M. Kulik a servi dans la marine marchande pendant la Deuxième Guerre mondiale.
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Transcription
C’était en 1940. À ce moment, je travaillais dans un restaurant à Toronto, et un client m’a raconté une expérience à bord d’un navire. Il venait tout juste de rentrer au pays… Cela a piqué mon intérêt. Ce qu’il disait m’a plu. Il m’a donné le goût de travailler à bord d’un navire et d’aller dans d’autres régions du monde, peu importe lesquelles. C’est donc ce que j’ai fait. Je suis donc allé au bureau de la marine marchande. Mais, je suis d’abord resté à Montréal pendant un certain temps. À l’époque, on ne pouvait pas non plus pénétrer dans le port, puis j’ai entendu dire que l’International Paper Company cherchait des marins pour un navire au Nouveau Brunswick. Je me suis alors présenté au bureau et j’ai obtenu un emploi à bord du navire. C’était le tout premier navire dans lequel je montais, et cette période a été la seule où j’ai travaillé à bord de navires. On m’a envoyé à Dalhousie, au Nouveau Brunswick. J’y ai trouvé le RJ Cullen. Hourra! J’y étais, et le navire a mis le cap sur l’Angleterre.
C’était, bien sûr, en 1940, et nous avons été attaqués par des sous marins tout au long du trajet, jusqu’à notre arrivée en Angleterre. De fait, la marine canadienne ne nous a accompagnés que sur une distance de 200 milles au large de la côte, puis le convoi a continué seul et s’est rendu en Angleterre. Sur le chemin du retour au Canada, nous étions assaillis par des sous marins à l’aube et au crépuscule. J’ai oublié de préciser qu’au départ, le convoi comptait 48 navires et qu’au moment où nous sommes arrivés en Angleterre, il n’en comportait plus que… 17, je crois.
Des sous-marins nous ont naturellement attaqués pendant tout le voyage de retour. Un jour, durant la soirée, après une attaque que nous pensions terminée, nous étions tous assis au réfectoire et prenions un café, lorsque nous avons entendu l’alerte : « Sous-marin à la hanche bâbord [partie arrière gauche du navire]! » Nous sommes montés sur le pont en courant et avons vu un sous marin à la surface. Il venait d’émerger de l’eau. Pendant la guerre, les navires étaient munis d’un canon naval de six pouces et d’un canon antiaérien de trois pouces, et nous avons fait feu sur le sous marin. Dès que le premier obus a été lancé, le sous-marin a commencé sa descente. Lorsqu’il s’est finalement enfoncé, la nuit était presque tombée et l’océan était houleux, et chacun s'est dit : « Oh là là, nous sommes cuits. Nous avons mis l’ennemi en colère et il va nous avoir. »
Il ne s’est toutefois rien passé. Le jour suivant, nous nous sommes dits que l’ennemi n’avait sans doute plus de torpilles et qu’il n’était monté à la surface que pour nous atteindre à l’aide de son canon de surface. À cette époque, nous avions un canon naval de six pouces à bord. Tous les navires marchands étaient alors munis de canons pour de telles situations.
C’est ce que nous avons fait et pour tenter de fuir la meute de loups – c’est le terme qu’on employait alors pour désigner les sous-marins parce qu’ils restaient à proximité des côtes canadiennes afin de cibler les navires – comme notre bâtiment était le navire commodore [navire de commandement d’un groupe de navires se déplaçant ensemble], nous avons ordonné aux autres navires du convoi de se disperser. C’était alors chacun pour soi. Mon navire s’est dirigé vers l’Islande étant donné que les meutes de loups se trouvaient alors au large de Halifax. Nous avons dépassé l’Islande, puis nous avons mis trois semaines pour rentrer au bercail.
C’est ainsi que s’est déroulé mon premier voyage. À la fin de la mission… à mon retour de l’Angleterre, je suis rentré à Toronto. Un certain temps s’est écoulé avant que débute le cours de génie que j’allais suivre à Kingston. De toute manière, je n’ai pas obtenu mon diplôme. Je suis devenu second steward à bord d’un navire.
Un steward portait alors le nom de steward de « mess ». Je devais donc servir les repas des marins quand nous étions en mer. C’était ma seule tâche. Servir l’équipage au même titre qu’un serveur. Je faisais le travail de serveur, puis j’aidais à nettoyer le navire, c. à d. les quartiers du capitaine et ceux des officiers, et d’autres endroits de ce genre.
Pendant la période où j’ai été affecté au Lady Nelson, qui avait été transformé en bâtiment hospitalier, je suis de nouveau allé en Angleterre. Notre mission consistait à recueillir les soldats canadiens malades et à les ramener au Canada. Après cela, alors que je ne participais plus à l’effort de guerre et que je travaillais dans un restaurant, j’ai voulu m’inscrire à un programme d’études comme celui du secondaire. Ma demande a toutefois été refusée. On m’a répondu qu’il n’était pas nécessaire que je poursuive mes études parce que j’avais un emploi. C’est ainsi qu’on m’a remercié de m’être joint à la marine marchande.
Les marins marchands, voyez-vous, n’étaient pas sur le même pied d’égalité que les membres de la marine ou de l’armée qui étaient armés. Nous étions donc de simples travailleurs. C’est ainsi qu’on nous reconnaissait à l’époque. Ce n’est que plus tard que la situation a changé. Je ne m’attendais pas à ce changement, mais il a été le bienvenu.