Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Marcel Montpetit (à droite) et un opérateur radio de son char blindé posent devant la maison où ils habitaient pendant leur repos à Leeuwarden en Hollande, en 1944.
(Avec la permission du Projet Mémoire/Marcel Montpetit)
«Puisqu’on faisait la reconnaissance, on partait de bonne heure pour s’assurer que les positions allemands n’avaient pas changé durant la nuit. Après que vous êtes embarqué, tout y va. Le plus difficile c’est partir le matin. On avait dans la tête la première peur qu’on a, le matin.»
Transcription
On a débarqué sur les plages de Bernières-sur-Mer. Notre objectif était pour la journée d’attaquer, de se rendre à Carpiquet, un aéroport pas loin de Caen. On ne s’est pas rendu là. On s’est rendu à Bretteville l’Orgueilleuse. Ça a été la seule journée qu’on a pu avancer. Après ça on a fait du surplace. Les Allemands étaient très forts et leurs blindés commençaient à rentrer en quantité assez surprenante. On n’était pas de taille à combattre des canons 88 avec des Tigres allemands [un type de char allemand]. Ils nous poivraient assez facilement. On s’est retiré et on les attendait. Ils ont fait la même erreur qu’on a fait, ils ont avancé dans une prairie. Nous les avons reçus. Ils sont donc reculés et ils ont gardé leur position en arrière. Nous autres gardions la nôtre. Il y avait des escarmouches ici et là. Ça a pris environ 3 semaines à un mois avant qu’on puisse se rendre à l’aéroport de Carpiquet.
On travaillait de nuit avec des lumières « searchlight », des lumières pour tracer les avions dans le ciel. Elles nous éclairaient en hauteur alors nous pouvions avancer de nuit. On passait à travers des lignes ennemies. Le matin nous faisions le nettoyage de ce qu’il y avait d’Allemands là-dedans jusqu'à ce que nous réussissions à fermer la poche.
Si l'on était sur les lignes, on dormait à côté de nos chars. On était nourri par des camions qui arrivaient de nuit pour ne pas se faire localiser par les Allemands. On dormait assez bien malgré le bruit. On s’habitue à tout vous savez. Ils nous canonnaient, c’était toute l’artillerie qui tirait en notre direction. Il fallait se protéger. Nous creusions des tranchées. Souvent on restait dedans la nuit pour ne pas être surpris avec un barrage d’artillerie le matin. On partait selon les ordres des commandants.
Moi, je faisais partie de la reconnaissance pour le régiment. On partait le matin pour aller voir à peu près où [sont] les positions allemandes. On avertissait le régiment derrière [nous] les positions, à peu près. Le fait de partir le matin, autant qu’on s’en aller avant les autres, puisqu’on faisait la reconnaissance. On partait de bonne heure pour s’assurer que les positions allemands n’avaient pas changé durant la nuit. Après que vous êtes embarqué, tout y va. Le plus difficile c’est partir le matin. On avait dans la tête la première peur qu’on a, le matin. Ensuite, une fois dans le feu de l’action, on oublie tout. On fait seulement suivre les ordres. Cela ne nous empêche pas d’avoir peur quand même. Mais on se contrôle.
Dans le régiment j’étais à peu près le seul qui parlait français. J’étais souvent l’interprète pour les autres. Au premier temps, on ne comprenait pas les Français, puis eux, ils ne nous comprenaient pas non plus, parce qu’on n’avait pas le même langage. Ils parlaient pointu tandis que nous parlions un peu en habitant [comme des canadiens français, habitants].
Notre travail était surtout de longer les côtes jusqu’en Hollande. De Hollande, on traversait en Allemagne vers la ligne Siegfried. Je me rappelle encore du nom du village allemand, c’était Leer.
La journée de Noël [1944], j’étais en patrouille parce que les Allemands venaient d’attaquer dans les Ardennes contre les troupes américaines. On avait peur que les parachutistes viennent de notre côté pour essayer de nous couper en deux entre les deux lignes. On était sur des patrouilles de nuit toute la journée de Noël et le Jour de l’An, justement en prévision d’une attaque. On s’habitue.
J’étais content de revenir c’est sur, on manquait, par contre, notre groupe. On n’oublie pas ça. Quand vous avez vécu tant d’années ensemble et tout à coup, on se sépare carrément. J’ai rencontré seulement un des hommes qu’on était avec, à peu près un mois après qu’on est revenu au Canada. C’était un homme d’Alberta, après ça on ne s’est jamais revu. La routine civile a recommencé. Je suis retourné travailler au même endroit où j’étais, à Minor [usine de caoutchouc, « Minor Rubber Co. »]. Je n’avais travaillé là qu’un mois et demi [avant la guerre], mais c’était assez pour avoir le droit de retourner à mon travail.
Je ne voulais pas aller voir les cimetières de vétéran quand vous savez toute la misère qu’ils ont eue. Les parents, ceux qui s’intéressent assurément c’est les parents qui avaient des enfants qui sont morts là et qui sont enterrés en France. Eux y allaient naturellement, c’est normal. Nous autres comme soldats on n’aimait pas beaucoup ça. Ça nous rappelait peut-être le danger qu’on avait couru. Ça ne nous intéressait pas de voir les morts. On en avait vu assez. On ne planifiait pas d’aller voir des champs pleins de croix. Ça ne nous disait pas grand-chose. On trouvait ça terrible, c’est tout.
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