« ... quand ils ont commencé avec les grenades sous-marines, les explosions faisaient pratiquement sortir le bateau de l’eau. Ça a duré des heures. Finalement, dans la soirée, ça s’est arrêté. On avait épuisé les grenades sous-marines, les 75 y étaient passées. »
Pour le témoignage complet de M. Sygrove, veuillez consulter en bas.
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Transcription
Le jour où la guerre a commencé, le 3 septembre 1939, il restait deux mois et un jour jusqu’à mon quinzième anniversaire. J’allais commencer ma dernière année au lycée. Il était prévu depuis longtemps qu’après avoir terminé le lycée, ma mère et moi on viendrait rejoindre mon père et mon frère aîné au Canada. Mon père était le capitaine du SS Grayburn et mon frère était le cuisinier du bateau. Le Grayburn transportait du minerai de fer de Belle-Île et Terre-Neuve jusqu’à l’aciérie de Sydney, Cap Breton. Notre ancien quartier à South Shields se trouvait sur la rive sud de l’embouchure de la Tyne. La nuit où on est partis, il y a eu beaucoup de larmes, des adieux éplorés à la gare, d’où on partait pour aller à Newcatle pour prendre le train de Liverpool et monter à bord de notre bateau, le NSM Newfoundland. En tout cas, on n’est pas allés plus loin que Tyne Dock, c’est à peu près comme d’aller de Sarnia à Pont Edward (en Ontario), quand les raids aériens ont commencé.
Ils en avaient après l’arsenal maritime de Walker et tous les bateaux sur la rivière. On nous a dit de nous allonger par terre et je pouvais voir les balles traçantes dans le rayon des projecteurs. Très vite ça a été terminé et on est allés à Newcastle où on s’est retrouvés confrontés à un autre raid aérien avant de pouvoir monter dans le train pour Liverpool.
Ces retards nous ont faits arriver très tard à Liverpool, où on a pris un taxi et on a juste eu le temps de monter sur le bateau avant qu’il prenne la mer. Et en quelques jours, on est arrivés dans le port de St John à St John, Terre-Neuve. Ma mère a très vite su que le bateau de mon père était à Belle-Île en train de charger du minerai de fer. On a vite fait nos bagages et en route pour des retrouvailles heureuses. Et on a terminé le voyage au Canada sur le bateau de mon père.
Ce premier Noël, en 1940, ma famille était réunie. Je me souviens avoir reçu une mandoline à fond plat toute neuve. Parce que le port de Sydney était gelé pendant l’hiver, il fallait qu’ils partent. Je n’en savais pas long, mais c’est la dernière fois que j’ai vu mon père.
À un moment à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin, en 1941, ma mère est partie à Baltimore pour voir mon père et mon frère, qui avait été envoyé à l’hôpital pour être opéré de l’appendicite. Alors mon père devait prendre la mer, et Jack est resté. Dieu merci, parce que juste après on a reçu un télégramme pour nous dire que le bateau de mon père avait été coulé et qu’il avait été tué. Il y avait 12 survivants sur un équipage de 52 personnes. Le second est venu nous voir et il nous a dit qu’il avait vu mon père sur le pont, juste avant qu’elle explose. Mon père était dans l’armée de terre pendant la Première Guerre mondiale et avait été gazé en 1917, et là il avait été tué à l’âge de 49 ans.
Je me suis rajouté une année et me suis engagé de toute façon ; et finalement, on m’a appelé à Halifax, pour prêter serment et suivre l’entrainement. Le chef qui me faisait passer l’entretien m’a suggéré de passer un test d’aptitude professionnelle, ce que j’ai fait et je l’ai réussi. Alors j’ai été assermenté comme mécanicien de salle des machines de cinquième classe. Après avoir suivi la formation de base, on m’a affecté à l’atelier d’usinage et on m’a dit de trouver une pension de famille en ville. Ça paraissait très sympa, mais ce n’était pas pour ça que je m’étais engagé et je ne me suis pas gêné pour le faire savoir à mon patron. Alors la première semaine de janvier, en 1940 (en fait 1943), il m’a appelé cette semaine-là en janvier 1943, il m’a appelé dans son bureau et m’a dit que j’avais deux heures pour faire mes bagages à la pension de famille et me présenter à bord du NCSM Kentville.
En mai, on nous a donné pour mission d’escorter le ferry de Sydney Nord à Port aux Basques à Terre-Neuve. Mais ce voyage, le brouillard était tellement épais, le ferry n’a pas pu partir de Port aux Basques, alors on a juste patrouillé dans les alentours, en attendant dehors. J’ai terminé mon quart à 8 heures du matin, et après le petit-déjeuner, je suis monté dans ma couchette pour faire une sieste, quand tout à coup, il y a eu un grand choc qui m’a presque propulsé hors de ma couchette, et on a entendu le son du « à vos postes ». J’ai entendu quelqu’un crier, on a heurté un sous-marin. Je me suis dépêché de me rendre dans la salle des machines, qui était mon poste de combat. Avec la proue enfoncée, on ne pouvait avancer qu’à la moitié de la vitesse maximale. Et quand ils ont commencé avec les grenades sous-marines, les explosions faisaient pratiquement sortir le bateau de l’eau. Ça a duré des heures. Finalement, dans la soirée, ça s’est arrêté. On avait épuisé les grenades sous-marines, les 75 y étaient passées. Et on est rentré doucement à Sydney, Nouvelle-Écosse, jusqu’à la fonderie de Sydney et l’atelier d’usinage que j’avais quitté à peine un an plus tôt.