Mary Irene Parlby (née Marryat), députée provinciale de l’Alberta (1921-1935), défenseure des droits des femmes et activiste (née le 9 janvier 1868 à Londres, au Royaume-Uni; décédée le 12 juillet 1965 à Red Deer, en Alberta). Irene Parlby a été membre de l’Assemblée législative de l’Alberta pendant 14 ans. Elle a été la première femme de l’Alberta à être nommée à un poste de Cabinet, et la seconde dans tout l’Empire britannique. Faisant partie des « Cinq femmes célèbres » appelantes dans l’affaire « personne », Irene Parlby était une ardente défenseure des droits des femmes. Elle était connue sous le surnom « ministre des femmes », et sa carrière de militante et de législatrice a été consacrée à améliorer la qualité de vie des femmes rurales et des enfants, notamment avec la Dower Act de l’Alberta de 1917. Elle a également été déléguée à la Société des Nations en 1930. Cependant, elle a été critiquée pour ses opinions sur l’eugénisme et pour son soutien envers la Sexual Sterilization Act de l’Alberta. Elle a été nommée personne d’importance historique nationale en 1966, et sénatrice honoraire en 2009.
Jeunesse
Irene Marryat est la fille aînée du colonel Ernest Lindsay Marryat. Née à Londres, en Angleterre, où elle passe une partie de sa jeunesse, Irene Parlby déménage en Inde à l’âge de 13 ans, lorsque son père y est posté. Elle fréquente des écoles privées en Suisse et en Allemagne. Malgré la suggestion et le soutien de son père, elle n’étudie pas en médecine. Elle s’intéresse plutôt à l’écriture et au théâtre.
Pendant un certain temps, Irene Parlby voyage en Europe. En 1896, elle rend visite à des amis dans la région de Buffalo Lake, dans les Territoires du Nord-Ouest (ultérieurement l’Alberta). En 1896, peu après son arrivée, elle fait la rencontre de Walter Parlby, diplômé d’Oxford, qui a immigré au Canada pour y rejoindre son frère qui est agriculteur vivant tout près de la ville d’Alix, en Alberta. Irene et Walter se marient en 1897.
Une fois installée dans sa nouvelle maison à Alix, Irene Parlby découvre que la vie à la ferme dans les Prairies lui plaît beaucoup. Le Canada rural est considérablement différent de l’endroit d’où elle vient. En 1899, elle donne naissance à un fils, Humphrey.
United Farm Women of Alberta
Walter Parlby participe activement aux activités des Fermiers unis de l’Alberta (FUA). Il est élu président de la section locale d’Alix en 1909. En 1913, Irene Parlby rejoint les rangs de l’Alix Country Women’s Club et en est nommée secrétaire. Elle dira ceci de son rôle au sein du club : « J’étais loin de me douter, lorsque j’ai accepté ce poste, que je franchissais le premier pas qui allait me plonger dans de nombreuses années de vie publique, ce pour quoi je n’avais aucune ambition à l’époque. »
L’une des premières initiatives d’Irene Parlby avec le Women’s Club est la mise sur pied d’une bibliothèque locale. Ceci est rendu possible grâce aux dons des lecteurs du London Spectator. Ceux-ci ont vu les publicités pour des livres qu’Irene Parlby a publiées dans le journal.
En 1913, Irene Parlby organise la première section locale féminine des Fermiers unis de l’Alberta (FUA). Elle est élue présidente de la UFA Women’s Auxiliary en 1916. En tant que présidente, Irene Parlby joue un rôle déterminant dans la transformation de cet auxiliaire pour en faire une organisation indépendante nommée les Fermières unies de l’Alberta (UFWA). Dans ce nouveau rôle, elle voyage à travers la province. Elle fait appel à de meilleurs soins de santé et services sociaux, de même qu’à de meilleures écoles et bibliothèques pour les familles rurales. (Irene Parlby sera présidente jusqu’en 1920.)
En 1916, Irene Parlby présente un exposé lors d’une convention conjointe des Fermiers et des Fermières à Calgary, il est intitulé Women’s Place in the Nation (la place des femmes dans la nation). Dans cet exposé, elle soutient que les femmes doivent s’insérer dans tous les domaines de la société.
Avec d’autres grandes militantes féministes albertaines, dont Louise McKinney, Henrietta Edwards et Emily Murphy, Irene Parlby contribue à faire adopter la Dower Act à l’Assemblée législative de l’Alberta en 1917. (Voir aussi Douaire.) Cette loi est une pièce législative essentielle qui protège les droits de propriété des femmes mariées. (voir aussi Irene Parlby et United Farmers of Alberta.)
Le conseil d'administration de United Farmers of Alberta en 1919. Irene Parlby est assise au premier rang, troisième à partir de la droite.
« Ministre des femmes »
Les FUA deviennent un parti politique en 1921. Le Parti vise à réglementer le commerce du grain et s’oppose à la privatisation des transports tout en soulignant également d’autres enjeux de la province de l’ouest.
Irene Parlby est nommée candidate pour les FUA dans le district de Lacombe. Il est dit qu’elle aurait accepté de se présenter uniquement parce qu’elle croyait que les FUA avaient peu de chances de gagner. Elle décrit la campagne qui s’ensuit comme « empreinte de méchanceté ». Elle raconte que : « la seule chose qui semblait préoccuper mes adversaires était le fait que je sois une femme, et pire encore une Anglaise qui, bien qu’immigrée dans l’ouest du Canada lorsque la région était encore sauvage, ne pouvait d’aucune façon savoir quoi que ce soit à son sujet ! »
Le 18 juillet 1921, les FUA remportent la majorité à l’Assemblée législative de l’Alberta, et Irene Parlby est élue députée de son district.
Le premier ministre Herbert Greenfield nomme Irene Parlby au cabinet, faisant d’elle la deuxième femme de tout l’Empire britannique à occuper un tel poste. (La première étant Mary Ellen Smith, élue à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique quelques mois plus tôt.) Irene Parlby est nommée ministre sans portefeuille, et a la responsabilité spéciale de conseiller le gouvernement sur les questions présentant un intérêt particulier pour les femmes et les enfants. Cependant, elle ne dispose ni d’un mandat ni d’un budget pour prendre quelque mesure que ce soit. Connue sous le nom populaire de « ministre des femmes », Irene Parlby est particulièrement active sur les questions liées aux soins de santé, à l’amélioration des salaires pour les travailleuses, et aux droits de propriété des femmes mariées.
Les électeurs de Lacombe ramènent à nouveau Irene Parlby à ses fonctions en 1926, puis encore une fois en 1930. Pendant les 14 années qu’elle passera à l’Assemblée législative de l’Alberta, sa persévérance et sa patience lui servent bien. Comme elle l’a dit un jour : « on ne provoque pas l’évolution avec de la dynamite. »
Lois relatives aux droits des femmes
En tant que « ministre des femmes », Irene Parlby parraine l’adoption réussie de lois relatives au salaire minimum pour les femmes, aux allocations pour les mères de famille et aux améliorations à la Dower Act et la Official Guardian Act. Elle plaide en faveur de soins dentaires et médicaux mobiles, et d’hôpitaux municipaux.
Les projets de loi présentés par Irene Parlby ne se sont pas tous concrétisés. En 1925, elle présente un projet de loi sur la communauté de biens. Ce projet propose que tous les biens acquis par une femme avant son mariage, ou obtenus en héritage ou en cadeau, restent au nom de cette femme. Il stipule également que tous les autres biens acquis pendant le mariage doivent demeurer des biens communs. Ce projet de loi est considéré comme trop radical, et il échoue. (Voir Droit des biens.)
Irene Parlby a bonne réputation sur la scène politique. Près d’une vingtaine de lois concernant le bien-être des femmes et des enfants sont adoptées au cours de son mandat. Pour cette raison, certains la surnomment « ministre de la Coopération ».
Le premier caucus législatif de United Farmers of Alberta à l'été 1921. C'était la réunion au cours de laquelle Herbert Greenfield a été choisi comme premier ministre provincial. À droite, Richard Reid, qui deviendra lui-même le premier ministre provincial. À gauche, au chapeau blanc, se trouve Irene Parlby, la première femme ministre de l'Alberta.
L’affaire « personne »
En août 1927, Emily Murphy, première femme juge au Canada, invite Irene Parlby, Henrietta Edwards, Louise McKinney et Nellie McClung à une réunion à son domicile d’Edmonton. Emily Murphy a soigneusement rédigé une pétition, qu’elle souhaite présenter à la Cour suprême du Canada, concernant l’interprétation du mot « personne » dans l’Acte d’Amérique du Nord britannique (maintenant appelée Loi constitutionnelle de 1867). À l’époque, les femmes ne sont pas incluses dans la définition du mot « personne » en vertu de la Constitution.
Emily Murphy et les autres femmes signent la pétition. La signature d’Henrietta Edwards apparaît en premier et donc l’affaire est appelée Edwards c. Procureur général du Canada. La pétition demande à la Cour suprême si le mot « personne » utilisé dans l’article 24 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 inclut les femmes. Si la loi considère les femmes comme des personnes, la Constitution doit donc permettre la nomination de femmes au Sénat.
En rendant son jugement le 24 avril 1928, la Cour suprême rejette la requête. Les femmes, d’abord surnommées les « Alberta Five » (les cinq Albertaines), et plus tard les Cinq femmes célèbres, portent leur demande devant le Comité judiciaire du Conseil privé en Angleterre (la cour d’appel du Canada la plus importante à l’époque, et ce jusqu’en 1949).
Le 18 octobre 1929, après de longues délibérations, le Conseil privé infirme la décision de la Cour suprême. Il conclut que le mot « personne » utilisé dans l’article 24 inclut effectivement les femmes, et qu’elles sont donc admissibles à être convoquées et à être nommées au Sénat du Canada. Lord John Sankey, qui prononce le jugement au nom du Conseil privé lors de ce qui deviendra connu comme l’« affaire personne » fait également remarquer que « l’exclusion des femmes de toute charge publique est un vestige d’une époque plus barbare que la nôtre […] et aux personnes qui se demandent si le mot [personne] doit comprendre les femmes, la réponse est évidente : pourquoi pas ?? ».
Eugénisme
Comme les autres membres des Cinq femmes célèbres, Irene Parlby est critiquée pour son élitisme et son racisme, ainsi que pour son soutien envers le mouvement eugénique. L’eugénisme est une pseudoscience qui adhère à l’idée que la population humaine peut être améliorée grâce au contrôle de la reproduction. Plusieurs personnalités canadiennes influentes, comme J. S. Woodsworth, le docteur Clarence Hincks, et Thomas Douglas, soutiennent les idées eugéniques du début des années 1900. (Voir aussi Thommy Douglas et l’eugénisme.) Ils font la promotion à la fois de l’eugénisme « positif » (promotion de la procréation entre les membres « sains » de la société) et « négatif » (découragement de la procréation par ceux considérés « non sains »). Les eugénistes prétendent que les « déficients mentaux » et les « faibles d’esprit » sont prédisposés à l’alcoolisme, à la promiscuité, aux maladies mentales, à la délinquance et aux comportements criminels, et qu’ils constituent donc une menace à la structure morale de la communauté. Ces préoccupations mènent à l’accroissement du soutien pour une législation eugénique, y compris la stérilisation des « défectueux ».
Irene Parlby appuie l’adoption de la Sexual Sterilization Act (loi sur la stérilisation sexuelle), alors qu’elle est ministre au cabinet de l’Alberta. En 1924, dans un discours prononcé pour les membres des Fermières unies de l’Alberta, Irene Parlby pose une question sur la pratique agricole normale de l’abattage sélectif du troupeau pour ne garder que les meilleurs animaux : « pourtant, lorsqu’il s’agit de la race humaine, nous permettons l’accouplement des individus les plus malades et imparfaits, à la fois mentalement et physiquement ?! »
Irene Parlby, comme plusieurs autres, croit que les procédures de stérilisation pourraient prévenir d’autres problèmes, et donc la Sexual Sterilization Act est adoptée. La législation est promulguée en 1928 et abrogée en 1972. Durant cette période, des milliers de personnes jugées « psychotiques » ou « déficientes mentales » subissent une stérilisation forcée. Un nombre disproportionné de ces personnes sont des femmes autochtones. (Voir aussi Stérilisation des femmes autochtones au Canada.)
Société des Nations
En 1930, le premier ministre R.B. Bennett nomme Irene Parlby comme l’une des trois délégués canadiens qui participeront à la réunion de la Société des Nations à Genève, en Suisse. La Société des Nations est mise sur pied en 1919 après la Première Guerre mondiale, et a pour objectif de prévenir la guerre au moyen de la négociation, du désarmement et du concept de sécurité collective. La Société des Nations sera remplacée par les Nations Unies après la Deuxième Guerre mondiale.
Fin de vie
À l’approche des élections de 1935, Irene Parlby décide de ne pas se présenter pour un quatrième mandat. Elle s’installe dans le confort de sa demeure. Elle prend soin de sa famille et continue de défendre l’amélioration des conditions des femmes. Au cours de cette même année, l’Université de l’Alberta lui décerne un doctorat honorifique en droit pour ses nombreuses années consacrées à son conseil des gouverneurs. Irene Parlby est la première femme à recevoir un doctorat honorifique de l’Université de l’Alberta.
Legs
Le gouvernement du Canada reconnaît Irene Parlby comme une personne d’importance historique nationale en 1966. Cette décision s’appuie non seulement sur le rôle qu’elle a joué dans l’affaire « personne », mais aussi sur le travail qu’elle a accompli en tant que députée provinciale de l’Alberta, et sur ses années de service remarquable dans les domaines de « l’éducation, des services sociaux et de la réforme législative ». En octobre 2009, soit 80 ans après l’affaire « personne », le Sénat du Canada vote pour décerner aux Cinq femmes célèbres le statut de sénatrices honoraires. C’est la première fois que le Sénat accorde une telle distinction.
Voir aussi : Conseil national des femmes du Canada; Mouvements de femmes au Canada; Condition féminine; Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada; Le Conseil du statut de la femme; Femmes et loi; Organisations féminines.