Négociation de plaidoyers
La négociation de plaidoyers est une forme de marchandage entre une personne accusée d'une infraction et un procureur de la Couronne, le prévenu négociant généralement par l'intermédiaire de son avocat. Elle peut revêtir plusieurs formes. Par exemple, le prévenu accusé de plusieurs infractions peut accepter de plaider coupable à certaines d'entre elles en contrepartie du retrait par la Couronne des autres accusations. Il peut également plaider coupable en échange de la recommandation de la Couronne au tribunal d'infliger une peine plus légère que celle dont le prévenu serait autrement passible. De même, la Couronne et le prévenu négocient souvent à propos des faits à l'égard desquels le plaidoyer de culpabilité sera inscrit.
Dans certains cas, la Couronne accepte de ne pas soulever une circonstance aggravante qui n'est pas essentielle à l'aveu de culpabilité, moyennant l'engagement du prévenu de plaider coupable. Par exemple, celui-ci peut accepter de plaider coupable de vol qualifié d'une banque, si la Couronne accepte la version des faits qu'il présentera et selon laquelle son arme de poing au moment du vol n'était pas chargée. Évidemment, une concession de cette nature faite par la Couronne ne porte pas atteinte à la validité du plaidoyer de culpabilité, mais pourrait donner lieu à une peine plus légère.
La négociation de plaidoyers s'effectue généralement avant le procès lui-même, auquel cas, s'il y a entente, les témoins (à charge) ne sont plus tenus de comparaître en cour. L'une des grandes motivations qui poussent la Couronne à négocier un plaidoyer est son désir d'épargner aux témoins civils les inconvénients et, dans certaines cas (particulièrement pour les victimes), le traumatisme d'avoir à témoigner dans un procès criminel.
La négociation de plaidoyers peut également avoir lieu au cours du procès, par exemple lorsque se présentent des éléments de preuve inattendus qui augmentent considérablement le risque pour la Couronne ou pour la défense de ne pas obtenir une condamnation ou un acquittement, selon le cas. De même, les négociations concernant le règlement d'un cas peuvent se produire dans le contexte d'un appel. Par exemple, lorsque la Couronne interjette appel et que la défense forme un appel reconventionnel, les deux parties peuvent s'entendre, si cela leur agrée, d'abandonner leur appel respectif.
Essentiellement, la négociation de plaidoyers vise deux objectifs principaux : le premier est d'augmenter la certitude. En général, le Code criminel accorde aux juges, pour ce qui est de la plupart des infractions, un large pouvoir discrétionnaire concernant la détermination des peines. En conséquence, il est souvent difficile pour la Couronne ou pour la défense de déterminer avec exactitude la peine qui sera infligée. De même, il peut souvent être difficile de prédire l'issue d'un procès, qu'il s'agisse d'un procès devant juge ou devant juge et jury. Ainsi, la Couronne ou la défense peut être disposée à faire certains sacrifices afin d'obtenir une plus grande certitude et d'assurer la réalisation de son objectif le plus important.
Ensuite, la négociation de plaidoyers s'effectue aussi dans le but d'épargner le temps précieux du tribunal, et ce qui importe encore plus, d'épargner le coût et les inconvénients d'un procès. C'est un fait que, dans le système canadien de justice criminelle, la Couronne est généralement plus disposée à envisager la négociation de plaidoyers lorsqu'elle est engagée dans une poursuite longue et compliquée qui implique des coûts considérables pour obtenir les éléments de preuve ou les témoins dont elle a besoin pour prouver sa cause.
Même si, dans un sens, la négociation de plaidoyers peut priver le tribunal de la possibilité de trancher l'affaire (par exemple, lorsque la Couronne décide d'accepter un plaidoyer de culpabilité à certaines des accusations et de retirer les autres), il reste qu'elle est assujettie à des limitations. Par exemple, bien que la Couronne puisse recommander une peine précise au tribunal, l'infliction de la peine relève en fin de compte de la responsabilité du tribunal, lequel peut rejeter la recommandation de la Couronne s'il estime qu'elle est injustifiée.
Par ailleurs, diverses cours d'appel canadiennes statuent que la Couronne est divisible : autrement dit, il peut arriver que la Couronne change d'avis en appel malgré une entente qu'elle aurait conclue lorsque l'affaire était devant le tribunal inférieur. Il faut cependant préciser qu'un tel changement d'avis n'est accepté que si la Couronne peut justifier que sa décision est bien fondée. Il faut être conscient du fait que le juge saisi n'est jamais partie à l'entente ni n'est engagé dans les négociations de plaidoyers. Ainsi, il y a toujours danger que le juge n'adopte pas la position prise par les avocats à l'issue de la négociation d'un plaidoyer.
Enfin, lorsque les négociations de plaidoyers ne donnent pas lieu à une entente ou que les circonstances d'une affaire en particulier ne se prêtent pas à une telle négociation, le prévenu peut décider de subir son procès ou tout simplement plaider coupable sans avoir obtenu de la Couronne un engagement concernant la détermination de la peine.