Project Mémoire

Mario Lorito (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Credit: Canada. Dept. of National Defence / Library and Archives Canada / PA-189919 Restrictions on use: Nil Copyright: Expired
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Credit: Lieut. Frederick G. Whitcombe / Canada. Dept. of National Defence / Library and Archives Canada / PA-163411 Restrictions on use: Nil Copyright: Expired
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Credit: Lieut. Jack H. Smith / Canada. Dept. of National Defence / Library and Archives Canada / PA-140149 Restrictions on use: Nil Copyright: Expired
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Ils ont aligné 22 d’entre eux et les ont descendus. Oh, je les connais pratiquement tous. Il y avait un de mes cousins là-bas, le jeune Mario Rapino était dans ce groupe. Il y avait deux de mes professeurs d’école qui étaient dans ce groupe. Il y avait un de mes meilleurs amis.

Transcription

J’étais en quatrième année (CM1) à l’âge de 11 ans et c’est là que je suis parti en Italie, en septembre 1936. Et je suis fils unique, je suis un enfant unique plutôt. Bon, c’est assez nébuleux, mais dans mes souvenirs, mon père avait suggéré que je parte en Italie pour faire deux ans d’études là-bas. Je suis allé à l’école à Pescara (Italie) et Chieti (Italie), mais quand je suis arrivé là-bas, au début j’ai suivi des cours avec un professeur particulier et puis à Noël la même année, elle m’a pris dans sa classe, et puis en juin, j’ai reçu mon certificat là-bas et ensuite j’ai continué. C’était la cinquième année (CM2) et c’est la dernière classe à l’école primaire là-bas. Et puis j’ai continué dans ce qu’on appelle l’école intermédiaire (le collège) pendant trois ans à Francavilla (al Mare, Italie) et puis je suis allé à Chieti pendant un an et Pescara pendant un an, pendant deux ans. L’une c’était une année de prépa, ça s’appelait une « preparatorio », et la suivante c’était la première année d’école secondaire (lycée). Et j’ai terminé en 1942. Jusqu’à ce moment-là, il n’y avait pas trop de problèmes là-bas, vous savez, c’était à peine si vous saviez qu’il y avait une guerre. Tout ce que vous saviez c’est qu’il y avait beaucoup de jeunes gens qui n’étaient plus là parce qu’ils étaient dans l’armée et ils étaient dans la marine ou peu importe. Mais à part ça, les choses étaient plutôt normales. Ils (les soldats allemands) avaient l’habitude de venir et faire ce qu’ils appelaient du ratissage. Autrement dit, ils ratissaient pour rassembler autant de jeunes qu’ils pouvaient pour les envoyer à Vasto (Italie) qui était la ligne de front à ce moment-là, juste pour creuser des tranchées pour eux et des trucs comme ça, des petits boulots. Donc ce jour-là, ce type allemand qui faisait la patrouille le long d’une petite rivière appelée l’Alento, à Francavilla, il a regardé dans l’eau en bas et a vu un soldat allemand avec la tête coupée. Donc, sur-le-champ, il est retourné là où ils se séjournaient. C’était au sommet de la colline appelée La Monache et là-haut, c’était là où ils gardaient tous ces hommes qu’ils emmenaient à Vasto chaque jour et ramenaient le soir chez eux. Ils ont aligné 22 d’entre eux et les ont descendus. Oh, je les connais pratiquement tous. Il y avait un de mes cousins là-bas, le jeune Mario Rapino était dans ce groupe. Il y avait deux de mes professeurs d’école qui étaient dans ce groupe. Il y avait un de mes meilleurs amis. Un samedi matin, je suis chez moi et j’entends quelqu’un frapper à la porte et je vais ouvrir et il y a deux jeunes hommes là, 17 ou 18 ans à peu près, ils appartenaient à ce qui s’appelait à l’époque l’Œuvre Nationale Balilla. C’était l’organisation de jeunesse de Mussolini et ils se demandaient ce que je faisais encore chez moi, pourquoi je n’étais pas sur la place d’armes. Tous les samedis matin, on attendait de nous qu’on y aille se présenter au défilé pour apprendre à être un bon soldat. Alors, j’y suis allé et chaque samedi où j’y allais et je me disais : « Bon, ces gens me disent ce que je dois faire, avance au pas ici, avance au pas là, tiens-toi au garde à vous et tous ces trucs, pourquoi ne serais-je pas l’un de ces gars qui donnent tous les ordres? » Alors j’ai commencé à gravir les échelons. Et j’ai réussi à devenir commandant, et ensuite j’ai été centurion. Ils se servaient de toutes sortes d’appellations romaines pour les jeunes. Alors je suis devenu centurion, c'est-à-dire que j’avais une centaine d’hommes sous mes ordres. Et puis après ça, je suis allé passer un été à Rome et je suis devenu cadet dans la Gioventù Italiana del Littorio. Et voilà. Ensuite, je suis allé passer la visite médicale pour le service militaire à l’âge de 18 ans, en 1943, en avril, ils m’ont affecté à ce qui s’appelait le bataillon San Marco, qui est l’équivalent des Marines aux États-Unis. Et je devais me présenter au rapport le 23 septembre à Venise (Italie). Cependant, Mussolini a capitulé le 8 septembre et le pays était complètement sens dessus dessous, il n’y avait personne à sa tête, c’était l’anarchie partout, alors je ne me suis jamais présenté au rapport pour mon service militaire. Et c’est là que, au début de l’année 1944, je travaillais toujours, j’étais télégraphiste à ce moment-là pour la compagnie de chemin de fer italien alors j’ai continué à travailler pour le chemin de fer italien jusqu’au début de l’année 1944, moment où les Allemands ont pris le pouvoir parce qu’ils occupaient l’Italie depuis la chute de Mussolini, ils ont pris le pouvoir dans le pays. Alors j’ai travaillé avec eux jusqu’au début de l’année 1944 quand ils ont dû battre en retraite et que les Alliés sont arrivés. Et c’est là que j’ai commencé à travailler pour ce major du gouvernement militaire allié en Europe, l’AMGOT (Allied Military Gouvernement for Occupied Territories : Gouvernement militaire allié des territoires occupés, c’est une forme de gouvernement militaire administré par les alliés pendant et après la guerre dans les territoires européens occupés), ça s’appelait. Lors de l’une de nos expéditions, on est retournés à ce qui s’appelait le quartier général italo-canadien à Avellino en Italie. C’est là que je suis allé et j’ai rencontré le Capitaine Cameron du 48ème Highlanders (of Canada) et je lui ai dit que je voulais rejoindre l’armée canadienne. Et il m’a dit : « Bon, j’ai besoin de savoir qui tu es... » Alors je lui ai dit. Il a dit : « Oui, bon, ce n’est pas suffisant, il me faut une preuve, un acte de naissance par exemple ou n’importe quoi. » Bon, je n’avais rien du tout avec moi parce que ma mère avait tout détruit, car elle craignait que les Allemands tombent dessus. Et puis un jour j’ai eu cette terrible rage de dents et j’ai dit au sergent major : « Pensez-vous que quelqu’un pourrait me soigner? » Et il a répondu : « Bon, descends à la clinique et dis-leur que c’est moi qui t’envoie. » Alors je suis allé dans cette clinique à Avellino et ce dentiste canadien-français, il s’appelait Doucette, il m’a soigné. Et quand c’était fini, je suis descendu de la chaise et j’allais partir, il dit : « Bon, une minute soldat, il me faut ton numéro régimentaire. » J’ai dit : « Et bien, je n’ai pas de numéro, je suis un civil, je travaille juste pour le sergent-major Clareidge et il m’a conseillé de venir ici me faire soigner. » Et pendant que je lui racontais tout ça, bon m’a-t-il dit : « Bon, comment se fait-il que tu parles aussi bien anglais? » Alors je lui ai expliqué que j’étais né à St. Catharines (Ontario). Bon quand j’ai dit St. Catharines, il y avait un autre dentiste qui s’occupait d’un autre soldat sur la chaise voisine et c’était le Dr Goffin de St. Catharines. Quand il a entendu St. Catharines, il s’est précipité et il a dit : « Ai-je bien entendu St. Catharines? » Et j’ai dit : « Oui. » Alors je lui ai raconté mon histoire, comment je m’étais retrouvé en Italie à l’époque. Alors il a dit : « Et bien qu’est-ce que tu veux faire? » Et je lui ai dit, j’ai dit : « Bon, je voudrais rejoindre l’armée canadienne, mais je n’ai pas de papiers d’identité qui puissent prouver qui je suis. » Il a dit : « Ne t’inquiète pas, » dit-il, « je vais écrire à mon père, il est directeur de la Welland Vale Manufacturing à St. Catharines et je vais lui demander de rechercher ton père et de voir ce qu’il peut trouver pour toi. » Et c’est ce qu’il a fait. Et puis ils sont allés à l’église où j’avais été baptisé et ils ont récupéré mon certificat de baptême et me l’ont envoyé là-bas et, c’est alors, qu’en février 1945, j’ai été enrôlé dans le 48ème Highlanders. On était dans une grande zone boisée ce jour-là et quelqu’un a dit : « Au feu! » Alors on s’est tous sauvés en courant et, en effet, les bois étaient en flammes et l’incendie se propageait parce qu’il y avait beaucoup de vent, alors on a tous enfourché ces vélos et on a essayé de sortir de là. Mais sur le chemin dans la clairière, on a vu qu’il y avait une route, mais on n’y voyait pas grand-chose à cause de la fumée, bon on s’est retrouvés sur cette route, une moto a fauché six d’entre nous et c’est comme ça que j’ai été blessé. Donc ils m’ont envoyé en Angleterre, ils m’ont mis dans le 24e Hôpital général canadien en Angleterre. Alors pendant que j’étais là-bas, je suis allé au consulat du Canada et je leur ai raconté mon histoire et leur ai dit que ma mère était toujours en Italie et ils ont dit : « Ne t’inquiète pas, on va s’en occuper. » Alors ils ont téléphoné à ma mère, ils l’ont emmenée à Naples, ça a pris environ un an pour faire tout ça, mais ils l’ont emmenée à Naples et ils l’ont envoyée en Angleterre, à Southampton, et sur le premier bateau d’épouses de guerre qui est parti de Southampton, (le RMS Aquitania), ma mère était à bord de ce navire en juillet 1946, un an après mon retour à la maison.