Project Mémoire

Richard A. Copley (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

En 2010, le Projet Mémoire a interviewé Richard A. Copley, un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement (et la transcription) qui suit est un extrait de cette entrevue. De 1939 à 1945, Richard Copley a servi dans la Royal Air Force (RAF); il a commencé en tant que sergent pilote, et a terminé son service en tant qu’adjudant. Né à Farnborough au Hampshire, en Angleterre, le 13 octobre 1919, Richard Copley s’est enrôlé dans la RAF à 20 ans. En tant que mitrailleur aérien, il a participé à des campagnes en France, en Belgique et en Allemagne. En 1941, Richard Copley a été capturé après l’écrasement de son avion en Belgique; il a passé le reste de la guerre dans des camps de prisonniers de guerre. Dans son témoignage, Richard Copley décrit son service dans la RAF et son expérience avec les membres de la résistance belge, qui l’ont aidé, lui et son équipage, après leur écrasement à Anvers. Il mentionne également son séjour au Stalag Luft VIII-B, un camp allemand pour les prisonniers de guerre britanniques et français. Richard Copley a immigré au Canada en 1955 et il est décédé à Milton en Ontario, le 8 avril 2016.

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

Richard A. Copley
Richard A. Copley
Richard A. Copley chez lui à Milton, Ontario en 2010.
Richard A. Copley
Richard A. Copley
Richard A. Copley
Photo officielle de la Luftwaffe d'un Wellington MK II W5421 PHG, « G for George » , de l'Escadron n°12 de la RAF (L'avion du radiotélégraphiste Richard A. Copley) qui fut forcé à atterrir sur Duerne, une piste occupée par les allemands à Anvers en Belgique. L'avion fut détruit le 5/6 août 1941.
Richard A. Copley
Richard A. Copley
Richard A. Copley
Photo officielle du radiotélégraphiste Richard A. Copley à son retour en Angleterre, après qu'il ait passé près de quatre ans prisonnier dans un camp en Allemange. La photo a été prise à RAF Cosford à Shropshire le 26 avril 1945.
Richard A. Copley
Richard A. Copley
Richard A. Copley
M. Emile Witmeur de la Résistance Belge. Lui, ses camarades du groupe de Beaver-Baton ont été assisté par le radiotélégraphiste Richard A. Copley et ses équipiés lors d'un atterrissage forcé en Belgique pendant un bombardement le 5/6 août 1941.
Richard A. Copley
Richard A. Copley
Richard A. Copley
Une réunion des vétérans de l'Aviation Royale Canadienne et des membres de la Résistance Belge qui les ont aidé. Richard A. Copley (au centre, à droite, fumant une cigarette) aux côtés de Bettey Barlen (qui deviendra son épouse). Emile Witmeur (au centre gauche) et son épouse Jeanne Vereecke Witmeur. Le Chef d'Escadron Langlois.
Richard A. Copley

Transcription

Les nouvelles sont arrivées, nous étions en train de nous rééquiper, les Fairey Battles [bombardier léger] étaient déjà obsolètes avant le début de la guerre et maintenant nous allions être équipés de [Vickers] Wellingtons [bombardier moyen à longue portée]. Il s’agissait d’un équipage de six membres, de moteurs jumelés, ainsi que de vols sur de longues distances. Nous avons eu quelques semaines de formation, et nous nous sommes lancés dans les opérations. On m’a confié le poste d’opérateur radio, de mitrailleur avant, et de quoi que ce soit sur l’avion du chef d’escadron, et nous avons fait un certain nombre d’opérations. Nous avons finalement eu un équipage : un second pilote nord-irlandais, un navigateur du nord de l’Angleterre, un mitrailleur arrière néo-zélandais, ainsi qu’un mitrailleur avant anglais. J’étais opérateur radio.

Nous nous sommes écrasés à Anvers. Nous étions libres en Belgique à cette époque, nous avons échangé nos vêtements de vol pour des vêtements civils que nous avons portés durant les deux mois avant que les Allemands ne nous capturent. Et ça a été la fin de ma carrière de pilote. Nous avons atterri dans un aérodrome occupé par les Allemands à Deurne, qui est encore en activité de nos jours, je crois. Une magnifique nuit de clair de lune, nous sommes sortis de l’avion, nous attendant à être encerclés par les Allemands, mais rien. Nous avons marché une petite distance jusqu’à une clôture, qui était une clôture de barbelés d’environ six pieds, sept pieds de haut, et nous sommes restés là, debout. Et soudainement, nous avons réalisé que l’avion était intact, mis à part un problème de moteur. Donc le mitrailleur avant et moi y sommes retournés, et en tant qu’officier des transmissions, je possédais un pistolet Verey [pistolet lance-fusées] attaché au plafond de l’avion, et j’avais accès à des cartouches de Verey. J’ai pris le pistolet et nous avons pris une demi-douzaine de cartouches, je suis sorti et j’ai tiré des coups de feu sur le moteur gauche, et ça n’a rien fait. Ça n’a que ricoché dans tous les sens. Alors nous sommes retournés dans l’avion et j’ai tiré des coups de feu à l’intérieur, et je me suis soudainement rendu compte que l’avion entier était en feu. Nous en sommes sortis rapidement, courus jusqu’à la haie, et l’avion brûlait magnifiquement.

Nous avons alors réalisé, lorsque les Allemands se sont levés, que nous pouvions les voir en silhouette devant les flammes, et nous nous sommes dit : « On ne devrait pas rester ici, on doit partir ». Nous avons escaladé la clôture et nous sommes divisés en deux groupes de trois. Le second pilote, l’observateur, et le mitrailleur arrière sont partis dans un sens. Roy Langlois le pilote, moi-même, et le mitrailleur avant sommes partis de l’autre. Nous avons marché aussi loin que possible dans la nuit. Avec l’expérience que j’avais, j’avais toujours l’habitude d’avoir sur moi un thermos rempli de café chaud et 50 cigarettes. Alors nous avons consommé tout ça jusqu’à ne plus avoir de café, et lorsque l’aube s’est levée, nous avions soif et nous étions fatigués. Il y avait une ferme au bord de la route, dans une très belle campagne agricole tout autour, et Langlois, son nom est français, il parlait le français mais avec un accent terrible. J’ai appris le français à l’école, juste des trucs d’écoliers. Et j’ai dit, avec mon thermos vide : « Je vais aller à la ferme et voir si je peux avoir du lait. »

Ils se sont cachés dans le fossé et j’ai commencé à marcher sur la route, toujours dans mon uniforme de vol, et un homme venait vers moi en vélo. Lorsqu’il est passé près de moi, il a dit : « Vous êtes Anglais? » J’ai dit oui. Il a continué à pédaler, mais a fait demi-tour et est revenu. Il a dit : « Suivez-moi, et lorsque je m’arrête un moment, allez au portail qui est là et cachez-vous. » C’était la période des récoltes alors tout le grain était empilé. Et j’y suis allé. J’ai dit : « Il y en a deux autres là-bas. » Il a dit : « Allez les chercher et suivez-moi, mais ne vous approchez pas trop de moi et ne dites rien. » Il est reparti à vélo et lorsqu’il s’est arrêté juste un instant, nous sommes entrés par un portail à cinq barreaux et nous nous sommes cachés derrière le maïs qui mûrissait pour le battage, j’imagine.

L’avion allemand de l’aérodrome où notre avion avait brûlé tournait au-dessus de nous. J’imagine qu’ils faisaient leur entraînement, je ne sais pas. Après un certain temps, un homme est passé en sifflant « It’s a Long Way to Tipperary » et il a dit : » Une jeune fille viendra et vous apportera à manger plus tard ce soir. Je reviendrai en sifflant. Ne me parlez pas, ne vous approchez pas de moi, mais suivez-moi. » Et c’est ce qui s’est passé. Une jeune fille est venue nous porter de la nourriture, du pain et du fromage, et quelque chose à boire. À la nuit tombée, nous avons suivi l’homme jusqu’à une ferme, pas trop loin, et nous avons dormi dans le grenier à foin. Le lendemain matin, ils ont pris nos vêtements de vol incluant nos uniformes, et nous ont donné des vêtements civils.

Un grand nombre de ces gens étaient merveilleux, des gens merveilleux, et plusieurs plusieurs plusieurs d’entre eux sont morts. L’homme qui est venu au Sagan [Stalag Luft 3] avec nous a été gravement battu et a été envoyé à Buchenwald [camp de concentration] je crois, et il n’a pas vécu très longtemps. Alors ma femme et moi sommes retournés en Belgique plusieurs fois à l’invitation des Belges qui nous ont traités comme des héros, mais c’était eux les héros. Nous nous sommes fait de nombreux amis, mais nous avons entendu parler de tellement de tragédies. Plusieurs, plusieurs personnes que nous avons connues ont été abattues et tuées. Un si grand nombre d’entre elles. Et ça fait mal.