Jim Hawley a servi dans la marine pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Quand je suis parti, j’ai manqué le contingent des jeunes recrues et j’ai suivi l’entraînement avec des officiers. On m’a mis avec un paquet d’officiers qui faisaient leurs classes. C’était des officiers de la marine marchande et ils rejoignaient les rangs de la marine régulière. La nourriture était bonne. Oui, on avait, on arrivait à en avoir, vous savez. Ici de ce côté (du côté de l’Amérique du Nord), c’était très bon. Particulièrement quand vous passiez près des ports américains, on avait l’habitude d’aller chercher de la nourriture américaine. Ils en avaient toujours de la bonne. Quand on était outre-mer, tout ce que vous aviez c’était du mouton. C’était, tout le monde avait ça. Mais ça m’était égal, ça ne m’embêtait pas. Certains avaient un mal de mer épouvantable. Ça me faisait de la peine pour eux les pauvres, c’était terrible j’imagine. Moi tout ce que j’ai eu c’était mal à la tête et ça s’est produit la première fois que je suis sorti du port d’Halifax. Et on était juste en train d’en sortir, en partant de là où il y a les gros rochers avant d’être au large. Et on était juste en train de fermer les sabords et les écoutilles, prêts à prendre la mer. Et j’ai regardé dehors et vous pouviez voir le sol qui montait et qui descendait et j’ai attrapé ce satané mal de tête. Et je me souviens d’un vieux chef, il était assis dans le poste d’équipage avec moi et je suppose que j’avais l’air apathique et il a dit, tu ne te sens pas bien, il dit, vas aux petits coins, mets-toi le doigt au fond de la gorge et vide-toi d’un coup, il a dit, et ça ira mieux. Alors je suis allé aux petits coins et j’ai tout vomi et je n’ai plus jamais eu le mal de mer après ça. Oui, on a avancé et il commençait juste à faire nuit, je pense qu’il était dans les onze heures du soir là-bas (le 8 août 1944). En général, il faisait jour plus tard là-bas. Et je venais de finir mon quart et je montais sur le pont, un copain à moi, George Dick, il s’occupait du projecteur de signalisation sur le pont et j’étais en train de remonter pour voir George et vlan, on se l’est prise. La panique. Tout ce dont je me souviens c’est d’être dans l’eau, de regarder en l’air et de voir le gaillard d’avant du navire, là où il s’était fendu pile en deux quand elle nous avait heurtés. Et le gaillard d’avant est remonté et je pouvais à voir le gaillard d’avant. J’avais peur car je pensais qu’il allait nous tomber dessus parce qu’on était dans l’eau. Oh, il s’est fait torpillé, et ça l’a coupé en deux. Bon sang ce que j’ai eu de la chance, j’étais sur le pont. Tous les gars qui étaient en bas ont été tués. Tous ceux qui étaient sur le pont inférieur, tous ceux dans la salle des machines, la chaufferie. Le seul gars qui s’en est sorti, c’était celui qui était au gouvernail et il s’est fait emporter. Tous les autres ont été tués. On flottait au milieu du pétrole, c’était ça le plus dur, l’eau était recouverte de pétrole. Je ne me rappelle pas combien de temps on a passé dans l’eau avant d’être repêchés. Un chaland de débarquement américain nous a recueillis. Ils étaient efficaces, ils nous ont repêchés et nous ont mis leurs manteaux sur les épaules et puis ils nous ont emmené quelque part au sud de la côte. Je me souviens quand on est allés dans le petit bassin, les bateaux, de plus petits bateaux sont sortis pour venir nous chercher, ils nous ont emmenés et il a fallu qu’on grimpe le long de ces falaises, il y avait des escaliers qui montaient jusqu’en haut. Et là-haut il y avait une base, une base de l’armée de l’air, une base d’avions de chasse, où se trouvaient les Spitfire et les Hurricane et tout ça. Et ils avaient un hôpital dans la partie supérieure du hangar. Et tout était préparé pour nous recevoir. Ils nous ont fait un lavage d’estomac et je crois qu’on est restés sous le choc pendant un bon moment, jamais réalisé ça. Évidemment ils ne comprenaient pas ça à l’époque, la même chose. Il y avait différentes choses dont on avait du mal à se souvenir, vous savez. Vous êtes en état de choc et vous perdez la mémoire pendant deux mois. Vous n’arriviez pas à vous rappeler ce qui se passait. Et c’est à peu près tout ce dont je me rappelle à ce sujet. J’étais à Victoria quand les premiers sont arrivés, de nombreux prisonniers, des ex prisonniers (canadiens faits prisonniers pendant la Bataille de Hong-Kong). Et on nous a demandé de les amener à terre à Victoria pour qu’ils se réhabituent à la vie en Amérique du Nord avant de les renvoyer chez eux. Et je me souviens d’un gars, il avait les yeux perdus dans le vague, il s’était un peu remplumé parce qu’on lui le nourrissait depuis quelques temps déjà mais il n’a jamais prononcé une parole contre les japonais. Évidemment, il était resté prisonnier pendant tellement longtemps, on lui avait fait du lavage de cerveau pour qu’il se la ferme. Mais ils avaient vraiment été terriblement maltraités.