Le One Big Union (OBU) est un syndicat radical créé dans l’Ouest canadien en 1919. Il visait à défendre les droits des travailleurs grâce à une organisation de masse regroupée par industrie. Le groupe a fait face à une vive opposition de la part d’autres branches du mouvement syndical, du gouvernement fédéral, des employeurs et de la presse. Néanmoins, il a contribué à transformer le rôle des syndicats au Canada.
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Le logo apparaît dans un bulletin du OBU intitulé «The Workers’ Party and the One Big Union», publié le 18 mai 1922.
Contexte
Comme dans de nombreux pays industrialisés, les syndicats voient le jour au Canada dans les années 1800. Les premiers à les former sont des ouvriers qualifiés. Les travailleurs s’organisent en fonction de leur métier, comme la composition ou la maçonnerie. Leurs syndicats ont tendance à se concentrer sur les questions propres à ces métiers, notamment l’accréditation et les conditions de travail (voir Syndicats de métier).
Au début des années 1900, le syndicalisme industriel révolutionnaire, une forme plus radicale du mouvement syndicaliste, gagne en popularité dans le monde entier. Il défend que la seule façon pour les travailleurs de faire respecter leurs droits face au pouvoir croissant des entreprises capitalistes et des gouvernements des États est de s’organiser à grande échelle. Un syndicat important de ce mouvement est l’Industrial Workers of the World (IWW), qui est basé aux États-Unis et compte des sections locales dans l’Ouest canadien. En 1911, l’IWW expose sa philosophie dans un tract intitulé One Big Union. Cette expression devient également le slogan de l’IWW.
Les idées du syndicalisme industriel révolutionnaire n’attirent pas les ouvriers de l’est du Canada. Les syndicats de l’Est, alliés à l’American Federation of Labor, imposent le statu quo. Ils expulsent parfois des membres qui cherchent à s’organiser en regroupant différentes branches professionnelles. Le syndicalisme industriel révolutionnaire s’avère plus populaire dans l’Ouest canadien. L’Ouest a une plus grande proportion de travailleurs non qualifiés, une importante population d’immigrants et des liens plus étroits avec les organisateurs syndicaux américains radicaux. Cependant, les syndicats de tout le pays conservent leurs structures traditionnelles jusqu’en 1919.
Formation
Les divisions entre les mouvements syndicaux de part et d’autre du pays se creusent progressivement pour atteindre leur point culminant pendant la Première Guerre mondiale. Le Congrès des métiers et du travail du Canada, dominé par l’Est, appelle les États-Unis à prendre part à la guerre et soutient la conscription. Ces actes scandalisent les dirigeants syndicaux de l’Ouest, qui condamnent la participation du Canada à la guerre. En 1918, dans le cadre de la Loi sur les mesures de guerre, le gouvernement conservateur de sir Robert Borden interdit de nombreux groupes politiques et syndicaux radicaux. L’interdiction vise l’IWW et des groupes représentant les Allemands, les Ukrainiens et les Polonais, comme bon nombre d’entre eux font partie de syndicats occidentaux. Au cours des mois qui suivent, de nombreux dirigeants syndicaux sont arrêtés pour avoir participé à des manifestations et à des syndicats illégaux.
Le 13 mars 1919, près de 240 délégués syndicaux de Victoria à Winnipeg se réunissent à Calgary. Ils votent pour quitter leurs syndicats existants et le Congrès des métiers et du travail du Canada dans le but de former un nouveau syndicat. Ce nouveau syndicat regroupe les professions par industrie. En juin de la même année, les délégués se réunissent de nouveau pour créer officiellement le syndicat industriel national du Dominion du Canada, connu sous le nom « One Big Union ».
Extrait de la charte du OBU
Le One Big Union […] cherche à organiser le travailleur salarié non pas selon le métier, mais selon l’industrie; selon la classe et les besoins de la classe; et appelle tous les travailleurs sans distinction de nationalité, de sexe ou de métier à former une organisation ouvrière, afin qu’ils puissent mener à bien la lutte quotidienne pour des salaires et des heures de travail raisonnables, etc., et se préparer au jour où la production pour le profit sera remplacée par la production pour l’utilisation.
Grève générale de Winnipeg
Entre le vote en faveur de la séparation et la création du OBU, une grève générale éclate à Winnipeg. Il s’agit de la grève la plus importante de l’histoire du Canada. Bien que le syndicat n’ait pas été officiellement impliqué, nombre de ceux ayant contribué à sa création aident également à organiser la grève et sont d’ailleurs arrêtés pour y avoir participé. La tactique d’une grève générale de masse correspond à la philosophie générale du OBU.
Déclin et héritage
Tout au long de l’année 1919, les rangs du OBU gonflent. Au début de 1920, le syndicat compte 40 000 membres. Toutefois, il rencontre une vive opposition à l’égard du syndicalisme radical à la suite de la grève générale de Winnipeg. Parmi ses opposants, citons notamment le Congrès des métiers et du travail du Canada, un groupe plus conservateur. En juillet 1919, le gouvernement fédéral adopte l’article 98. Cet ajout au Code criminel interdit les groupes syndicaux et politiques en temps de guerre comme en temps de paix. Les journaux accusent le OBU d’essayer de mener une révolution bolchévique au Canada. Certains employeurs refusent de négocier avec les membres du OBU, ce qui conduit certains travailleurs à quitter le groupe et à joindre d’autres syndicats.
Face à ces pressions et aux désaccords internes concernant l’organisation et les tactiques employées, le nombre de membres du OBU chute à 5 000 en 1922 et en 1923. La perte de membres mine progressivement l’idéalisme radical du syndicat. En 1927, il se joint à d’autres groupes syndicaux pour former le Congrès des travailleurs unis du Canada et plus tard, la Fédération canadienne du travail. Le OBU commence à se concentrer davantage sur les conditions de vie de ses membres, et moins sur l’organisation de masse. Dans les années 1940, le nombre de membres augmente graduellement pour atteindre 24 000 travailleurs, et la majorité d’entre eux habitent la ville de Winnipeg. Le OBU est officiellement dissous et absorbé par le Congrès du Travail du Canada en 1956.
Bien que la période d’influence du syndicat soit brève, bon nombre de ses organisateurs jouent des rôles importants par la suite. Ils participent aux mouvements ouvriers, socialistes et communistes au Canada dans les années 1920 et 1930 (voir aussiParti communiste du Canada). Les idées radicales du OBU influencent également un syndicalisme plus progressiste et plus actif sur le plan politique au Canada.