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Syndicats de métier

Les syndicats de métier sont des organisations ouvrières mises sur pied pour promouvoir et défendre les intérêts des ouvriers spécialisés (appelés aussi artisans, mécaniciens et ouvriers de métier).

L'exercice d'un métier requiert à la fois de la dextérité manuelle et la capacité de concevoir, qualités précieuses et rares qui donnent aux travailleurs qui les détiennent un pouvoir considérable sur le marché du travail. Les syndicats de métier ont pour but de maintenir ce pouvoir. Pour ce faire, ils régissent la formation, réglementent les méthodes de travail et exigent que seuls leurs membres puissent exercer le métier. La fierté et l'indépendance ont donné naissance à un esprit de solidarité ainsi qu'au premier mouvement ouvrier du Canada.

Toutefois, un système de guildes parfaitement au point, fondé sur le modèle britannique et européen, visant à protéger les métiers traditionnels n'a jamais vu le jour en Amérique du Nord britannique. En général, ce n'est qu'après un long apprentissage qu'on pouvait devenir ouvrier entièrement qualifié ou compagnon. C'est au début du XIXe siècle que les premiers syndicats de métier apparaissent, au moment où des compagnons découvrent leur communauté d'intérêts. Quand viennent les années 1830, les compagnons charpentiers de navire, imprimeurs, tailleurs, tailleurs de pierres, charpentiers et autres ont déjà leurs syndicats et comptent même à leur actif quelques grèves dont les enjeux sont la hausse des salaires et l'amélioration des conditions de travail. Beaucoup de ces syndicats établissent aussi des fonds de secours mutuel pour aider leurs membres en cas de maladie, d'accident ou de mortalité.

Les premiers syndicats de métier réunissent les ouvriers qualifiés à l'échelon de leur localité. Toutefois, dans les années 1850, les artisans commencent à s'affilier à de grandes organisations. Au départ, les travailleurs britanniques établissent des sections locales des syndicats auxquels ils appartenaient en Angleterre, comme l'Amalgamated Society of Engineers ou l'Amalgamated Society of Carptenters and Joiners. Cependant, les ouvriers spécialisés canadiens rattachent de plus en plus leurs syndicats locaux à de nouveaux syndicats américains, comme l'Iron Molders' Union et la National Typographical Union, qui représentent les travailleurs sur tout le continent. Cet état de chose traduit la tendance sans cesse croissante des travailleurs à parcourir l'Amérique du Nord à la recherche d'emplois. Ce « syndicalisme international » vise à établir des normes d'emploi communes à tout le continent. Au Québec, par contre, de nombreux syndicats de métier refusent de se joindre à ces syndicats internationaux en raison du peu d'intérêt que ceux-ci portent à la langue et à la culture françaises.

Après 1850, au début de l'Industrialisation canadienne, de nombreux employeurs essaient d'éliminer les métiers spécialisés en subdivisant les tâches pour les confier à des ouvriers moins qualifiés et en installant de nouvelles machines. Au moment de la Première Guerre mondiale, ces changements avaient abouti à la production en série et à la gestion « scientifique » des entreprises. Les artisans ont recours à leurs syndicats pour résister à tout changement qui, selon eux, dérange leur mode de travail, réduit leurs salaires ou menace leurs emplois. Ainsi, les syndicats se mettent à resserrer les règles et règlements relatifs à l'exercice de chacun des métiers et s'attendent à ce que les employeurs les respectent quand ils embauchent des travailleurs spécialisés. Ces nouvelles règles régissent, entre autres, l'apprentissage, la charge quotidienne de travail, les heures de travail et les outils propres au métier.

Néanmoins, beaucoup d'employeurs s'opposent à ces restrictions qui limitent leurs prérogatives, poussant ainsi les syndicalistes à déclencher des centaines de grèves très dures pendant 50 ans jusqu'en 1920. Les artisans sont souvent les plus véhéments et les plus articulés des critiques de l'industrialisation, qui, selon eux, abaisse l'ouvrier et son travail. Au début des années 20, les industriels sont cependant parvenus à chasser les syndicats de métier de la plupart des lieux de travail et à transformer les méthodes de travail au point de les affranchir de leur dépendance envers bon nombre d'artisans qualifiés, mais rares sur le marché. Ce n'est que dans les secteurs de l'imprimerie et de la construction que les syndicats de métier subsistent avec une certaine vitalité.

Depuis très longtemps, les syndicats de chacun des métiers s'unissent entre eux pour former des conseils du travail à l'échelle locale et à l'échelle nationale au sein du Congrès des Métiers et due Travail du Canada (CMTC), et à l'échelle du continent au sein de l'American Federation of Labour (AFL). Toutefois, beaucoup d'artisans commencent à s'inquiéter devant la montée du Syndicalisme Industriel, qui tente de regrouper tous les ouvriers sans distinction de métier, ce qui risque de diminuer le pouvoir des ouvriers spécialisés. En 1919, ils s'opposent à la One Big Union, qui préconise une nouvelle forme d'organisation industrielle et, dans les années 1930, ils luttent contre le Committee for Industrial Organization (CIO), d'origine américaine. En 1939, le CMTC succombe aux pressions de l'AFL et expulse les syndicats du CIO de ses rangs. Néanmoins, certains syndicats de métier (p. ex. ceux des machinistes et des charpentiers) élargissent progressivement leurs critères d'adhésion pour inclure les travailleurs à la chaîne et d'autres travailleurs d'industries connexes.

Au Québec, les syndicats de métier et industriels coexistent au sein de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada depuis 1921. Ailleurs, ces deux tendances se réunissent à l'intérieur du Congrès due Travail du Canada (CTC). Les frictions ne disparaissent pas pour autant et, durant les années 70, les disputes concernant la compétence des syndicats de métier et l'autonomie des syndicats canadiens à l'égard des centrales internationales poussent plusieurs syndicats de la construction à ne pas verser leurs cotisations au CTC. Suspendus en 1981, ces syndicats forment l'année suivante une nouvelle organisation nationale, soit la Féderation Canadienne du Travail, donnant ainsi une fois de plus aux syndicats de métier une identité distincte.

Voir aussi Histoire de la Classe Ouvrière.