La guerre s’est terminée le 8 mai (1945) et on était à mi-chemin du retour de Londonderry en Irlande (du Nord) à Terre-Neuve comme escorte. Et bien sûr, une des choses excitantes le 8 mai c’était d’écouter la radio qui racontait ce qui se passait à Halifax (les émeutes du jour de la Victoire en Europe à Halifax les 7 et 8 mai) chaque jour, c’était ahurissant. Mais en tout cas, deux ou trois jours après, je suppose que c’était vers le 11 mai, le navire (NCSM Victoriaville) a reçu un message qui nous donnait rendez-vous à une certaine position pour la reddition du U-boote (U-190). On était alors à environ 500 milles nautiques au large de Terre-Neuve quand ça s’est passé.
Alors je suppose que c’était le lendemain ou le surlendemain, que ce sous-marin allemand est apparu, on l’a rattrapé, et il y avait une corvette qui s’appelait le (NCSM) Thorlock qui était avec nous elle aussi. On était les officiers supérieurs et on était sur la frégate Victoriaville comme je l’ai mentionné. J’étais sur le pont comme officier de quart en second en quelque sorte, même si comme j’étais l’officier d’approvisionnement, je n’avais pas à faire de quart sur le pont, mais je le faisais.
Quand on a rattrapé le U-boote allemand, on avait un groupe prêt à monter à bord du U-boote. À ce moment-là, ils ont décidé d’envoyer les prisonniers allemands sur notre bateau ou sur le Thorlock et de nous laisser quelques Allemands évidemment pour faire tourner les moteurs. Et on avait un mini-équipage là aussi, pour faire le trajet jusqu’à Bay Bulls, Terre-Neuve, qui avait été établi.
On avait la plupart des officiers sur le bateau au début et un mélange d’hommes avec des grades plus élevés et des soldats non officiers dans le bateau. On était tous un peu nerveux évidemment et on se demandait ce que ça allait donner. Mais après que les choses aient été arrangées, on a réalisé que ces officiers de marine, la plupart de ceux à qui on avait affaire étaient des officiers de marine bien sûr. Le gars qui était capitaine en second sur le U-190, il me rappelait Errol Flynn, si vous avez entendu parler de lui, c’était un grand acteur hollywoodien du moment. Il ressemblait tout à fait à ce que vous imaginiez qu’Errol Flynn pouvait être. Vous savez, tout ce baratin pour dire à quel point il était fantastique et combien dès leur retour en Allemagne, toutes les filles qui l’attendraient.
Et le lendemain matin, bon évidemment, ce jour-là, le commandant allemand (Oberlieutenant Zur See Hans-Erwin Reith) s’est rendu à notre capitaine (Capt. Lt Lester Alton Hickey ; Réserve de la Marine royale du Canada) et ce qui était intéressant c’est qu’il s’est rendu sans condition « mon équipage et mon bateau », c’est comme cela qu’il a dit. Mais les mots sans condition étaient intéressants parce que c’est ce que Churchill avait stipulé très clairement le jour de la Victoire en Europe, que ça ne pourrait être qu’une reddition sans condition.
Le jour suivant, ils décidèrent qu’il y avait trop de gens sur le Thorlock, trop d’Allemands sur le Thorlock et que pour assurer une meilleure répartition de l’équipage allemand il faudrait avoir les officiers et les grades moins élevés sur notre bateau et les officiers mariniers sur le Thorlock. Alors il leur fallait transférer des gens, la plupart du Thorlock à notre navire.
Bon, quand ça s’est passé, c’était ahurissant ce qui s’est passé, parce que j’étais sur le pont supérieur juste là où les Allemands devaient monter et au lieu de faire le transfert par bateau, les deux capitaines ont décidé de, oh, les bateaux n’étaient pas du même type, de juste les mettre côte à côte et de faire sauter ces gens d’un bateau à l’autre. Et c’était plutôt précaire comme situation.
Quoi qu’il en soit, pendant qu’ils sautaient, un Allemand a simplement attrapé la dernière rambarde sur le côté et sur le bateau debout à côté de moi il y avait ce très jeune officier allemand. Il avait la vingtaine passée et il mesurait un mètre quatre-vingt-dix et c’était un robuste gaillard. Il s’est penché en avant et a juste attrapé ce jeune marin et l’a remonté et, heureusement, lui a sauvé la vie parce que les deux bateaux sont remontés ensemble, en causant quelques dégâts mineurs en fait. Mais en tout cas, le résultat c’est que, le lendemain, le capitaine allemand, qui avait le pouvoir de décerner une Croix de fer de 3ème classe, il a récompensé cet officier allemand – dans notre carré des officiers – la Croix de fer de 3ème classe, ce qui a été une expérience fascinante.
Ils avaient coulé des navires pendant la Bataille de l’Atlantique et on pensait que c’était des gens épouvantables, il n’y avait pas le moindre doute dans nos esprits. Mais vous réalisez que c’est des gens qui font leur travail. Vous réalisez qu’il s’agit là d’une sorte de monde, de communauté de la mer, si je puis dire ainsi, que tous ces gars qui se trouvaient dans le sous-marin allemand, je veux dire, c’était des officiers de marine ou des matelots ou peu importe, tout comme nous. Et je n’excusais pas du tout ce qu’ils avaient fait, en fait, ils avaient coulé le Esquimalt, vous savez, le NCSM Esquimalt à peu près deux ou trois semaines avant la fin de la guerre (le16 avril 1945), à proximité de la Nouvelle-Écosse. Je ne les aimais pas en ces termes, mais on a réalisé, en tout cas moi j’ai réalisé, que c’était le gouvernement allemand contre les forces alliées, au fond.