Ross Harold Hamilton (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Ross Harold Hamilton (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Ross Hamilton a servi avec l’escadron 407 de l'Aviation royale du Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Ross Hamilton
Ross Hamilton
Équipage de l'escadron 407 de la RAF station Chivenor, 1944. Ross Hamilton est le 4ème à gauche.
Ross Hamilton
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Mosquito à la station RAF Ford, Sussex.
Ross Hamilton
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Ross Hamilton, escadron 407, Angleterre, 1944.
Ross Hamilton
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Équipage de l'escadron 407 à Chivenor, North Devon, 1944. Ross Hamilton est le troisième à gauche, au premier rang.
Ross Hamilton
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Ross Hamilton
Équipage de la RAF à la station Ford, Sussex, en octobre 1944. Ross Hamilton est le premier à gauche au premier rang.
Ross Hamilton
si ces messieurs sont condamnés ici dans ce tribunal, alors ils devraient se présenter devant la cour martiale qui nous renverrait sans doute au Canada disgraciés.

Transcription

Ross Hamilton, je suis né à Sundridge en Ontario, près de North Bay en octobre 1923. Et je me suis engagé dans les forces aériennes dès que j’ai eu 18 ans. Un jour, on nous a affectés à l’escadron 407 dans le North Devon en Angleterre qui a été l’un des premiers escadrons canadiens à être formé outre-mer pendant la guerre et leur première tâche a été de, c’était pour les attaques en mer au large des côtes hollandaises dans la mer du Nord et ainsi de suite. Alors on a commencé à voler par là sur des Leigh Light Wellingtons, dont les lumières avaient la puissance d’un million de bougies, qui pouvait illuminer un U-boot la nuit quand on le repérait avec le radar, vous pouvez la diriger sur lui. Et on devait voler à basse altitude, entre 50 et 60 pieds pour larguer des grenades sous-marines.

Les tireurs sur les U-boats ouvraient le feu dès qu’ils voyaient nos lumières approcher bien sûr, et le capitaine de l’avion devait maintenir une hauteur et une vitesse constantes pour pouvoir larguer les grenades sous-marines avec précision et passer ni trop près ni trop loin d’eux. Alors il y avait du danger par là. Il y avait beaucoup d’avions qui avaient un moteur en moins, un moteur détruit ou alors les deux moteurs et c’en était fini pour eux. Et c’est arrivé plus d’un fois.

On était trois dans l’équipage et on prenait chacun un tour d’une heure sur la radio, le radar et la mitrailleuse arrière, quatre mitrailleuses à l’arrière de la tourelle. Et on se relayait toutes les heures. Et on, on travaillaient par périodes de dix heures.

Cela a été une surprise pour tous dans le bureau des commandants. Ça a été le lieutenant-colonel Ken Wilson, il était diplômé du CMR [Collège Militaire Royal] pilote d’avant-guerre et aussi commandant de notre escadron, pas de la base elle-même, ça c’était un colonel d’aviation, Skrank, et lui il était lieutenant-colonel. Quoiqu’il en soit, il nous a demandé de venir et il a dit qu’il avait une demande de la part du ministère de l’Air à Londres pour envoyer un équipage dans une base aérienne de chasseurs dans le Sussex, la base Ford de la RAF, pour effectuer des opérations secrètes. Et il nous avait choisis parce qu’on avait bonne réputation dans l’escadron et un pilote hors pair et ainsi de suite. Alors il nous a dit de quoi il s’agissait et il ne nous a pas demandé si on voulait y aller, on nous a simplement intimé l’ordre d’y aller. (rires) Alors on a décollé pour la base Ford deux jours plus tard, en n’ayant pas la moindre idée de l’endroit où on allait, et quand on a atterri là-bas, on a rencontré le capitaine-adjudant de la base, qui nous a emmené dans son bureau et nous a donné à chacun une bible et nous a fait jurer sur cette bible que nous ne révèlerions à personne ce qu’on faisait là.

Les avions allemands qui transportaient à leur bord les bombes V1 et ainsi de suite jusqu’à la côte et qui les larguaient sur l’Angleterre. Après, les bases d’où ils décollaient avaient été littéralement anéanties par le Bomber Command, alors ils leurs fallaient trouver d’autres moyens pour amener leurs bombes jusqu’en Angleterre. Ils n’étaient pas près de renoncer et ils ont eu cette idée de placer une grosse V1 sur un Heinkel 111, de lui faire traverser la manche à une altitude proche de zéro, comme ça il ne pouvait pas être détecté par les radars sur le rivage, et puis ils montaient à quinze cents pieds quand ils approchaient de la côte anglaise et la larguait sur Londres. Et ils redescendaient à zéro pied d’altitude à nouveau et repartaient chez eux, s’ils ne s’étaient pas faits prendre. Notre mission c’était les radars, on avait des radars à longue portée, ils étaient efficaces sur 35 kilomètres environ, c’était pour détecter ces Heinkel 111, quand ils prenaient de l’altitude, et on avait un Mosquito ou un chasseur Boeing qui nous suivait juste derrière et on lui faisait la route et son radar était bon seulement sur sept huit kilomètres pendant les combats de nuit. Et il rappelait à la fin et disait « taïaut, je l’ai .» Et il attaquait le Heinkel 111 après ça et le descendait avant qu’il ait largué ses bombes.

Alors on s’est entraîné à faire ça dans la Manche pendant quelques temps avec d’autres avions et ça avait l’air de très bien marcher. Après on est partis en mission avec ça et on a fait beaucoup de patrouilles de nuit. C’était toujours la nuit parce l’ennemi ne sortait ses Heinkel 111 que la nuit et choisissait toujours les pires conditions météo possibles. Je pense beaucoup à ça, et ce dont je me souviens le mieux, dans certains cas il y a eu des accidents, par exemple sur une base aérienne, un avion qui s’écrasait et des gens étaient tués. Ce sont parmi les souvenirs les plus vifs que j’ai, la terreur que ça nous inspirait était pire que ce que nous faisions.

Il y avait un esprit de camaraderie et de fraternité plus fort que tout. Et vous vous disiez juste, je le fais, et puis les autres le font aussi, alors quoi, vous savez. Je ferais mieux de ne pas montrer la peur que j’en ai. Et quand vous aviez peur, pourquoi, c’était très vite détecté par le médecin militaire et on vous déclarait inapte. Et ensuite c’était comme si vous étiez marqué au fer rouge et ça voulait dire que vous n’aviez aucune force morale. Et ça c’était plus honteux que n’importe quoi d’autre. Alors vous faisiez très attention à ça. Si vous aviez peur, vous ne montriez pas.

A un endroit on s’est presque fait traduire en cour martiale, le second pilote et moi-même, pour avoir fait la fête un soir au mess de Coggeshall [Angleterre], un pilote de Mosquito canadien, il venait juste de rentrer et il avait eu deux avions ennemis, un canadien. Et bien sûr, on était les seuls canadiens à Coggeshall à ce moment-là. C’était la base de chasseurs à nouveau où on nous avait envoyés. Et on avait, Robbie et moi on est parti en vélo et on a roulé dans la campagne jusqu’à un arbre qu’il avait repéré, où il y avait plein de poulets. Et pour vous donner la version courte, au tribunal ils ont dit qu’on avait massacré une demi-douzaine de ces poulets, un pour chaque membre de l’équipage et qu’on les avait rapportés à la caserne et on s’était faits prendre. Robbie a dit, ils ont fait du vrai boulot de détectives quand ils ont trouvé des petits bouts d’uniformes de combat bleus dans les ronces là où on avait éviscéré ces poulets. Et ils savaient que c’était du matériel canadien et ils savaient où chercher et ils sont venus à la base et il a demandé « Est-ce qu’il y a des canadiens ici ? » Bien-sûr il nous a eu et on avait toujours les poulets. C’est une longue histoire, mais on s’est retrouvé au tribunal et ça ressemblait à un procès pour meurtre. Parce que la nourriture était si rare et tellement rationnée et là on avait détourné les poulets d’une ferme.

La femme juge nous a vraiment passé un savon, nous a dit que c’était une honte pour les uniformes qu’on portait et tout ça et elle nous a fait payer une amende de dix livres sterling. Et je crois que Robbie a fait son chèque avant même qu’elle ait fini de parler. Après elle a demandé au colonel d’aviation s’il avait quelque chose à dire et il a dit, il a fait un vrai discours sur le fait qu’on était là pour aider l’Angleterre qui était en guerre et qu’on avait fait quelque chose de mal mais qu’on devrait nous pardonner pour ça. Et il n’en finissait pas de nous faire des compliments. Et on était presqu’en larmes, à quel point on était des types merveilleux. Et à la fin il a dit, si ces messieurs sont condamnés ici dans ce tribunal, alors ils devraient se présenter devant la cour martiale qui nous renverrait sans doute au Canada disgraciés. Et il a dit, ensuite, il a dit, vous et moi et toute l’Angleterre allons perdre leur aide si précieuse pour le restant de la guerre. Bon, je pense que ça avait fait son effet sur le jury et sur la juge parce que ça c’est terminé par une simple amende.

Ça s’est terminé là, le soir même. Nous sommes allés au mess pour dîner et nous avons chacun pris une cartouche de cigarettes parce que la famille au Canada avait le droit de vous envoyer une cartouche de cigarettes tous les mois pour un dollar. Alors toute votre famille vous envoyait des cigarettes et on en avait des sacs remplis. Alors Robbie et moi on a donné une cartouche chacun au colonel. Ils adoraient les cigarettes canadiennes parce qu’elles étaient complètement rationnées, c’était des Wooly Woodbine et elles étaient épouvantables.

Il était en train de jouer au billard dans le mess, et on s’est approchés de lui et on lui a dit qu’on voulait lui donner une cartouche de cigarettes et le remercier des efforts qu’il avait faits pour nous. Et il les a acceptées, il a dit « Je pense que je peux les accepter, ça ne peux plus passer pour un pot de vin parce l’affaire est classée. » Alors il nous a remercié et alors qu’on s’en allait il a dit « Oh, Messieurs, il a dit, ne soyez pas en retard pour le dîner ce soir, on sert du poulet . » rires. Vous faites remonter un tas de souvenirs.