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Observatoire

De tous les observatoires utilisés avant l'invention du télescope, celui qui a le plus contribué à l'évolution de la science est l'observatoire que le Danois Tycho Brahe a fait construire, il y a 400 ans, sur l'île de Hveen dans la mer Baltique.
Le premier Observatoire Magnétique
Cette toile peinte en 1852 par W. Armstrong montre l'observatoire magnétique de Toronto sur le campus du King's College; devenue l'Université de Toronto (photo : Environnement Canada)
Observatoire fédéral de radioastronomie
Ressemblant à des énormes antennes satellites, les radiotélescopes de l'Observatoire fédéral de radioastrophysique collectent les signaux radio naturels venant de l'espace (Conseil national de recherches Canada).
Canada\u0096France\u0096Hawaii, télescope
Son emplacement, à une altitude de 4200 m (soit au-dessus de 40 p. 100 de l'atmosphère terrestre), est considéré comme le meilleur de l'hémisphère Nord (photo de Jean-Charles Cuillandre).

Observatoire

 Dès l'aube de la civilisation, princes et prêtres construisent des observatoires où, en observant le soleil, la lune, les étoiles et les planètes, les astronomes peuvent déterminer le passage des mois, des saisons et des années et observer les phénomènes célestes, qu'ils considèrent souvent comme des présages. On trouve des vestiges de ces premiers observatoires, dont celui de Stonehenge est un des plus connus, un peu partout dans le monde. Les tout premiers observatoires sont situés de façon à ce qu'ils tirent parti de leur environnement, c'est-à-dire en terrain découvert, non loin de points de repère naturels ou artificiels. C'est d'ailleurs toujours avec le plus grand soin qu'on choisit l'emplacement des observatoires modernes.

De tous les observatoires utilisés avant l'invention du télescope, celui qui a le plus contribué à l'évolution de la science est l'observatoire que le Danois Tycho Brahe a fait construire, il y a 400 ans, sur l'île de Hveen dans la mer Baltique. C'est grâce à la précision des observations de Brahe que Johannes Kepler a pu établir ses lois de la mécanique céleste. Galilée (1609) est le premier à observer le ciel à la lunette. Sa lunette astronomique se composait de petites lentilles montées à l'intérieur de tubes en bois. C'est il y a 200 ans seulement qu'apparaissent les grands télescopes, avec les miroirs métalliques de l'Anglais William Herschel. On assiste, au cours du XXe siècle, à l'augmentation constante de la taille, du nombre, de la complexité et de l'efficacité des télescopes.

Observatoire optique

 Les observations dans le domaine optique s'effectuent en recueillant la lumière des objets célestes, c'est-à-dire grâce à ces photons « optiques » auxquels notre oeil est sensible. Les astres émettent des photons très divers en grande quantité et dans toutes les directions. Une infime partie d'entre eux parviennent à la Terre. Les télescopes optiques modernes sont dotés de miroirs concaves qui captent et concentrent les photons. L'image des corps célestes se forme dans le plan focal du miroir où elle est enregistrée à l'aide d'une plaque photographique ou, mieux, à l'aide d'un des nombreux détecteurs modernes de photons, les meilleurs étant les détecteurs à couplage de charge (DCC). Il s'agit de tirer des photons le maximum d'information sur la nature, le comportement et l'environnement des objets qui les émettent. Plus le miroir est grand et proche de la perfection, plus il recueille de données à la fois. On peut obtenir beaucoup plus de renseignements en enregistrant chacune des régions du spectre de l'objet plutôt que son image optique uniquement.

Le succès des observations dépend de nombreux facteurs, dont l'emplacement de l'observatoire. Les lieux les plus propices sont ceux qui connaissent assez peu de passages nuageux dans l'année, où l'atmosphère est aussi limpide que possible (de préférence le sommet des montagnes), dépourvue de turbulences locales et de fluctuations de température communes aux altitudes élevées qui pourraient troubler l'image et la rendre instable. Les observatoires doivent disposer d'une source d'alimentation en électricité stable, de locaux résidentiels pour le personnel et d'installations techniques auxiliaires. Les principaux observatoires sont si éloignés et d'une telle complexité qu'ils doivent bénéficier d'une aide financière généreuse, généralement d'origine nationale ou internationale. Des astronomes, dont on a soigneusement évalué le programme, viennent de fort loin pour en utiliser l'équipement pour de courtes périodes.

Observatoire radioastronomique

 Peu après la découverte des ondes radio par Heinrich Hertz en 1887, on se rend compte que les objets qui dégagent de la lumière et de la chaleur émettent également des ondes radio. Thomas Edison semble être le premier à entrevoir la possibilité de détecter les ondes radio en provenance du Soleil. Plusieurs tentatives de détection sont effectuées en ce sens, mais aucun signal radio extraterrestre n'est décelé avant 1932. En étudiant l'origine des perturbations radio (parasites), l'ingénieur américain Karl Jansky remarque que son antenne capte des bruits radioélectriques en provenance du centre de notre GALAXIE.

C'est Grote Reber qui construit le premier appareil expressément conçu pour étudier le rayonnement de longues longueurs d'onde des corps célestes. Au Canada, les premières observations radioastronomiques sont réalisées en 1946 par Arthur Edwin COVINGTON, du CNRC, à Ottawa. Lorsque les recherches sur le RADAR sont suspendues à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Covington utilise les surplus d'équipement pour construire un radiotélescope dans le but de détecter les ondes radio émises par le Soleil. Le CNRC poursuit encore ce programme d'observations radio du Soleil.

Le télescope optique et le radiotélescope captent l'énergie sous forme de rayonnement électromagnétique. Ce qui les différencie, c'est la fréquence (ou longueur d'onde) du rayonnement qu'ils peuvent détecter. Les ondes radio qui peuvent pénétrer l'atmosphère terrestre ont des longueurs d'ondes variant de quelques millimètres à des dizaines de mètres (environ 10 000 à 100 millions de fois plus longues que les longueurs d'onde lumineuse). Les télescopes destinés à l'observation des ondes radio courtes ressemblent souvent aux télescopes optiques et comprennent habituellement une surface parabolique analogue à celle du miroir d'un télescope réflecteur. Les télescopes utilisés pour les plus longues longueurs d'onde sont très différents et consistent généralement en un vaste réseau d'antennes radio.

Les signaux radioélectriques qui atteignent la Terre depuis les sources célestes sont extrêmement faibles; les radiotélescopes doivent donc être équipés d'immenses surfaces réceptrices. Le pouvoir de résolution du télescope, c'est-à-dire sa capacité de mesurer avec précision les détails de l'image radio d'un objet, est directement proportionnel à sa dimension linéaire (non à sa surface réceptrice) et inversement proportionnel à la longueur d'onde. Or, comme les ondes radio sont longues, il faut donc que les radiotélescopes soient grands pour posséder ne fût-ce qu'un faible pouvoir de résolution.

Par exemple, l'oeil humain ne fait la distinction entre deux points que s'ils sont séparés par un écart angulaire d'une minute d'arc. Pour arriver au même résultat avec un signal de longueur d'onde d'un mètre, un radiotélescope doit avoir un diamètre d'environ trois kilomètres. Comme il est impossible de construire un instrument d'une telle dimension, les radioastronomes ont conçu des systèmes permettant de relier entre eux plusieurs petits éléments (paraboloïdes ou antennes) pour former un télescope unique. Dans les observatoires radioastronomiques du Canada, on utilise autant les télescopes à élément unique que ceux à éléments multiples.

L'Institut Herzberg d'astrophysique du CNRC exploite deux observatoires radioastronomiques : l'observatoire algonquin de radioastronomie (OAR) et l'observatoire fédéral de radioastrophysique (OFR). Les deux sites ont été choisis en raison de l'absence de perturbations radio d'origine humaine, qui peuvent facilement fausser la mesure des très faibles signaux provenant de l'espace.

C'est en 1960 que les activités débutent à l'OAR, situé au centre du parc provincial Algonquin (voir ALGONQUIN, PARC PROVINCIAL), en Ontario, avec le transfert du programme d'observations radio du Soleil dont la poursuite, à Ottawa, est entravée par l'interférence des radars et des émissions radio. Un télescope parabolique est installé pour observer, de façon continue, les émissions solaires à une longueur d'onde de 10,7 cm. Afin de prolonger la période d'observation continue du Soleil, un télescope identique est par la suite installé à l'OFR.

Sa surface réceptrice est assez petite (1,8 m de diamètre) puisque son but est de capter le rayonnement émis par la totalité du disque solaire. La mesure de l'intensité du rayonnement à une longueur d'onde de 10,7 cm est un moyen efficace de surveiller le niveau général de l'activité solaire : une intensification soudaine indique la formation d'une éruption solaire (protubérance). Ces mesures sont importantes pour l'étude des relations entre l'activité solaire et les phénomènes géophysiques (comme les AURORES BORÉALES). On détermine la position des régions solaires où l'activité est intense chaque jour, à midi, à l'aide d'un télescope à éléments multiples, qui effectue des balayages en bande du Soleil avec une résolution de 1,5 minute d'arc (c'est-à-dire un vingtième du diamètre du Soleil) dans la direction est-ouest. Comparés avec les photographies optiques, ces balayages permettent d'identifier les régions où les émissions augmentent.

Un autre télescope est installé à l'OAR; il s'agit d'un grand réflecteur parabolique de 46 m de diamètre achevé en 1966. Ce radiotélescope a été utilisé par de nombreux observateurs dans le cadre de différents programmes de recherche, y compris l'étude des planètes (voir PLANÈTES ET SATELLITES), des galaxies et des QUASARS. La plus courte longueur d'onde observable, déterminée par la précision de la surface parabolique, est d'environ 1 cm.

On envisage de remplacer la surface réceptrice d'origine par une surface plus précise qui permettra d'effectuer des observations à des longueurs d'onde de l'ordre de 3 mm. Toutefois, en 1987, le CNRC décide de ne pas refaire la surface, mais de mettre fin aux activités du télescope de 46 m et d'acquérir 25 % du temps d'utilisation du télescope que la Grande-Bretagne et les Pays-Bas achèvent d'installer sur le Mauna Kea à Hawaï. Ce télescope, connu sous le nom de télescope James Clerk Maxwell, possède un réflecteur parabolique de 15 m de diamètre dont la surface est d'une très grande précision. Ce degré de précision, ajouté à l'altitude du site, permet de faire des observations à des longueurs d'onde aussi courtes que 0,4 mm, ce qui ouvre aux astronomes canadiens une région nouvelle et peu explorée du spectre électromagnétique.

L'OFR, situé dans une vallée isolée au sud de Penticton, en Colombie-Britannique, est inauguré en 1960. Le premier instrument, à savoir un radiotélescope parabolique de 26 m et le récepteur qui l'accompagne, est surtout destiné à l'étude de notre galaxie, domaine où la contribution des astronomes canadiens est remarquable. La surface du paraboloïde est un grillage d'aluminium, réflecteur quasi parfait à une longueur d'onde de 21 cm, qui est celle de l'émission et de l'absorption de l'hydrogène, principale composante de l'espace interstellaire. La répartition de ce gaz dans la Voie lactée ainsi que ses déplacements, qu'on a pu déduire des décalages spectraux observés, nous ont beaucoup appris sur la structure et la dynamique de notre galaxie.

Ce radiotélescope peut capter le rayonnement d'une région céleste de 0,5° de diamètre, mais les structures beaucoup plus petites de nombreuses nébuleuses et autres objets de notre galaxie ne peuvent être détectées par ce télescope. De plus, son pouvoir de résolution n'est pas suffisant pour qu'on puisse étudier ne serait-ce que les galaxies externes les plus proches. Comme il est impossible de construire un radiotélescope parabolique suffisamment grand pour permettre l'étude de ces galaxies, on a construit un autre instrument, qui fait appel à une méthode mise au point à l'Université de Cambridge : la synthèse d'ouverture. Ce radiotélescope est constitué d'un réseau de quatre paraboloïdes de 8,5 m, dont on combine les informations. Deux des paraboloïdes se déplacent d'est en ouest le long d'un rail d'une longueur de 300 m; les deux autres sont fixes, l'un à 300 m à l'est du rail et l'autre à 300 m à l'ouest.

Les quatre paraboloïdes observent une même région du ciel pendant 12 heures depuis chacune des quelque 120 positions possibles. Lorsqu'il est relié à son spectromètre récepteur, le système produit des cartes infographiques à 128 longueurs d'onde d'une région céleste de 2° de diamètre avec une résolution d'une minute d'arc. Les performances de ce télescope seront bientôt améliorées grâce à l'augmentation du nombre de paraboloïdes, qui passera de quatre à sept.

Pour les observations à une longueur d'onde de 13,5 m, les observatoires utilisent un radiotélescope comprenant un grand nombre de surfaces réceptrices, ou dipôles, disposées sur un plan horizontal en forme de T. Chaque dipôle est relié par câble au centre du réseau, où les signaux sont amplifiés et enregistrés. La barre transversale du T mesure 1,3 km de long et l'ensemble du réseau occupe une superficie de 65 000 km2. Son rendement équivaut à peu près à celui d'un paraboloïde classique de 750 m de diamètre.

En 1967, les ingénieurs et les radioastronomes des universités canadiennes et du CNRC sont les premiers à mettre au point une technique encore plus efficace, qui accroît considérablement la résolution qu'on peut obtenir aux longueurs d'onde radio. Connue sous le nom d'interférométrie à très longue base, cette technique permet de combiner les signaux enregistrés par des radiotélescopes très éloignés les uns des autres, afin d'agir comme un seul instrument. Des horloges atomiques indépendantes et de grande stabilité sont utilisées pour convertir les signaux recueillis par chaque télescope en fréquences plus basses, qui peuvent être enregistrées sur bande magnétique avec des repères de temps précis. Les bandes sont ensuite synchronisées.

Pour les premiers essais, on s'est servi des radiotélescopes paraboliques de Penticton et du parc Algonquin pour former un interféromètre à deux éléments. Plus récemment, plusieurs radiotélescopes ont été utilisés simultanément en divers endroits du monde pour former un puissant instrument intégré capable de produire des images dont les détails sont de l'ordre d'un millième de seconde d'arc. C'est 100 à 1000 fois mieux que ce qu'on peut normalement obtenir avec les plus grands télescopes optiques. Par conséquent, il est maintenant possible d'étudier la structure des quasars et les petits noyaux des galaxies, d'observer les changements qui se produisent dans leur structure avec le temps et d'analyser les détails de bien d'autres sources radio.

De plus, on peut maintenant déterminer très exactement la position des sources radio, ce qui permet d'étudier entre autres les effets de la relativité. En géophysique, on peut utiliser la possibilité de mesurer de petits écarts angulaires pour étudier le mouvement de l'axe de rotation de la Terre, les variations de sa vitesse de rotation, les mouvements de sa croûte, etc. Ce sont entre autres ces possibilités qui ont fait germer chez les scientifiques canadiens l'ingénieuse idée de construire un système à longue base constitué de huit radiotélescopes alignés de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve et fonctionnant comme un seul instrument. S'il est construit, ce sera le plus grand radiotélescope du monde, aussi grand que le Canada lui-même. Cependant, ce projet n'a pas encore reçu le feu vert.

J.L. LOCKE

Observatoire spatial

Divers types de rayonnements électromagnétiques (c'est-à-dire rayonnement infrarouge à très faible énergie, rayonnement ultraviolet à forte énergie et rayonnement X) sont incapables de traverser l'atmosphère terrestre et doivent être observés à partir des régions supérieures de l'atmosphère ou de l'espace. L'observation en haute atmosphère fait partie du programme de recherche par satellite depuis ses débuts. Le CNRC participe à différents programmes de recherche spatiale avec les Américains et les Européens (la NASA et l'ASE respectivement). Vers la fin des années 80, le plus spectaculaire de ces projets est celui du Starlab, établi conjointement par l'Australie et les États-Unis, qui prévoit la construction d'un télescope de un mètre doté d'une caméra et d'un spectrographe, et son transport vers l'une des plates-formes spatiales de la NASA à bord d'une navette spatiale. Le gouvernement canadien s'est retiré du programme en 1984.

DONALD A. MACRAE

Auteurs ayant contribué à cet article:

Premiers observatoires

Le premier observatoire de l'Amérique du Nord est sans doute celui de LOUISBOURG (1750-1751). Quelques observatoires équipés de modestes télescopes sont construits au Canada au cours du XIXe siècle : à Fredericton en 1851, à Québec en 1854, à Kingston (Ontario) en 1856 et à Montréal en 1879. Un des premiers observatoires, établi à Toronto sous les auspices du gouvernement, sert d'abord à l'étude du magnétisme terrestre et, plus tard, à la MÉTÉOROLOGIE et à l'ASTRONOMIE. On déploie à l'époque beaucoup d'efforts pour déterminer la longitude par l'observation astronomique, et c'est en fait la colonisation de l'Ouest canadien et le besoin de cartes et de levés précis qui conduisent à la fondation de l'observatoire fédéral, à Ottawa, en 1905. Bien que son but premier soit de servir à des fins géodésiques, ainsi que de déterminer et de diffuser des signaux horaires précis (voir HEURE), la recherche en « astronomie physique » n'y est pas négligée pour autant. L'astronomie physique, qu'on appelle aujourd'hui ASTROPHYSIQUE, connaît un essor rapide.

Observatoire fédéral d'astrophysique

Moins de huit ans après la fondation de son observatoire, le gouvernement fédéral décide de construire un observatoire d'astrophysique doté d'un télescope qui, à cette époque, est le plus grand du monde. Après une étude approfondie, la ville de Victoria, en Colombie-Britannique, est choisie comme le meilleur emplacement au Canada en raison de son pourcentage élevé de nuits claires et de la « bonne visibilité » qu'elle offre (les étoiles y apparaissent comme des points stables). L'Observatoire fédéral d'astrophysique (OFA) entre en activité en 1918. On y observe surtout le spectre des astres faibles dont on mesure la vitesse par l'effet Doppler. Exploité aujourd'hui par l'Institut Herzberg d'astrophysique, qui fait partie du CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA (CNRC), l'OFA possède deux grands télescopes : le plus ancien (1,83 m) et un plus moderne et plus petit (1,22 m). Le premier, récemment baptisé télescope de Plaskett, a été entièrement modernisé et sert à l'étude des amas stellaires, des galaxies proches et des étoiles présentant un intérêt particulier (voir SPECTROSCOPIE). Le plus petit des deux, construit en 1962, mais moderne lui aussi à tous égards, sert à l'étude des spectres stellaires.

Même si on parle d'observatoires « optiques », la technologie moderne permet d'élargir beaucoup le champ du spectre observable, non seulement vers les ondes courtes de l'ultraviolet, mais aussi vers les grandes longueurs d'onde du spectre invisible, et peu exploré jusqu'ici, de l'infrarouge. Un groupe de l'OFA met tout en oeuvre pour atteindre cet objectif et améliorer la performance des instruments spectroscopiques en général.

Le Centre canadien de données en astronomie (CCDA) a été créé à l'OFA en 1986, pour être un des trois centres mondiaux d'archivage et de distribution des données recueillies par le télescope spatial Hubble. On y trouve aussi les archives du télescope Canada-France-Hawaï. Le CCDA a mis au point des logiciels pour accéder à ces archives ainsi qu'à d'autres bases de données informatiques sur INTERNET.

L'observatoire David Dunlap

Un don généreux de la famille Dunlap (voir DUNLAP, CLARENCE RUPERT; DUNLAP, DAVID ALEXANDER) a permis à l'Université de Toronto de créer, en 1935, l'observatoire David Dunlap (ODD) à Richmond Hill, à la sortie de Toronto. Il est équipé d'un télescope de 1,88 m, qui était et reste le plus grand du Canada. Régulièrement doté d'instruments de pointe, il sert presque exclusivement aux travaux de spectrographie stellaire, qui révèlent l'état physique et les éléments atomiques et moléculaires des couches supérieures des astres. Deux télescopes plus modernes et plus petits sont réservés à l'étude des propriétés des étoiles variables. La plupart des travaux exécutés dans cet observatoire soutiennent les recherches des diplômés de l'Université de Toronto.

L'observatoire austral de l'Université de Toronto

Dans les années 60, à cause de l'augmentation du nombre d'étudiants aux cycles supérieurs, l'Université de Toronto doit trouver d'autres observatoires sur lesquels elle puisse compter. Les recherches de l'observatoire David Dunlap s'étendent désormais au ciel austral, où l'on peut observer les régions les plus riches de la Voie lactée et de ses deux galaxies satellites, qu'on appelle les Nuages de Magellan. En 1971, l'Université de Toronto installe un télescope de 61 cm sur le mont Las Campanas, au Chili, sur le versant occidental de la cordillère des Andes, à une latitude de 29° sud, dans une région qui comprend certains des meilleurs sites d'observation du monde.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le petit télescope de l'observatoire austral de l'Université de Toronto (OAUT) reste pendant de nombreuses années le plus productif de tous les télescopes canadiens sur le plan des résultats de recherche. En 1987, l'astronome manitobain Ian Shelton, détaché par l'Université de Toronto à Las Campanas, découvre dans le Grand Nuage de Magellan la supernova 1987A (étoiles massives qui explosent), qui devient la plus brillante et la plus étudiée des étoiles de ce type. Les astronomes d'autres établissements obtiennent souvent du temps d'observation. En 1992, le télescope est rebaptisé en l'honneur d'une des plus grands astronomes canadiennes, Helen Battles HOGG-PRIESTLEY. Pour certains types d'observation, il est souvent préférable d'utiliser un petit télescope. Le télescope Hogg s'utilise autant en mode spectroscopique qu'en mode image pour toute une gamme de programmes.

Au cours des ans, les instruments fournis par l'ODD à l'OAUT sont continuellement modernisés, ce qui augmente la production des chercheurs. On trouve sur place des ordinateurs, outils essentiels peu importe la grosseur de l'observatoire, qui servent à l'acquisition des données. Souvent utilisées comme outils de référence rapide, ces données sont ensuite transférées sur bandes pour être expédiées au pays où elles sont étudiées de manière approfondies avant d'être archivées.

Télescope Canada-France-Hawaï

La construction du télescope Canada-France-Hawaï (CFH) sur le Mauna Kea, à Hawaï, est une réalisation canadienne plus récente dans le domaine des observatoires optiques terrestres. Au cours des années 60, plusieurs groupes canadiens insistent sur la nécessité d'avoir un télescope plus grand et plus moderne. Favorable à l'idée, le gouvernement fédéral décide de joindre ses efforts à ceux de la France et d'Hawaï. Le mont Mauna Kea, situé à une latitude de 20° nord et à une altitude de 4250 m (soit au-dessus des premiers 40 p. 100 de l'atmosphère terrestre), est considéré comme le meilleur site de l'hémisphère Nord.

Un télescope de 3,6 m de conception moderne est inauguré en septembre 1979. Le miroir est fabriqué et poli par une équipe de l'OFA. Ce télescope deviendra rapidement l'un des plus puissants télescopes terrestres du monde. Le CFH est équipé d'une grande variété d'instruments de pointe, dont la plupart sont des variantes des instruments canadiens mis au point à l'OFA. Les astronomes canadiens des observatoires et des universités de l'ensemble du pays se partagent 45 p. 100 du temps d'utilisation du CFH. La France et Hawaï se partagent le reste.

Les programmes d'observation du CFH reflètent la diversité des intérêts des utilisateurs provenant de nombreux pays. Dès le départ, ce télescope avait pour but d'exploiter l'incomparable qualité de la visibilité (les images des étoiles sont d'une grande netteté), la transparence et la noirceur du ciel au-dessus du Mauna Kea. Pour ce qui est de la visibilité, un instrument innovateur a amélioré la forme et la qualité des images à un point tel qu'elles commencent à le disputer en netteté à celles du télescope spatial Hubble. Grâce à cet instrument, on a pu récemment distinguer séparément quelques-unes des étoiles d'une galaxie lointaine, ce qui nous fait progresser de quelques pas de plus vers la détermination de la distance qui nous sépare de cette galaxie et d'autres systèmes, et vers la détermination de l'âge et de la grandeur de l'Univers.

Les galaxies à très faible rayonnement et les amas d'étoiles retiennent énormément l'intérêt. On en examine en profondeur le centre et la périphérie de faible luminosité afin d'en déterminer la structure et le mouvement, et de révéler la variété souvent inhabituelle de leurs populations stellaires. Récemment, l'étude approfondie de six galaxies proches a fait naître l'hypothèse qu'il y aurait des trous noirs extrêmement massifs (dont la masse pourrait être égale à des millions ou à des milliards de fois celle du Soleil) au centre même de ces galaxies.

Un autre instrument ingénieux a centuplé l'efficacité du CFH en permettant l'enregistrement simultané des spectres d'une centaine de galaxies très peu lumineuses dans le but de mesurer leur décalage vers le rouge et d'améliorer notre connaissance de l'Univers lointain primitif. Plus près de nous, l'analyse spectroscopique du CFH a permis de découvrir que certaines des étoiles proches du Soleil étaient en fait des étoiles doubles en orbite mutuelle et que certaines d'entre elles pourraient bien avoir un système planétaire.

Gemini

Le Canada est un des principaux participants au projet Gemini, avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Brésil, l'Argentine et le Chili. Comme le nom l'indique, le projet comprendra deux observatoires, actuellement en construction, dont chacun sera équipé de télescopes presque identiques, l'un à Hawaï à côté du CFH et l'autre à Cerro Pachon, au Chili, à une altitude de 2737 m, près de Las Campanas. Les immenses miroirs en verre à coefficient de dilatation zéro, fabriqués par Corning Inc., doivent faire 8,1 m de diamètre. Une fois fabriqués, les miroirs seront réchauffés pour prendre la forme d'une soucoupe de 29 cm de profondeur, puis refroidis et polis en France. L'observatoire boréal devrait être en activité en 1998 et l'observatoire austral en l'an 2000.

L'épaisseur de chaque miroir Gemini ne représente que le quatorzième de son diamètre. Ainsi, le miroir se déformera sous l'effet de sa propre masse quand on tournera le télescope vers le ciel. Toutefois, derrière le miroir, 120 vérins hydrauliques commandés par ordinateur lui rendront précisément sa forme (« optique active »), qu'il pourra ainsi conserver pendant toute la durée de l'observation, même si celle-ci dure des heures. Par ailleurs, si les distorsions atmosphériques viennent déformer l'image d'une étoile, un mince miroir réfléchissant situé dans le faisceau convergent, près du foyer, et commandé par ordinateur changera de forme de manière à annuler instantanément les effets de ces distorsions. La conception et la fabrication des « optiques adaptatives » qu'on trouvera dans les télescopes jumeaux font partie des principales tâches du Canada.

Afin de tirer le maximum de l'emplacement, la surface réfléchissante du miroir Gemini-Hawaï sera d'argent au lieu d'aluminium. L'argent réfléchit mieux les rayons infrarouges et le Mauna Kea passe pour le meilleur endroit du monde pour faire des observation dans le spectre infrarouge. À cet endroit et à cette altitude, l'air sec est très transparent aux rayons infrarouges et le ciel presque noir constitue un excellent arrière-plan. La structure du télescope est conçue de manière à aller chercher le maximum dans les infrarouges. Il existe maintenant de nouveaux détecteurs d'infrarouges pour exploiter cette partie du spectre, qui semble très prometteuse pour l'astronomie. Tous les facteurs susceptibles de nuire à l'efficacité du télescope devraient être immédiatement contrôlés à tout moment. La conception et la construction des enceintes du télescope (le dôme, son support et les installations souterraines) ont été confiées à Coast Steel Fabrications Ltd. de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. Le système complexe qui sert à commander la partie tournante des enceintes est mise au point par l'OFA à Victoria.

Plusieurs astronomes canadiens, individuellement ou en groupe, travaillent en collaboration avec l'OFA à la mise au point des télescopes, et plus particulièrement à la conception d'un système d'optique adaptative dans l'infrarouge pour le télescope d'Hawaï et de spectrographes multicanaux pour les deux télescopes. Les astronomes du CCDA en Grande-Bretagne, qui participe aussi à ce dernier projet, travaillent à l'élaboration du système de gestion et d'archivage des données.

Ces deux supertélescopes auront un impact majeur sur l'astronomie et sur les disciplines connexes. Comme il y en aura un dans chaque hémisphère, ils permettront d'étudier uniformément la sphère céleste dans sa totalité. La dimension de leurs miroirs et leurs gains élevés permettront d'obtenir des réponses à des questions cruciales et de scruter avec précision des objets à des distances sans cesse plus grandes. Les astronomes canadiens attendent avec impatience le moment où ils pourront commencer les observations à l'aide des télescopes Gemini.

Autres observatoires

Le Canada, comme d'autres pays qui désirent approfondir leur connaissance de l'Univers, possède nombre d'observatoires plus petits, répartis d'un océan à l'autre. La plupart des grandes universités possèdent actuellement des télescopes pour l'enseignement et la recherche, dont les Université de Montréal et Laval qui ont conjugué leurs efforts pour ériger l'observatoire du mont Mégantic, au Québec, les Université St. Mary's (à Halifax), Western à London (Ontario), York à Toronto, du Manitoba, de l'Alberta, de Calgary, de la Colombie-Britannique et Victoria. Au Canada, plusieurs groupes d'astronomes amateurs possèdent leurs propres télescopes et observatoires permanents.

DONALD A. MACRAE