Transcription
Quand ils nous ont demandé de venir dans la salle de réunion et qu’ils ont dit qu’on allait à Berlin, beaucoup de gars ont crié hourra, vous savez, enfin on avait l’occasion de bombarder la capitale de l’Allemagne. Je ne sais pas quelle était le nombre total de nos forces cette nuit-là, plus de 600 de toute façon, et on en a perdu 50 cette nuit-là. On est bien rentrés, mais pour beaucoup de nos copains ça n’a pas été le cas. Et une semaine plus tard, pour notre quatrième mission, ils ont annoncé qu’on retournait à Berlin, ils ont commencé à nous donner les détails sur la manière dont on allait devoir s’y prendre et ce qu’on devait bombarder. C’était le silence, personne n’a bronché, on aurait entendu voler une mouche. Quand on est arrivés sur la cible, c’était illuminé comme sur un terrain de foot parce que les allemands, leurs avions de chasse avaient voler au-dessus de nous très haut et ils avaient largué des fusées éclairantes, alors tout était illuminé et on pouviez voir tous les avions voler, nos avions et les avions ennemis, les chasseurs. On venait juste de terminer de larguer nos bombes quand on a été repérés par les faisceaux de trois projecteurs. Le pilote a tout essayé : faire des tas zigzags, s’éloigner des projecteurs mais ils, vous savez, quand l’un nous perdait de vue, l’autre nous reprenait, alors il y avait toujours… Et une fois ils en avaient trois sur nous, et ils pouvaient calculer votre position exacte et ils savaient exactement où envoyer leurs tirs de DCA et je suppose qu’ils passaient l’information aux avions au-dessus de nous aussi. Quoiqu’il en soit, on était sur le chemin du retour, on avait largué nos bombes et un de leurs chasseurs nous a rattrapés et a bombardé notre avion. Ils avaient des canons de 20 mm. Je ne sais pas. On a reçu l’ordre de sauter parce que l’avion commençait à tomber et le pilote ne paraissait pas pouvoir le contrôler. Il essayait mais… Alors quatre d’entre nous ont sauté, mais le pilote et deux mitrailleurs se sont écrasés avec l’avion. Alors on est arrivé sur le sol et puis j’ai enlevé mon parachute et mon harnais ; et j’ai sorti les cartes et j’ai commencé à tracer à travers champ. J’ai fait un voyage de, ça devait faire neuf ou dix jours quand je suis arrivé à la rivière. Je crois que c’était l’Elbe, elle était trop large pour moi pour que je puisse la traverser. Mais il y avait un pont de chemin de fer. J’ai pensé, bon, je devrais essayer et voir si je peux le traverser à pied. Alors j’ai commencé à marcher et il y avait des tours de contrôle des deux côtés du pont. Il n’y avait personne du côté où je suis entré, mais alors que j’étais à la moitié du chemin, et elle faisait plus d’un kilomètre et demi de large cette rivière, et j’ai vu une torche de l’autre côté et un poste de garde. J’y suis allé, oh bon, c’était cinquante-cinquante. Je pouvais soit y aller au culot soit repartir dans l’autre sens, mais je voulais aller de l’autre côté. Alors j’ai continué à marcher. Et il y avait deux hommes là-bas, je ne sais pas, ils portaient une sorte d’uniforme, je n’étais pas sûr de ce qu’ils étaient, des militaires ou des gardes normaux. Ils m’ont dit bonsoir ou quelque chose comme ça en allemand. Et je n’ai pas répondu, je suis juste passé tout droit. Et quand je suis arrivé de l’autre côté, j’ai détalé en courant sur le côté de la pente et il y avait des arbustes et des ronces par là et je suis passé à travers les buissons de mûres, je m’en fichais, et je me suis caché. Alors ils ont regardé un petit peu et puis ils m’ont laissé tranquille. Alors que je marchais à travers tout ça, sur cette route et j’ai compris tout de suite que j’étais dans le village et, à ma droite il y avait la voie ferrée et sur la gauche c’était la rue principale du village. Les habitants étaient tous dehors sur le pas de leur porte à cause des bombardements, probablement en train de regarder, en se demandant où les bombes allaient bien tomber. Avant que je les voie, j’ai ressenti quelque chose et puis j’ai regardé et ils me regardaient. Alors j’ai avancé doucement un peu plus loin, en me rapprochant du chemin de fer et très vite j’ai trouvé une ouverture et j’ai traversé pour entrer dans la gare de marchandises et je suis monté dans un wagon là. J’ai attendu jusqu’à ce que le train, après qu’ils aient fini, de remplir et d’aiguiller leur train, ils sont partis. J’ai sorti mes cartes, j’avais une lampe torche et j’ai essayé de voir dehors à travers une petite fente, pendant qu’on avançait, par quelles gares on passait. C’était plutôt amusant, de marcher d’un bout à l’autre de ce train quand il n’allait pas trop vite et de faire klaxonner ces jeeps. A un endroit je suis descendu quand ils se sont arrêtés et j’ai ramassé quelques cailloux et puis en route, on est passé par une sorte d’usine, et vous savez les usines avaient des panneaux dessus, Räder müssen auf für den Sieg rollen ou quelque chose d’approchant, ce qui voulait dire, les bagnoles doivent continuer à rouler pour assurer la victoire ou quelque chose comme ça. Quoiqu’il en soit, on est passé par là. J’ai envoyé des cailloux sur, je ne sais pas si j’ai touché des fenêtres mais je jetais des cailloux sur les fenêtres de toute façon, en espérant en toucher une, faire quelques dégâts. Donc on est entré dans cette gare et il s’est arrêté là pour la révision. Peu après, quelqu’un est venu vérifier les freins, encore une fois, là où je me cachais dans la petite cabane et alors j’ai mis mon doigt sur ma bouche et il a hoché la tête. Mais je suppose qu’il est allé le dire à ses collègues. Alors ensuite un ou deux autres sont venus et ont jeté un coup d’œil sur moi. Le troisième qui est venu, il n’est pas monté, il a juste ouvert la porte violemment, a sorti son Luger et m’a dit en allemand, der Krieg ist für Sie zu Ende. Les premiers mots en allemand que je comprenais : la guerre c’est fini pour vous.