Au Canada, le pacifisme est alimenté par deux traditions. La première est celle des sectes pacifistes. C'est la non-résistance traditionnelle de sectes religieuses pacifistes qui veulent éviter de s'intégrer au grand courant de la société canadienne. Au début du XXe siècle, les Quakers, les Mennonites, les Huttérites et les Doukhobors avaient déjà obtenu des garanties qui protègent leur droit de vivre conformément à leurs convictions pacifistes. Ils sont expressément exemptés du service militaire, et leur immunité est consacrée par les lois et les coutumes du Canada. Les plus nombreux et les plus solides témoins du pacifisme sont les membres de sectes pacifistes, surtout à titre d'objecteurs de conscience pendant les deux guerres mondiales.
La deuxième tradition, qui trouve des appuis dans la population, est celle du protestantisme libéral et des réformes humanitaires. Elle est fondée sur les enseignements pacifistes de Jésus et sur la croyance en l'irrationalité de la guerre et en la fraternité humaine. Les diverses expressions du pacifisme libéral au Canada commencent au début du siècle par le mouvement progressiste pour la paix, qui préconise la conciliation et l'arbitrage internationaux comme étant les meilleurs moyens d'établir un ordre mondial. Presque tous les organismes politiques, religieux, agricoles, syndicaux et féminins adhèrent à ce principe avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Toutefois, le mouvement pacifiste libéral se désintègre pendant la guerre. Il n'en reste que quelques pacifistes déterminés, notamment J.S. Woodsworth et William Ivens, anciens ministres méthodistes qui expriment publiquement leur désaccord avec leur Église en s'opposant à la conscription. La plupart des adversaires de la conscription, spécialement au Québec, ne sont pas motivés par des convictions pacifistes.
Résurgence du pacifisme libéral
Le désenchantement qui fait suite à la guerre et l'appui obtenu par la la Société des Nations et le désarmement provoquent une renaissance du pacifisme libéral. Pendant que Woodsworth et Agnes Macphail débattent au Parlement la question de la paix et que la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté mènent une campagne pour abolir l'entraînement des cadets et le militarisme dans les écoles, un mouvement pacifiste prend de l'ampleur pendant l'entre-deux-guerres. Au début des années 30, il s'était déjà élargi pour former un vaste front représentant diverses tendances religieuses et politiques, mais il s'unit pendant la crise pour réclamer non seulement la paix mais aussi la justice socio-économique. Sous la direction de Woodsworth, la Co-operative Commonwealth Federation (CCF) devient le principal porte-parole politique de ce courant pacifiste socialiste.
Au milieu de la décennie, toutefois, les socialistes radicaux commencent à abandonner le pacifisme pour lutter contre le fascisme en Espagne, et, lorsqu'éclate la Deuxième Guerre mondiale, même le CCF a abandonné sa tradition de neutralité en matière de politique étrangère : Woodsworth se retrouve alors seul à défendre les idées pacifistes au Parlement. Le mouvement en vient à ne plus compter que quelques pacifistes chrétiens. Ce sont surtout des ministres de l'Église unie qui sont membres du Fellowship of Reconciliation, qui réaffirment publiquement leurs convictions pacifistes dans le manifeste controversé Witness Against War et sont désavoués par les chefs de leur propre Église. Les membres des sectes pacifistes, après s'être tenus à l'écart du mouvement pour la paix de l'entre-deux-guerres, collaborent avec les pacifistes libéraux pendant la guerre pour que soit garantie l'exemption du service militaire aux objecteurs de conscience.
Attrait populaire du pacifisme
Le début de l'ère atomique augmente l'urgence et l'attrait du pacifisme, et de nombreux adhérents se joignent au mouvement pacifiste de l'après-guerre. Les nouveaux « pacifistes de l'ère nucléaire » pensent que les armes nucléaires ont rendu toute guerre impensable. C'est pourquoi ils préconisent le désarmement nucléaire et la réduction des tensions entre l'URSS et l'Occident. Au début, ce nouveau mouvement est dominé par le Congrès canadien pour la paix, organisme de gauche dirigé par James Endicott, qui lance une campagne canadienne d'interdiction de la bombe atomique et fait circuler l'appel de Stockholm, une pétition internationale du Conseil mondial de la paix (organisme appuyé par l'URSS) contre les armements nucléaires.
Au début des années 60, toutefois, la Campagne canadienne pour le désarmement nucléaire et la La Voix des Femmes obtiennent un appui plus vaste du public en faisant connaître les dangers des retombées radioactives des essais nucléaires. Les groupes pacifistes importants se joignent au mouvement, qui réclame un traité d'interdiction mondiale des essais, et appuient la campagne visant à empêcher le déploiement de missiles à charge nucléaire en sol canadien. Au milieu de la décennie, les pacifistes s'intéressent à la guerre du Viêt-nam et se joignent aux protestations et aux pétitions contre cette guerre, aident les conscrits américains réfractaires et organisent une aide humanitaire aux civils vietnamiens.
Campagnes antinucléaires
Après la fin de la guerre du Viêt-nam, les pacifistes luttent de nouveau contre l'escalade de la course à l'armement nucléaire. Dans les années 80, des organisations comme Canadian Physicians for Social Responsibility, Project Ploughshares et Opération Désarmement élargissent encore les fondations du mouvement pacifiste au Canada. Un fait particulièrement notable est l'engagement public accru de la communauté mennonite au moment où les pacifistes libéraux et ceux des sectes se lancent dans la campagne antinucléaire.