Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Joan Rogers assise dans le véhicule dans lequel elle a "passé le test" en 1945.
(Avec la permission du Projet Mémoire/Joan Mary Rogers)
« C’était affolant de voir les flammes s’échapper de l’appareil tout en craignant que son moteur ne s’arrête et qu’il s’écrase je ne sais où. Je crois que c’était plus éprouvant pour les nerfs que le blitz lui-même. »
Transcription
J’avais 17 ans quand j’ai rejoint les rangs du tout nouveau service pour les femmes, l’Auxiliary Territorial Service, à Londres en Angleterre. Après la formation, j’ai été appelée juste quelques jours avant le début de la guerre, on m’a vêtue d’un uniforme kaki, qui ne m’allait pas bien je dois dire, et puis renvoyée chez moi jusqu’à ce que autorités soient suffisamment organisées pour me mettre au travail.
J’ai alors été mise dans la catégorie des commis du service de la paye dans le Royal Army Pay Corps, plus grossièrement connus sous le nom de gratte-papiers. Plusieurs d’entre nous étaient des nouvelles recrues, et on logeait dans une maison particulière. Mais comme nous étions jeunes, en bonne santé et dotées d’un solide appétit, on était vraiment privées et on n’avait vraiment pas beaucoup à manger. Alors on s’est plaintes auprès du sergent-major, qui a changé ça ; nous a immédiatement sorties de là et nous a envoyées ailleurs, et ça a été beaucoup mieux.
Il ne s’est pas passé grand-chose pendant les premiers mois mais ça a considérablement changé quand la Luftwaffe a commencé ses raids en plein jour sur l’Angleterre en 1940. Je me souviens avoir regardé un combat aérien au dessus de ma tête, alors que j’étais dans un bateau sur la Tamise, et ressentir une certaine vulnérabilité mais sans être pour autant effrayée – l’optimisme de la jeunesse. En tout cas, quand l’armée de l’air allemande est passée de la campagne à Londres, ça a été une toute autre histoire. Nuit après nuit bombardements et explosions avec les canons antiaériens et le bruit incessant des avions allemands au dessus de nos têtes, il y a plusieurs événements qui se détachent du reste dans mon esprit.
La mine qui a détruit le musée de cire de Madame Tussauds, qui était tout près du YMCA, où on était logées à ce moment-là. L’impact m’a jetée hors du lit mais sans dommage. Le deuxième souvenir c’est alors qu’on rentrait chez nous à pied avec une amie, de nuit, pour une raison inexpliquée on a pris un chemin différent du chemin habituel et une gerbe de bombes nous a encadrées avec un terrible impact. On s’est toutes les deux jetées sur la chaussée, on a retenu notre respiration et quand le bruit a cessé, on s’est relevées secouées mais reconnaissantes.
Une autre fois, quelques unes d’entre nous bavardaient dans la salle à manger un soir quand on a entendu le vacarme d’une bousculade. Sans la moindre exception, on s’est toutes jetées sous la très grande table de salle à manger, on s’est protégées les oreilles de l’énorme explosion d’une mine, à portée de main. On a toutes eu besoin d’une bonne tasse de thé après celle là.
Mes souvenirs du 10 mai 1940, le dernier grand raid sur Londres, la ville toute entière avait l’air d’être la proie des flammes aussi loin qu’on puisse voir et les projecteurs au dessus de nos têtes. Il se trouvait que j’étais à Trafalgar Square ce soir-là et je me suis précipitée dans St Martin-in-the-Fields (église) pour me protéger – et j’ai passé la nuit là par terre dans la crypte, c’était dur et froid mais sans danger. Ce que j’ai trouvé de plus effrayant pendant la guerre c’était les bombes V1, connues sous le nom de Doodlebug. Ça vous donnait des frissons de voir cette machine avec cette trainée de feu et l’appréhension d’entendre le moteur s’arrêter et de se demander où elle allait bien atterrir. Je crois que c’était plus dur pour les nerfs que le Blitz lui-même.
Finalement, les bombardements ont cessé et la vie a recommencé à être peu mouvementée, on se concentrait sur le travail qui augmentait du fait qu’il y avait de plus en plus de préposés à la paye qui étaient transférés dans les forces de combat et aussi à cause du nombre grandissant de victimes. Pendant les années qui ont suivi, j’ai été promue de simple soldat à soldat de première classe, sergent et sergent d’état-major quand j’ai été sélectionnée pour faire la formation d’officier à la Women’s Royal Army Corps, qui était précédemment la ATS Officer Training Center à Windsor. Après avoir reçu le grade d’officier, on m’a affectée à un dépôt de véhicules à l’extérieur de Leeds dans le Yorkshire où j’ai appris à conduire une jeep ce qui était très amusant.
Après un certain temps à Leeds en tant qu’adjoint au capitaine adjudant, notre unité a déménagé à Devizes dans le Wiltshire, où après une courte période, j’ai été promue capitaine et affectée à Edimbourg où je commandais une compagnie et où je suis restée jusqu’à ce que je sois rendue à la vie civile après douze ans de service pour le WRAC. D’une certaine façon c’était une sorte d’existence au jour le jour parce que je veux dire, vous deviez continuer à faire ce que vous faisiez et je pense aussi, je me souviens, on était jeunes, on ne s’en faisait pas autant en quelque sorte que les gens plus âgés. On avait de la chance d’une certaine façon, d’être dans l’armée parce qu’au moins vous saviez qu’autant que faire se peut, notre bien-être était pris en considération. Mais en même temps on était assez libres pour, et je dis que la plupart d’entre nous on sortait tous les soirs, on ne, même si les bombardiers bombardaient et tout ça, ça ne nous arrêtait pas parce que je crois qu’on était jeunes et comme toujours, les gens quand ils sont jeunes pensent, rien ne peut m’arriver à moi.
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