, « Raus ! » - sors de là. Ils savaient où j’étais depuis le début. Ils savaient exactement où j’étais.
Alors ils m’ont donné l’ordre de sortir et je suis sorti et je me souviens encore de dire en allemand, s’il vous plait ne tirez pas. Dieu, je m’en souviens encore. Ils ont dit, non, je ne vais pas tirer, et il m’a aidé à sortir. Ils m’ont aidé à m’asseoir et j’étais dans un sale état. J’avais besoin de me raser, j’avais besoin d’un bain, j’avais besoin de repos. Et puis il m’a dit en allemand, est-ce que tu as été blessé ? J’ai cru qu’il avait dit, est-ce que tu as une chemise sur le dos, parce que je réponds oui, oui. Oh, il était tellement contrarié, il a appelé le gars avec la trousse de secours, viens par ici, ce gars a été touché. Et bon sang, j’ai dit, non, je vais bien, je n’ai pas été touché, non, je vais bien. Oh merci beaucoup. Alors j’ai sorti un paquet de cigarettes trempées, vraiment trempées, et je les ai jetées et il a dit, garde-les, tu pourrais bien en avoir besoin là où tu vas. Ce gars qui est arrivé après, un officier allemand, un jeune gars, la vingtaine, il parlait bien anglais, il m’a demandé si ça allait et j’ai répondu oui. Il a dit, je pense que tu serais content d’apprendre que tes camarades se sont échappés. Ils m’ont mis dans une maison avec deux autres soldats allemands. Pas de prisonniers, j’étais le seul là-bas. Ils ne savaient pas quoi faire de moi.
Et un jour, le soldat allemand m’a dit en allemand, tu veux te raser ? J’ai dit, oui. Alors il m’a prêté son rasoir et on est sortis, eau froide, je me suis rasé et un jour j’étais assis là, en regardant par la fenêtre et un camion s’est arrêté et il a dit, tes camarades sont ici. Et j’ai regardé et il y avait une douzaine de soldats canadiens, des prisonniers de guerre, qui sont sortis. Et ils les ont amené dans la maison et le premier gars que j’ai regardé c’était un copain à moi que je connaissais à Hamilton. Il habitait à un pâté de maison de chez moi. Mais ils n m’ont pas laissé leur parler jusqu’à ce qu’ils les aient interrogés et puis après ça, ils nous ont emmenés dans un camp de prisonniers de guerre, bon, c’était un camp de fortune, il y avait juste un peu de fil barbelé.
Un jour on s’est levés, c’était le mardi matin, je m’en souviens encore, comme si c’était hier. Et tout était silencieux. Et un gars a dit, certain, les canons se sont arrêtés. Vous savez, les canons c’est quelque chose mais c’est dans votre psyché, vous voyez ce que je veux dire ? Il y a du tonnerre – au loin évidemment mais toujours grondement, grondement, grondement. Et ce matin-là, on s’est réveillés, rien, le silence. Silence de mort. Alors on a su que c’était fini.