Project Mémoire

Joan Pennefather Manning

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Joan Manning
Joan Manning
Pays-Bas, avril ou mai 1945.
Joan Manning
Joan Manning
Joan Manning
Joan Manning et Kay Kirkman à Trafalgar Square, Londres, Angleterre, le 6 décembre 1944.
Joan Manning
Joan Manning
Joan Manning
Joan Manning (à droite) et son amie Joan Fergusson, faisant de la randonnée à Buffalo, New York. mai 1943.
Joan Manning
Joan Manning
Joan Manning
Joan Manning sur le pont du HMS Reine Elizabeth, entre deux soeurs infirmières, retournant à la maison à Westmount via New York, janvier 1946.
Joan Manning
Joan Manning
Joan Manning
Portrait de Joan Manning en uniforme de C.W.A.C.
Joan Manning
C’est affreux, ce qui est arrivé à Frederick Tait, a-t-il dit. Et j’ai sursauté, car je venais de le voir le 3 avril et voilà qu’il avait été tué.
Je m’appelle Joan et on m’a donné ce nom en souvenir de Jeanne d’Arc. Donc, Jeanne d’Arc au moment de ma naissance, je crois, a été canonisée. Elle était, je suppose que vous connaissez l’histoire de Jeanne d’Arc. J’étais à l’école des beaux-arts de Montréal, et j’étais, c’était les vacances d’été, et je cherchais un petit boulot pour l’été, et toute la famille a été bien surprise quand je me suis enrôlée. Il y avait une caserne à Ross Pavilion, la caserne Ross rue Peel, et c’est dans le haut de la rue, et au-dessus de Sherbrooke, entre Sherbrooke et l’avenue des pins. Et en rentrant par là, j’ai croisé sur mon chemin un bureau où ils recrutaient. Alors j’y suis allée pendant le temps qui restait et je leur ai dit : « Je voudrais aller outre-mer ». Et ils m’ont mise dans la liste pour aller outre-mer. Et alors j’ai été appelée pour aller outre-mer finalement. Je suis partie en août 1944. Et j’étais dessinatrice. Bon, mon travail consistait en, j’étais dans l’armement des services de l’état major. La plupart du temps je faisais des panneaux, capitaine untel, et Monsieur. Mais c’était, dans ce bâtiment, j’avais un petit endroit à moi. Il y avait quelqu’un d’autre, un jeune homme qui était aussi dessinateur et j’étais aussi, on était tous les deux dans une petite pièce. Les officiers venaient avec leur dessins en coupe d’armes, deux bombes, des bombes, ou différentes choses. Et si les choses étaient tenues secrètes, top secrètes ou très secrètes, alors je pensais, bon, c’est bon que je sois ici parce que je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était, je dessinais seulement ce qu’il y avait dedans, je faisais en sorte que leurs plans soient plus facile à lire en quelque sorte. On n’avait pas de bombes, on avait les bombes volantes, qui faisaient un drôle de bruit. Les roquettes ont été les suivantes. Les roquettes étaient vraiment effrayantes parce que c’était des roquettes et quand elles s’écrasaient sur une ville on n’en entendait jamais parlé dans les journaux. Jamais. Mais vous entendiez ce son distinctif, c’était comme le tonnerre. Un coup très fort, comme un coup de tonnerre, le tonnerre qui gronde et coup de tonnerre qui s’abat. Et il y avait un deuxième coup, il y en avait deux. Et une fois que vous aviez entendu le deuxième, vous saviez qu’elle avait atterri. Et après ça vous étiez en sécurité. Une chose qui m’a guérie de la peur du tonnerre parce qu’on tout simplement, on reprenait ce qu’on était en train de faire comme si de rien était et on disait : « Tiens quelqu’un l’a reçu sur la tête mais ce n’était pas nous. » à ce moment-là. Et je ne prenais pas le bus. Je viens juste de me souvenir, quand vous avez mentionné, on prenait le métro. On ne prenait pas le bus. Je n’avais pas de tickets de bus, mais on prenait le métro et je me souviens des gens qui étaient venus avec leurs, ils louaient des lits et c’était un très grand. Alors il y avait tous ces gens, si on arrivaient tard, il étaient dans leurs lits ou en train de se préparer pour la nuit. Ils louaient ces, je crois qu’il y avait des lits doubles aussi, je n’arrive pas à me souvenir de ça. Mais quoiqu’il en soit je me souviens des gens qui descendaient là avec toutes leurs affaires de nuit pour dormir là, pour éviter les bombes. Et je les plaignais. L’air n’était pas terrible et il y avait des familles qui venaient là. Et on marchait là en nous occupant de nos affaires. Quand ils ont organisé une dernière vague d’avions qui a déferlé sur Londres et qu’ils ont bombardé toutes ces jolies villes, ils voulaient faire fuir les allemands, n’est-ce pas ? Et c’était bien trop tard pour ça. Ils n’y avait pas un espace libre dans le ciel, quand on regardait par la fenêtre. Il n’y avait rien d’autre que des avions. Le ciel tout entier, des petits avions, des gros avions qui allaient en Allemagne pour bombarder Dresde et d’autres villes. Donnez leur juste un ciel. Et ils ont dévasté Dresde et d’autres villes, tout. Et la guerre était sur le point de se terminer. Et à la fin de la guerre, quand la campagne d’Italie a été terminée, tous ces soldats étaient tout autour de Londres avec leur flanelle rouge [NDT : terme familier qui désigne l’insigne de la 1ère division]. C’était la 1ère division. Et c’est un homme bronzé, avec des cheveux blonds et une peau très bronzée parce qu’il revenait d’Italie, et il m’a demandé de danser avec lui. Et on a dansé deux danses, continué à danser, et d’où venez-vous et il venait, J’ai dit Montréal et il a dit, d’où venez-vous, il était de Grand Falls dans le Nouveau Brunswick, où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 11 ans. Et ensuite, comment t’appelles-tu, Frederick Tait. Et il était dans ma classe et on avait l’habitude de jouer à cache-cache tous les deux et des choses comme ça. Un vieil ami d’école. Et c’était un vendredi et c’était Pâques, en 1945 je crois. Oui, 1945, parce que je suis rentrée en janvier 1946. Quoiqu’il en soit, donc on dansait et le jour suivant on a passé, c’était le samedi soir, le dimanche, on a passé la journée ensemble. Il est venu chez nous pour le dîner, on est allé au cinéma et on a parlé. Et il me racontait qu’il n’avait pas pu écrire à, il écrivait à sa mère chaque semaine, mais c’était un déplacement secret son retour à Londres et bon, il ne lui avait pas écrit et il se sentait… Alors je lui ai écrit et… oh oui, et le jour de la Victoire en Europe, c’était le 8 mai, j’ai reçu une lettre de, c’était à Pâques, c’était le 3 avril, le jour de la Victoire en Europe, j’ai reçu une lettre de chez moi, et ils disaient : « Oh est-ce que ce n’est pas terrible ce qui est arrivé à Frederick Tate. » Et j’ai dit « Quoi ? » Et puis je me suis dis, je l’ai vu le 3 avril. Et il s’était fait tué. Ils sont retournés au front . Et il s’est fait tué. Et j’étais tellement sous le choc. Je ne me sentais pas de faire la fête ce jour-là, mais je suis sortie quand-même. Mais c’était le jour d’avant, le jour de la Victoire en Europe, où j’ai reçu cette lettre. Et donc ça m’a fait un choc. Alors j’ai écrit une lettre à sa mère pour lui dire que je l’avais vu et qu’on avait passé un bon moment et ce qu’on avait fait et ses sentiments et combien il était désolé de ne pas pouvoir écrire chez lui au moment du déplacement. Et j’ai eu une lettre tellement adorable et j’ai eu des photos de sa tombe et deux ou trois autres sur le bas-côté d’une route avec un moulin à vent dans le fond, dans la photo. Et la sienne c’était la troisième tombe. Une tombe simple avec une croix en bois, une tombe provisoire. Et ils étaient contents d’avoir reçu ma lettre.