Project Mémoire

Kathleen Edith Wyatt (née Swan) (Source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Kathleen Edith Wyatt (née Swan) était une infirmière pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lisez et écoutez son témoignage ci-dessous.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Transcription

Il y a une chose que vous devez comprendre. La plupart de ceux qui ont participé à l’Invasion de la Normandie ont été soit tués, soit blessés; ou bien ils ont survécu. Nous recevions les blessés, et ils n’avaient pas vu beaucoup d’action avant tard dans l’été, en juin et en juillet, et ils étaient très jeunes. Eh bien, je pensais qu’il n’y aurait jamais une autre guerre. Je pensais que c’était terrible. Nous étions une unité complète. Nous avons été rassemblés en Nouvelle-Écosse en une unité médicale complète avant d’être envoyés. Nous sommes partis en navire sur le New Amsterdam, et nous sommes débarqués à Gourock, en Écosse. Puis, nous [...] comme unité complète, des rayons X à la pharmacie aux salles d’opération. Toutes les infirmières étaient – c’était un hôpital complet.

Puis, alors qu’un autre hôpital était déménagé du sud de l’Angleterre vers la Belgique, ils avaient un hôpital, vous savez, des hôpitaux de campagne qui fonctionnaient, nous sommes déménagés dans leur hôpital et nous les avons remplacés. Nous étions à mi-chemin entre Londres et Brighton, et quand nous sommes arrivés là-bas, nous avions manqué le blitz entre l’Angleterre et Londres, mais ils commençaient à utiliser les missiles sans pilote. Ils les appelaient des V-1, puis V-2. On pouvait voir les V1 arriver. On pouvait les entendre, et on pouvait les entendre exploser, et nous avons été tout juste assez chanceux pour ne pas être touchés. Plus tard, avec les V-2, on ne pouvait pas les entendre arriver, parce qu’ils décrivaient un arc élevé, puis ils touchaient le sol, et on pouvait seulement entendre l’explosion. Mais les V-1, on pouvait les regarder. Il y avait ces bombes sans pilote qui nous survolaient, et on pouvait les entendre et les voir et, la nuit on pouvait voir le feu sortant d’en arrière, vous savez, l’échappement. Lorsque le moteur était coupé, on pouvait compter jusqu’à 18 avant l’explosion. On n’était pas tout à fait sûr dans quelle direction elle allait, mais on savait qu’elles étaient dirigées vers Londres, et certaines ont manqué de portée. Oui, nous avions une extinction des feux chaque nuit, une extinction complète des feux.

Nous nous sommes fait de bonnes amies dans notre groupe, parce que nous étions 70. On n’était pas proche de chacune d’elles. On se rapprochait de quelques-unes. Je suis devenue très proche. Puis, ma sœur a été transférée de l’Italie à l’automne ’44, après la grande bataille en Italie, Ortona. Beaucoup de Canadiens ont été renvoyés en Angleterre, et elle était l’une d’entre eux. Elle est arrivée du numéro 15, et dès qu’elle est arrivée, ils l’ont envoyée, ils l’ont placée dans notre hôpital parce que j’étais là. Nous avons donc pu – je ne l’avais pas vue pendant plusieurs années. C’était donc bien.

Je ne pensais jamais qu’il y aurait une autre guerre. Je me souviens d’écrire à ma mère; elle disait toujours dans ses lettres qu’il n’y aurait jamais une autre guerre. Ça ne se pouvait pas, parce que c’était seulement une guerre de tuerie, vous savez ? Il y a eu tellement de morts, et ils étaient si jeunes. Je veux dire, j’avais 24 ans, et la plupart de ces garçons étaient plus jeunes que moi. Je pensais qu’il n’y aurait jamais une autre guerre, et ils ont continué, continué, et continué, et, finalement, au printemps suivant, en avril et mai, ç’a ralenti et abandonné le premier mai.

Je me suis mariée lorsque j’étais là-bas. J’ai épousé un soldat de l’Alberta, et je suis revenue à la maison, mais il n’est pas rentré tout de suite. Je suis revenue à la maison, je suis allée en l’Ile-de-France, où se trouvait le navire de transport de troupes à ce moment. C’était un beau navire, et quand je revenais à la maison, il y avait beaucoup de femmes de soldat à bord. Nous sommes arrivés à Halifax. C’était — j’oublie la journée. C’était l’année suivante, n’est-ce pas ? C’était l’année suivante. C’était pendant les premiers jours de juillet, je pense, mais j’oublie la journée. Nous sommes arrivés à Halifax, et les bateaux pompiers avec leurs lances étaient sortis, et il y avait un comité d’accueil pour le navire lorsqu’il est entré à Halifax. Lorsque nous embarquions sur un train de transport de troupes, il était bondé. Une autre infirmière et moi avons partagé une couchette du bas tellement c’était plein. Nous sommes arrivées à Calgary, et le train s’est arrêté à côté du Stade Metawa – de l’armurerie Metawa, je veux dire, et nous sommes débarqués. J’avais travaillé un court moment pour les Américains après ma graduation, et ils construisaient l’autoroute d’Alaska, et ils engageaient des infirmières canadiennes pour le secteur ambulatoire à Whitehorse. C’était intéressant de travailler pour les Américains, mais j'ai réalisé que si je travaillais – vous voyez, l’armée américaine était responsable de construire cette autoroute, et notre hôpital avait des médecins militaires, celui qui avait le service des ambulances. J’ai donc travaillé là-bas pendant six mois, puis j’ai décidé que je ne voulais plus travailler pour eux. Le premier travail qu’ils m’ont donné était au camp de prisonniers de guerre à Lethbridge. Voilà où j’ai commencé. J’étais dans ma carrière militaire, et je suis restée là un mois, lorsqu’ils ont décidé qu’ils allaient – ils avaient besoin du numéro 24, puis ils avaient besoin d’un autre hôpital. Voilà comment je me suis retrouvée à l’Hôpital général 24.

Eh bien, je me souviens que, pendant la première nuit que nous avons passée dans le sud de l’Angleterre, nous étions au lit, et l’extinction des feux était en vigueur. L’infirmière, que je ne connaissais pas, et c’était une cambre de deux lits dans nos quartiers, elle se préparait pour aller en Belgique, mais il faisait noir et c’était la nuit. Soudain, la fenêtre a volé en éclat et un rideau assombrissant a frappé le plafond, et le lit a bondi. J’ai pensé : « Ô mon dieu, qu’est-ce qui se passe ? », vous savez ? Elle a répondu que c’était un missile qui avait touché un ballon de barrage, une explosion donc, et je me suis dit « Oh, comment ces gens dans ce pays ont-ils bien pu traverser un blitz. » Ça m’a fait trembler. C’est la seule fois de ma vie où j’ai tremblé de peur. Puis, je m’y suis habituée.