Journaliste et animatrice
Fille de Fernand Ouimet et de Cécile Chartier, elle fait ses études au Pensionnat de Ste-Angèle à Montréal où elle décroche un diplôme de Lettres-Sciences (1949). En 1951, elle épouse le journaliste André Payette et entreprend en 1954 une carrière radiophonique dans diverses stations à Trois-Rivières, à Rouyn-Noranda, à Québec et à Montréal.
Lors d’un séjour de six ans en France (de 1958 à 1964), elle écrit depuis Paris pour le magazine Châtelaine, le Nouveau Journal, le Petit Journal, La Patrie et La Presse. Elle anime également aux côtés de Martine de Barsy l’émission Interdit aux hommes dans le cadre de laquelle elle réalise des entrevues avec de nombreuses personnalités européennes comme Jean Rostand, François Mauriac, Simone Veil, Françoise Sagan, Romain Gary, Louis Aragon, Catherine Deneuve, Jean-Paul Belmondo, Tino Rossi, Alain Delon, Gilbert Bécaud et Charles Trenet.
De retour à Montréal, elle anime tous les matins à l’antenne de la Société Radio-Canada (SRC) l’émission Place aux femmes (1965-1970) au cours de laquelle elle aborde sans détour, des sujets aussi délicats pour l’époque que le divorce, la violence familiale et conjugale et la maternité non désirée ou encore les obstacles rencontrés par les femmes aux études supérieures et à leur exclusion des sphères du pouvoir. Diffusée dans une période d’ébullition sociale et culturelle, Place aux femmes a permis de sensibiliser les Québécois(es) à des problèmes partagés et à mettre à l’avant-scène la question de l’égalité des sexes. Cette émission est aujourd’hui considérée comme le premier magazine féministe de Radio-Canada.
En parallèle, elle anime tant sur le réseau français qu’anglais de Radio-Canada, les émissions Easy,Sunday at the Fair,D'un jour à l'autre,Le temps des sauterellesetStudio 11.De 1972 à 1975, elle fait le saut à la télévision de Radio-Canada et prend la barre d’un talk-show de fin de soirée intitulée Appelez-moi Lise. Cette émission qui connaît un grand succès contribue à la faire connaître à un public plus large. En 1975, elle préside le Comité des fêtes nationales du Québec (voir Fête de la Saint-Jean) et adhère au mouvement souverainiste.
Carrière politique
Personnalité respectée et écoutée, elle défend et contribue à faire connaître à la population les grandes revendications du féminisme québécois et encourage les femmes à prendre leur place dans l’arène publique. Aussi, à l’élection provinciale de 1976, L. Payette décide de franchir le pas et propose à René Lévesque de se présenter pour le Parti québécois. Ce dernier accepte et lui offre la circonscription de Dorion.
Élue le 15 novembre 1976, elle devient ministre des Consommateurs, des Coopératives et des Institutions financières (1976-1979). Son mandat est marqué par la mise sur pied d’un régime d’assurance automobile en vertu duquel les victimes d’accidents sont indemnisées sans égard à la faute (no-fault) et la création de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Selon elle, c'est sous son initiative que le slogan « Je me souviens » remplace celui de « La Belle province » sur les plaques d’immatriculation; cependant, cette affirmation est contestée. Elle pilote la réforme de la Loi sur la protection du consommateur et la création du Secrétariat à la Condition féminine.
Le 21 septembre 1979, elle devient la première ministre d’État à la Condition féminine, ministère que Lévesque crée pour elle. Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, elle a pour mission de défendre au Conseil des ministres et au Comité des priorités du gouvernement l’ensemble des dossiers concernant les femmes. Elle met sur pied des bureaux de la condition féminine dans les différents ministères, dont le ministère du Travail et participe à la mise en application d’une première politique sur la condition féminine proposée par le Conseil du statut de la femme (Pour les Québécoises : égalité et indépendance). L. Payette travaille à l’obtention de meilleurs services de garde et de garderies ainsi qu’à la création des congés de maternité, d’un régime de pensions alimentaires et de centres d’aide aux femmes en difficulté.
Elle collabore activement à une importante réforme du droit de la famille qui modifie en profondeur le Code civil, notamment en ce qui a trait à la reconnaissance de l’égalité des conjoints dans la direction morale et matérielle de la famille. Les hommes et les femmes ont donc non seulement les mêmes droits, mais aussi les mêmes obligations; les femmes ne sont dorénavant plus soumises à l’autorité de leur mari (puissance maritale en termes juridiques). À partir de novembre 1980, elle cumule également le poste de ministre d’État au Développement social.
Controverse : l’affaire des Yvettes
Le 8 mars 1980, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, Lise Payette dénonce à l’Assemblée nationale, les stéréotypes sexuels qui ont encore cours dans les manuels scolaires québécois. Ainsi, le petit garçon, appelé Guy, pratique des sports et aime la compétition, alors que la petite fille, prénommée Yvette, aide au soin de la maison et est bien obéissante. Le lendemain, lors d’une réunion partisane, L. Payette revient sur le fait que les manuels scolaires incitent les femmes à demeurer soumises et conformes au modèle de la ménagère. Elle déclare que Claude Ryan, leader du camp du Non et chef du Parti libéral du Québec, souhaite que les femmes demeurent des Yvettes et ajoute : « d’ailleurs, il est marié à une Yvette ».
Cette déclaration maladroite et pour laquelle, elle s’excuse publiquement à l’Assemblée nationale, va créer de vives réactions. Dans les pages éditoriales du Devoir, Lise Bissonnette critique le fait qu’elle s’est attaquée à un chef politique en visant sa femme et qu’en tant que ministre de la Condition féminine, L. Payette se doit défendre toutes femmes, « auxquelles elle doit apporter le plus possible d’égalité ». Les militantes du Parti libéral ne tardent pas à exploiter la bévue de la ministre et mettent sur pied un « Brunch des Yvettes » à Québec, suivi de plusieurs autres, dont celui de Montréal qui attire plus de 15 000 militantes du camp du Non.
Si certains observateurs ont vu là une scission dans le mouvement des femmes au Québec, l’étude du contenu des discours prononcés par les conférencières, parmi lesquelles figurent des militantes féministes comme Thérèse Casgrain, Solange Chaput-Rolland et Monique Bégin, montre bien que ceux-ci sont muets sur la situation des femmes et les débats féministes. Ils sont au contraire centrés sur l’option du Non, car l’objectif de ces rassemblements d’« Yvettes » est justement de permettre aux partisanes du Non de manifester leur opinion politique. Le 20 mai 1980, le Non remporte d’ailleurs le référendum sur la souveraineté-association du Québec avec près de 59,56 % des suffrages.
Auteure pour la télévision et journalisme
Après avoir été le point de mire dans l’affaire des Yvettes, L. Payette ne sollicite pas de deuxième mandat auprès de ses électeurs et se retire de la vie politique. Dans les années 1980 et 1990, elle se consacre à l’écriture de téléromans, dont La bonne aventure, Les Dames de cœur, Un signe de feu et Les Machos qui remportent tous un immense succès. En 1992, elle met sur pied sa propre maison de production, Point de Mire, dont elle assure la présidence jusqu’en 2003.
À partir de 2004, elle tient une chronique dans le Journal de Montréal, puis à partir de 2007, dans Le Devoir. Elle a aussi écrit les paroles de la chanson Je cherche l’ombre pour l’album D’elles de Céline Dion.
Héritage
Avec près de 10 000 entrevues à son actif, cette grande communicatrice a profondément marqué la radio et la télévision québécoise. Porte-parole déterminée de la cause des femmes, elle n’a pas hésité à faire le saut en politique afin de faire avancer la question de leurs droits juridiques. C’est aussi à elle qu’on doit la féminisation des titres au Québec, car dès son arrivée en poste, elle insiste pour se faire appeler LA ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Celle qui a si souvent dérangé et bousculé par les thèmes abordés dans ses entrevues, ses textes et ses interventions à l’Assemblée nationale, a largement contribué à mettre au centre du débat public la question de l’égalité entre les hommes et les femmes.
En 2014, sa petite-fille Flavie Payette-Renouf et Jean-Claude Lord réalisent un documentaire intitulé Lise Payette, un peu plus haut, un peu plus loin sur son héritage social et politique. En avril 2015, à l’occasion des 75 ans de l’obtention du droit de vote des femmes au Québec, Madame Payette participe en compagnie d’autres personnalités politiques et médiatiques au documentaire 75e, elles se souviennent.
Les archives de L. Payette sont conservées au Centre d’archives du Vieux-Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Prix et récompenses
- Femme de l’année, L’Association des femmes en communications (Canadian Women in Communications) (1994)
- Prix Florence-Bird, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (1997)
- Prix Gémeaux Hommage (1998)
- Grand prix de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision (1998)
- Médaille d’or du Mouvement national des Québécois et des Québécoises (2000)
- Officier de l’Ordre national du Québec (2001)
- Prix Réalisations, Réseau des femmes d’affaires du Québec (2003)
- Doctorat honoris causa (études féministes), Université du Québec à Montréal (2009)
- Prix Pierre-Vadeboncœur, Confédération des syndicats nationaux (2012)
- Prix Guy-Mauffette, Prix du Québec (2014)
Publications
- Témoins de notre temps (Éditions du Jour, 1970)
- Recettes pour un homme libre (Éditions du Jour, 1971)
- On l’appelle toujours… Lise (Éditions La Presse, 1975)
- Le pouvoir? Connais pas! (Québec Amérique, 1982)
- La Bonne aventure (Québec Amérique, 1986)
- Le chemin de l’égalité (Fides, 1996)
- Des femmes d’honneur : une vie privée, 1931-1968 (Libre expression, 1997)
- Des femmes d’honneur : une vie publique, 1968-1976 (Libre expression, 1998)
- Des femmes d’honneur : une vie engagée, 1976-2000 (Libre expression, 1999)
- Le mal du pays (Lux Éditeur, 2012)
- Des femmes d’honneur (Québec Amérique, 2014)