Project Mémoire

Robert Charles Nelson (Source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

M. Robert Nelson est un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale qui s'enrôla à l'été de 1942 dans la Marine royale canadienne. Formé comme opérateur radio et télégraphiste, il servit dans l'Atlantique à bord du NCSM Sherbrooke en 1943-1944. À la fin de la guerre, il suivit une formation pour devenir officier jusqu'au moment de sa démobilisation à l'automne de 1945.
Robert C. Nelson
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Robert C. Nelson devant son poste radio à bord du NCSM Quinte. Janvier 1944.
Robert C. Nelson
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Le jour de Noel (1943) le captaine échange son uniforme avec celui d'un militaire du rang. À gauche, le marin Jack McCauley et à droite, le lieutenant Robert Jarvis. NCSM Sherbrooke.
Robert C. Nelson
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Le télégraphiste Robert C. Nelson. Octobre 1942.
Robert C. Nelson
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Deux officiers et membres d'équipage sur la poupe du NCSM Quinte. Notez les grenades sous-marines. Janvier 1945.
Robert C. Nelson
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1943. Pendant qu'il escortait un convoi, le NCSM Sherbrooke aperçu un navire américain abandonné de type Liberty Ship. Une équipe de secours fut dépêchée et aboarda le navire, mais revint avec aucun survivant.
Robert C. Nelson
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Vue rapprochée du navire américain Liberty Ship en mer. 1943.
Robert C. Nelson
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Le dragueur de mines de la classe Bangor, le NCSM Quinte, dans la Baie de Fundy. 1944.
Robert C. Nelson
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Le NCSM Sherbrooke. 1943.
Robert C. Nelson
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La cohorte de télégraphistes sortie de l'école navale de Saint-Hyacinthe (Québec) dirigée par le chef-télégraphiste James Dunn de la Royal Navy. R. C. Nelson se trouve dans la troisième rangée, le deuxième à droite. Un ami nommé Bob Rigby (troisième rangée, deuxième à gauche) sombra en mer avec son navire le NCSM St. Croix coulé le 22 septembre 1943.
Robert C. Nelson
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Le Liberty Ship américain abandonné en mer. 1943.
Robert C. Nelson
J’étais en sous-vêtements, caleçon et tricot de corps et j’ai parcouru le pont en courant en bottes et il faisait un froid glacial, mais je suis allé jusqu’à mon poste de combat et alors que j’étais à mon poste de combat prêt à larguer les grenades sous-marines, un des officiers m’a mis un manteau en peau de chèvre sur les épaules pour me tenir au chaud.

Transcription

La Marine [royale] canadienne était tellement jeune qu’on avait, en fait mon instructeur à Saint-Hyacinthe [Québec], Maître [James] Dunn, Premier-Maître Dunn, était Anglais. On a fait venir d’Angleterre au Canada des sous-officiers supérieurs expérimentés pour nous former. On a été formés par les meilleurs qu’on puisse trouver sur terre. Et on était sans doute des bleus. Nos navires étaient neufs. Ils étaient fabriqués et équipés à Hamilton et à Montréal et dans tout le Canada. Et bien sûr, ce n’était pas d’énormes navires de guerre comme le NSM Hood [un croiseur de combat britannique] et les navires anglais. Mais ils étaient très, très efficaces et très maniables, et très confortables aussi si on peut dire que voguer dans les eaux de l’Atlantique Nord en plein hiver relève du confort.

Mais on était très fiers et on a fini par être la quatrième marine du monde. Alors on n’a rien à envier à personne de ce côté-là. Et en ce qui concerne notre formation, quand on avait fini notre formation on retournait dans les bases qui servaient à l’entrainement à l’intérieur des terres pour former les jeunes et on en faisait des jeunes gens brillants et bien préparés avant de prendre la mer. Du côté des navires de guerre, les Américains, l’Amérique est entrée en guerre seulement en [décembre] 1941, et c’est, ceci se passait avant 1941 et ils, Churchill et Roosevelt avaient un accord pour envoyer les navires en Angleterre [cela faisait partie du programme Prêt-Bail mis en place en mars 1941 qui prévoyait la fourniture de matériel de guerre à la Grande-Bretagne et autres pays alliés par les États-Unis].

Et les Américains avaient une bonne raison de faire ça, parce qu’ils échangeaient ces navires contre le droit d’escale à des endroits comme Goose Bay à Terre-Neuve et aux Bermudes. Et l’Angleterre a donné son accord pour que leurs soldats, marins, et ainsi de suite puissent poser le pied sur son sol dans ces îles britanniques et colonies, ce qui a permis l’expansion de la présence des Américains partout dans le monde. Ça a donné aux Américains la possibilité d’étendre leur présence, si vous voyez ce que je veux dire.

Mais ce sont ces navires qui furent à l’origine de tout cela, le fait est qu’un service en attire un autre. Merci de me donner ces navires, et pour toi, voici la permission d’installer tes propres bases dans nos communautés partout dans le monde.

Les convois, les convois dont nous parlions étaient ceux qui étaient rassemblés à Halifax, c’était des navires, les navires marchands étaient rassemblés à Halifax dans le Bassin de Bedford à Halifax, une grande baie à l’ouest d’Halifax ou le nord-ouest du port d’Halifax. Et on, les commandants de nos bateaux, qui étaient amarrés aux jetées à Halifax, recevaient l’ordre de rassembler, et rencontrer les capitaines des grands navires marchands. Et ils décidaient de la route que le convoi allait emprunter, et de la vitesse, et les quatre bateaux, des vaisseaux canadiens, qui allaient protéger le convoi.

Un vaisseau comme le [NCSM] St Croix, nous avons parlé du St Croix, se trouvait à l’avant du convoi et trois autres bateaux, un peu plus petits, c’était principalement des corvettes, se trouvaient de chaque côté du convoi, et une autre à l’arrière. Et elles faisaient la navette le long du convoi à l’écoute des sous-marins et prêts à les attaquer s’il arrivait qu’ils empiètent sur le territoire du convoi.

Le convoi, on a accompagné des convois qui avaient jusqu’à 105 navires et qui s’étendaient sur une quinzaine de milles à la surface de l’océan et sur la même largeur à peu près et avec beaucoup d’espace entre eux évidemment. Mais la vitesse du convoi ne dépassait pas les cinq à six nœuds à cause de la taille de ces navires et le poids de l’armement qu’ils transportaient à leur bord. Et notre boulot c’était d’être en permanence sur le qui-vive parce que les sous-marins étaient là. On savait qu’ils étaient là et si on en repérait un, alors il s’agissait de les combattre, ce qu’on faisait.

Je vais vous raconter ce qui s’est passé par une nuit d’hiver, en novembre 1943, quand on a reçu l’appel pour un combat sous-marin, parce qu’il y a une différence entre une attaque sous-marine et une attaque en surface ou une attaque aérienne. On n’a jamais subi d’attaques aériennes. Pas dans nos convois. Mais toutes nos attaques étaient sous-marines. Des attaques de sous-marins.

Et sur un bateau, tout le monde, y compris les cuisiniers, avait un poste de combat. Par exemple, il ne peut pas y avoir de cuisiniers dans la cuisine en train de préparer à manger lorsque le bateau attaque un sous-marin. Donc même les cuisiniers ont un poste de combat et quand l’alarme est déclenchée s’ils sont au lit comme c’était mon cas dans mon hamac, quand j’ai rejoint mon poste de combat, j’étais opérateur radio, mais en cas de branle-bas de combat le quartier-maître timonier; le télégraphiste était celui qui allait dans la cabine radio et les autres télégraphistes avaient des postes de combat. Le mien était à la poupe, à largeur des grenades sous-marines depuis l’arrière ou la poupe de la corvette.

Alors je suis descendu de mon hamac. J’étais en sous-vêtements, caleçon et tricot de corps et j’ai parcouru le pont en courant en bottes et il faisait un froid glacial, mais je suis allé jusqu’à mon poste de combat et alors que j’étais à mon poste de combat prêt à larguer les grenades sous-marines, un des officiers m’a mis un manteau en peau de chèvre sur les épaules pour me tenir au chaud. Il m’a vu en caleçon et maillot de corps et j’étais gelé et il a enlevé son propre manteau pour le mettre sur mes épaules et j’ai bien apprécié. Je ne pourrai jamais me souvenir de quel officier il s’agissait parce que je ne me suis même pas retourné. On était en plein combat et je ne me suis même pas retourné pour le remercier et voir qui il était et je n’ai jamais retrouvé qui c’était. Mais c’est un de mes souvenirs.

Et juste à ce moment-là, en plein milieu de la nuit, un des vaisseaux s’est transformé en une boule de feu et on a détecté l’écho du sous-marin et on a poursuivi le sous-marin. On a largué des grenades sous-marines. On n’a jamais su si on avait réussi ou non. Les sous-marins ont coulé deux vaisseaux du convoi et, chose surprenante, juste au milieu du convoi, ils s’étaient faufilés, ils avaient traversé, mais le convoi a continué sa route et on n’a jamais détecté d’autre écho quand on était avec eux.

Mais ça peut arriver à n’importe quel moment, n’importe où et dans ce même convoi, on a été mis au courant par le capitaine du bateau principal de l’escorte, du fait qu’un de nos observateurs avait repéré un navire tout seul, à des milles devant nous à tribord, et on nous a autorisés à quitter l’escorte pour aller voir ce qu’il en était de ce vaisseau. Et on l’a défié en lui envoyant une lettre de l’alphabet avec notre lampe pour le faire réagir, normalement ils auraient dû répondre, mais personne n’a répondu. Le vaisseau était sombre et s’est approché par l’arrière et c’était un énorme vaisseau marchand. Et on a contourné la poupe pour aller sur le côté, la proue tout entière ou l’avant du bateau n’était plus là. Le bord, l’avant du pont et l’arrière, la moitié arrière du navire flottait sur l’océan, mais la moitié avant du vaisseau n’était plus là. Et on en a conclu que la force du vent et les vagues, le vaisseau s’était fendu en deux et l’avant avait sombré et le reste du vaisseau flottait. L’équipage avait abandonné le vaisseau et tous les bateaux étaient absents, les embarcations de mer.

Mais on en a croisé une à quelques milles de là avec une huitaine d’hommes dans une embarcation, on s’est placés sur le côté et on a pris les survivants à notre bord et ils sont restés avec nous jusqu’à notre retour à Halifax.