Article

Musiciens ambulants

Musiciens ambulants. Interprètes de musique généralement actifs en plein air dans un décor urbain et qui sont (plus ou moins) économiquement dépendants des dons volontaires offerts par les passants en retour de leurs exécutions instrumentales et, parfois, vocales.
Interprètes de musique généralement actifs en plein air dans un décor urbain et qui sont (plus ou moins) économiquement dépendants des dons volontaires offerts par les passants en retour de leurs exécutions instrumentales et, parfois, vocales. Le terme anglais « busker » (bouzequin) désigne souvent tous les types de musiciens ou d'amuseurs publics qui sollicitent. Il fit son apparition en Angleterre au XVIIIe siècle et il est dérivé du nom d'une botte (« buskin ») portée par des acteurs itinérants.

Les chanteurs itinérants comme le goliard et, plus tard, le troubadour furent signalés au Moyen Âge un peu partout en Europe continentale. Dans plusieurs régions de l'Angleterre, au XIIIe et au XIVe siècles, les autorités municipales organisèrent les musiciens ambulants en guildes de ménestrels ou de chanteurs dans le but de contrôler les musiciens et les mendiants de la rue. Elles continuèrent à persécuter, avec une intensité variable, les musiciens itinérants et autres bouzequins à la pige, tout comme les mendiants les plus endurcis, durant presque tout le XIXe siècle.

Alors qu'un recensement des pauvres à Londres en 1850 rapportait 1000 musiciens de la rue et 200 chanteurs de balades dans les rues de Londres, les rapports écrits sur l'activité et le nombre des musiciens de la rue au Canada sont rares. Un artiste montréalais, James Duncan, fit l'esquisse d'un « célèbre violoneux aveugle » dans une rue de la ville vers 1850 (Royal Ontario Museum). Dans Musical Canada, Elaine Keillor cite des exemples tirés de l' Ottawa Free Press de 1874 : un joueur d'orgue de barbarie et son singe et un vieil homme aveugle errant dans les rues d'Ottawa, chantant des airs d'opéras et jouant de l'accordéon, guidé par une petite fille qui chante et l'accompagne au « violon français ». Jean Carignan, le célèbre violoneux québécois, aurait joué du violon dans son enfance sur le trottoir devant l'atelier de son père.

Durant les années 1960, le regain d'intérêt pour la chanson folklorique et la contreculture entraîna un renouveau de popularité pour la guitare et d'autres instruments à cordes traditionnels comme le violon et le banjo, qui conviennent bien au plein air. Vers la fin des années 1960 et au début des années 1970, les jeunes exécutants se produisant dans les rues et dans les bouches de métro, souvent pour gagner de l'argent de poche ou simplement pour travailler leur instrument ou rencontrer des copains partageant les mêmes intérêts, étaient chose courante dans toutes les villes canadiennes. Cette arrivée massive de musiciens jeunes, mais inexpérimentés, suscita une montée en popularité de toutes sortes de divertissement dans les rues dans la plupart des grandes villes au Canada, mais aussi en Europe de l'Ouest et aux États-Unis. Ce renouveau de la culture dans la rue fut noté par d'autres artistes canadiens, dont des cinéastes et des chorégraphes, et servit d'inspiration à Ryan Larkin pour sa fantaisie d'animation Street Musique (ONF 1973) et à Charles-Mathieu Brunelle pour son morceau de danse expérimentale Street Music.

Les genres et instruments de musique joués par les musiciens des rues au Canada sont nombreux et variés, allant de l'omniprésent chanteur-guitariste à l'exotique alphorn. Le seul volume et l'endurance sont les facteurs les plus essentiels aux exécutions du musicien de la rue, et si un petit ensemble à cordes assure une meilleure projection sonore dans le décor d'une cour intérieure, les bois et les cuivres conviennent davantage aux bruyants carrefours. Le violon demeure toujours l'instrument préféré des musiciens de la rue; c'est le plus utilisé avec le banjo ou la mandoline, mais on peut entendre aussi le vibraphone, la bandoura, la harpe celtique, la cornemuse, le dulcimer de montagne ou à marteaux, l'accordéon ou le concertina, la marimba, la flûte et l'harmonica.

Nombreux sont les musiciens folk, jazz, pop et country ainsi que les élèves de conservatoires qui ont commencé ou poursuivi une partie de leur carrière dans les rues de villes canadiennes, dont Barde (Montréal), Dario Domingues et Sneezy Waters (Ottawa), Graeme Kirkland, le Leslie Spit Treeo, les Lost Dakotas, Loreena McKennitt, Don Ross et les Shuffle Demons (Toronto), et Pied Pumpkin (Vancouver), tous ayant ensuite poursuivi, subséquemment ou concurremment, des carrières notables dans les studios d'enregistrement. En 1990, les musiciens ambulants étaient en mesure de travailler dans des lieux aussi nombreux que variés : carrefours urbains, marchés agricoles et artisanaux, mails publics, librairies à ciel ouvert, commerces de vins et spiritueux, bouches de métro et systèmes publics de transport. Néanmoins, le véritable musicien de la rue travaillant à la pige est souvent encore un indésirable pour plusieurs autorités et de plus en plus sujet à une grande variété de restrictions municipales et gouvernementales. Plusieurs lieux avantageux pour le musicien itinérant dans des villes canadiennes sont maintenant sous le contrôle de diverses autorités qui, tout comme leurs prédécesseurs du XIVe siècle, donnent un permis (et limitent) les musiciens ambulants, souvent au moyen d'auditions annuelles. À Toronto, le programme du musicien de métro souterrain fut inauguré en 1978 et admettait des musiciens choisis par audition dans seulement 8 de ses 65 stations - un programme similaire à Vancouver admet des musiciens dans 10 de ses 14 stations. Le Métro de Montréal reçoit des musiciens dans 40 de ses 65 stations; de plus, des permis sont disponibles sur demande, les affectations sont contrôlées par une signature quotidienne et les musiciens eux-mêmes ont fondé l'Assn des musiciens itinérants du Métro. Un système similaire est en opération au centre-ville d'Edmonton et il est aussi envisagé à Vancouver et ailleurs.

Dans d'autres communautés, les meilleurs lieux pour le musicien itinérant sont sujets à un ordre de préséance impondérable mais bien fonctionnel entre les exécutants eux-mêmes, souvent basé sur une combinaison d'ancienneté et d'habileté. Un samedi matin typique, les clients du Saint Lawrence Market ont pu entendre une douzaine de numéros musicaux différents, dont deux ou trois ensembles de violoneux, un orchestre latinoaméricain, des guitaristes solo, un vieil auteur-compositeur-interprète de country, une troupe de danseurs morris et un virtuose de l'orgue de Barbarie classique accompagné d'un singe avec un gobelet d'étain.

Des églises, l'AF of M (par l'intermédiaire d'un fonds en fiducie créé à cette intention), des gouvernements municipaux et des corporations privées commanditent aussi des concerts en plein air (sans sollicitation aucune) dans les parcs et mails publics de la plupart des grands centres au Canada. Ces manifestations non improvisées permettent un travail de jour hors-saison, surtout aux musiciens professionnels, et la présentation de programmes de musique classique légère, de jazz et de pop pour ensembles.

Les amuseurs de la rue, dont les musiciens, sont souvent à l'affiche dans des festivals bien organisés de diverses villes à travers le Canada, dont (en 1990) Halifax (N.-É.), Edmonton et, en Ontario, Orillia, Waterloo, Kingston et Hamilton. Dans la plupart des cas, les concerts sont organisés par des agences de recrutement de bouzequins; on y décerne des prix et on y procède à une collecte volontaire. Les musiciens constituent cependant une proportion qui va en diminuant et leur popularité est supplantée par des numéros visuellement plus spectaculaires de jongleurs, mimes ou acrobates.