Project Mémoire

Shirley Richardson (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Évacuée au Canada au début de la Deuxième Guerre mondiale en Europe, Shirley Richardson retourna en Angleterre à l’âge de 17 ans et s’engagea dans le Corps auxiliaire féminin de l’armée de l’air (WAAF) au Royaume-Uni. Elle a occupé plusieurs postes, notamment chauffeur dans les aérodromes de la Royal Air Force (RAF).

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Shirley Richardson
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La transcription en français n'est pas disponible en ce moment. Veuillez consulter la transcription en anglais.

Transcription

J’ai grandi à Shamley Green dans le Surrey [Angleterre], et j’allais dans une école de filles privée qui s’appelait Benenden, où la princesse Anne est allée par la suite. Et, l’école se trouvait dans le Kent et elle a été évacuée juste après Dunkerque.* Et, à ce moment-là, le gouvernement britannique pensait que les Allemands allaient débarquer en Angleterre. Tout le matériel, évidemment, se trouvait sur les plages de Dunkerque – ils avaient fait partir beaucoup de soldats. Et, le gouvernement a demandé aux gens s’ils voulaient envoyer leurs enfants au Canada. Je suppose qu’ils pensaient que s’ils ne pouvaient pas sauver l’Angleterre, ils pourraient au moins sauver quelques enfants.

 

Et, j’avais trois frères plus âgés, qui étaient tous dans les forces armées, et je suppose que mes parents, ils avaient 24 heures pour prendre une décision, ont décidé de m’envoyer au Canada. Et quand je leur ai dit au revoir, on pensait tous qu’on n’allait jamais se revoir. J’avais 15 ans.

 

Je suis partie au Canada, il y avait deux bateaux de transport de passagers remplis de jeunes mères avec leurs bébés, et des enfants comme moi, qui partaient avec leur école, c’est à dire plus ou moins tous seuls. Et, deux jours plus tard, le destroyer qui nous escortait est parti et on était seuls, et les U-Boot allemands ont coulé l’autre navire. On n’avait pas la permission de s’arrêter parce qu’on aurait été une cible facile. Alors on a continué, en laissant l’autre navire qui sombrait, avec tous les enfants à son bord. On est arrivés au Canada, et après quelque temps notre groupe d’élèves – on était une vingtaine de Benenden – a été envoyé dans une école appelée River Bend à Winnipeg, où on était pensionnaires. On m’a mise en 11e, qui était à cette époque la dernière année du secondaire. Et, j’y suis restée un an et j’ai eu mon diplôme. Le lendemain de ma remise de diplôme, j’ai appris que mon frère ainé avait été tué dans l’aéronavale [de la Royal Navy] en Angleterre.

 

Je me suis formée dans une école commerciale. J’ai appris un peu de sténo et de dactylo, et j’ai trouvé un travail à Montréal, au ministère des Transports de guerre britannique, et pendant que j’étais là-bas, j’ai voulu rentrer en Angleterre pour participer. Et finalement, à l’automne 42, j’ai réussi à embarquer sur un petit cargo français qui avait été capturé au large des îles du golfe du Saint-Laurent. Et on faisait partie d’un énorme convoi qui repartait pour l’Angleterre. C’était vraiment très mouvementé, et je pense que c’est ce qui nous a sauvés des U-boot. L’océan était tellement agité, qu’ils ne pouvaient pas lancer leurs torpilles avec précision. Et on est arrivés à Liverpool, et je suis rentrée en Angleterre.

 

Bien sûr, je ne pouvais pas dire à mes parents que je venais, et à ce moment-là j’avais 17 ans trois quarts, et j’étais toujours, à ce moment-là, trop jeune pour m’engager dans les forces armées. Mais j’ai finalement réussi, alors que j’avais encore 17 ans. Je me suis portée volontaire, ce qui voulait dire que je pouvais choisir ce que je voulais faire. Les Anglaises étaient appelées, au même titre que les hommes à 18 ans, et s’ils voulaient des ouvriers dans les usines, on envoyait les filles faire ça. S’ils voulaient des filles pour travailler à la ferme, elles s’engageaient dans l’armée de terre, ou pour soigner les malades et autres. En vous portant volontaire, vous pouviez choisir. J’ai choisi l’armée de l’air, parce que Winnipeg était le centre du Programme d’entrainement aérien du Commonwealth [Britannique]. Et j’avais rencontré pas mal de pilotes canadiens, ou des jeunes gens qui suivaient une formation de pilote. Finalement, environ huit semaines avant mon 18e anniversaire, on m’a invitée à m’enrôler et on m’a envoyée au centre d’incorporation à une dizaine de kilomètres de Gloucester environ, où on a passé une semaine pour avoir l’uniforme et les vaccinations.

 

De là, on nous a envoyées à Morecambe, sur la côte au-dessus de Liverpool, et on a passé trois semaines à apprendre à défiler, mettre un masque à gaz dans une pièce remplie de gaz. On a eu nos vaccins et on avait des cours sur ce sujet, et ceci et cela, tout ce qui avait à voir avec l’armée. Et après trois semaines là-bas, j’étais censée aller apprendre à conduire différents transports. Mais, apparemment les cours étaient un peu saturés et il fallait attendre, alors on m’a envoyée avec quelques autres filles à Pershore, près de Stratford-on-Avon, et j’ai passé plusieurs semaines là-bas, sans être autorisée à conduire ou quoi que ce soit, et on nous a envoyées nettoyer les sols du NAAFI ** et d’autres petits boulots de ce genre.

 

Et finalement, on nous a envoyées à Blackpool [Angleterre] où, pendant plusieurs semaines ils nous ont appris à conduire et on conduisait n’importe quoi de la simple voiture au 1500 kg, jusqu’au trois tonnes. Le plus gros [camion] qu’ils nous laissaient conduire, c’était un 10 tonnes. Mais à cette époque, les 10 tonnes ils n’avaient pas de système de direction ou de freinage assisté et ils étaient très lourds et difficiles à manœuvrer. Ils nous apprenaient à conduire dans le noir total et dans les convois.

 

Et, quand on a fini cette formation, on m’a envoyée au Fighter [Command] 11e Groupe [RAF],*** qui se trouvait dans le sud de l’Angleterre, à Canley. Et j’ai passé de nombreuses semaines là-bas, à conduire, et une de mes tâches, c’est assez difficile à croire aujourd’hui, c’était d’aller chaque fois que le vent tournait, aller changer les lumières sur la piste balisée. Ils avaient – c’était fait à la main, et quand je conduisais le long de la piste, il fallait que je sois toujours prête à dégager de la piste quand un avion arrivait ou décollait. On en a fait d’autres et après quelque temps on m’a envoyée à Hawkinge dans le Kent, qui était à peu près à six kilomètres dans les Downs, au nord à l’intérieur des terres depuis Folkestone – c’est l’endroit où le Chunnel**** débouche aujourd’hui. Et j’ai passé la plus grande partie de mon service là-bas.

 

C’était aussi un F11 Fighter Command et à ce moment-là c’était l’aérodrome le plus proche de la France. C’était, évidemment, avant le jour J [6 juin 1944]. Et c’était à la portée des canons de la Manche, qui nous atteignait à l’occasion. Il avait été bombardé avant mon arrivée là-bas, et il y avait des raids parfois. Et puis, quand les bombes V1 sont arrivées, les bombes volantes, elles tombaient partout où on était ou quand on conduisait. Et on en a vu un certain nombre de ces choses s’écraser beaucoup trop près et on en ressentait les effets.

 

Je conduisais n’importe quoi des camions, j’ai conduit celui des poubelles à la résidence du maréchal de l’Air. Je conduisais des ambulances et on avait l’habitude de, quand on faisait ça, d’aller sur les lieux des accidents et on cherchait les cadavres parfois. Une fois, il a fallu y aller quand un avion allemand s’est fait descendre. On ne savait pas si l’équipage était vivant ou mort, et c’était assez effrayant comme travail. Et, on apprenait, on grandissait très vite, à cette époque, à faire face à la mort, à la destruction et aux gens qui étaient grièvement blessés.

 

* Juin 1940, évacuation alliée à Dunkerque en France

 

** Navy, Army & Air Force Institutes (Royaume-Uni)

 

*** Salles des opérations à la base opérationnelle RAF d’Uxbridge

 

**** Tunnel sous la Manche, entre la France et l’Angleterre