Pelletier, (Jean) Romain-Octave I (Octave)
(Jean) Romain-Octave I (Octave) Pelletier. Organiste, pianiste, compositeur, pédagogue, musicographe (Montréal, 9 septembre 1843 - 4 mars 1927). D.Mus. h.c. (Montréal) 1919. Très jeune, il fit preuve d'une grande facilité auditive, corrigeant les fautes de ses deux soeurs qui étudiaient le piano. À 11 ans, il fut placé au collège de Montréal où il toucha l'orgue sans même connaître la musique. Incapable un jour de lire la partition qu'on lui donna, il décida d'apprendre la musique. Sa formation fut surtout celle d'un autodidacte, mis à part quelques leçons avec son frère aîné Orphir (Montréal, 7 septembre 1825 - 1855), organiste à l'église Saint Patrick's et auteur d'un O Salutaris Hostia publié dans l' Album littéraire et musical de la Revue canadienne (février 1846). À 15 ans, Romain-Octave devint organiste de la cathédrale Saint-Jacques-le-Majeur (1857-67), succédant ainsi à J.-C. Brauneis II. Il poursuivit en même temps ses études de droit. Reçu notaire à 21 ans, il exerça très peu cette profession. Un des quelques contrats qu'il passa fut celui du mariage de Rosita del Vecchio au violoniste Frantz Jehin-Prume (1866). Il avait connu ce dernier dès son arrivée à Montréal l'année précédente et avait donné quelques concerts avec lui comme pianiste-accompagnateur. Il fit ensuite un séjour à Hartford, Conn. (v. 1866-67), où il fit la connaissance de l'organiste Samuel P. Warren. À son retour, il devint organiste à l'église Saint-Jacques-le-Mineur, rue Saint-Denis (1867-75). Il étonna et choqua même le clergé et les fidèles en exécutant des oeuvres de Bach et de Mendelssohn, compositeurs « protestants » jugés trop austères. À la suite de son mariage (1869), il gagna difficilement sa vie avec des leçons de piano et d'orgue. Il fit ensuite un séjour en Europe (1871-72), se rendant d'abord à Londres où il prit quelques leçons avec George Cooper, William Thomas Best et John Baptiste Calkin. À Paris, il reçut les conseils d'un nommé Lebel, organiste à Saint-Étienne-du-Mont et, à Saint-Sulpice, il joua des oeuvres de Bach en présence de Widor. Il prit quelques leçons de piano avec Antoine-François Marmontel puis travailla à Bruxelles avec l'organiste Lemmens. À son retour, il recommença à enseigner et, dans les années qui suivirent, il fut appelé à inaugurer de nombreux instruments que Casavant installa au Canada et aux États-Unis. Il fut nommé prof. de solfège à l'École normale Jacques-Cartier (1876) et il y resta pendant 31 ans. Il reprit son poste à la cathédrale Saint-Jacques-le-Majeur (1887-1923) dont il était titulaire au moment de l'inauguration du temple actuel au square Dominion en 1894. En 1900, il se rendit de nouveau en Europe, cette fois en compagnie des frères Casavant. À Paris, il fit la connaissance de Guilmant et de Gigout. En 1904, à l'ouverture du McGill Cons., il fut nommé prof. de piano.
R.-O. Pelletier fut prés. de l'AMQ (1884-85, 1894-95, 1902-04, 1909-10, 1915-16) et il enseigna dans de nombreuses institutions dont l'Institut pédagogique, le couvent du Mont Sainte-Anne, l'Institut Nazareth et le couvent des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie. La liste de ses élèves est prestigieuse : Alcibiade Béique, Victoria Cartier, Claude Champagne, Édouard Clarke, Alexandre-M. Clerk, Jean Dansereau, Joseph-Daniel Dussault, Nicholas Eichorn, Septimus Fraser, J.-J. Gagnier, Alfred La Liberté, Alfred Lamoureux, Alphonse Lavallée-Smith, Émery et Ernest Lavigne, Albertine Morin-Labrecque, Antonio Létourneau, Clarence Lucas, Joseph Piché, William Reed, Léon Ringuet, Amédée Tremblay, etc.
Essentiellement un improvisateur, il a relativement peu écrit. Deux messes et des motets pour Saint-Jacques ont été détruits. Signalons Dix petits morceaux pour l'orgue op. 3 (G. Schirmer 1870; PMC, vol. IVa); Six pièces d'orgue (possiblement publiées chez G. Schirmer, mais introuvables); Accompagnement du nouveau manuel de chants liturgiques de l'abbé [Cléophas] Borduas, pour orgue (Eusèbe Sénécal 1889, Imprimerie moderne 1903), ouvrage hautement loué par Guillaume Couture; Quatre Noëls anciens pour choeur et orgue (1890); pour piano, Mécanisme du piano ou Nouvelles études techniques (Lavigne après 1876), une Valse-caprice« à la mémoire de Chopin » (Boucher) et un Scherzo (Écho du cabinet de lecture paroissial, 1er avril 1862; PMC, vol. I); un chant patriotique, « Les Couleurs du Canada » (John Lovell 1860; PMC, vol. VII); la marche Prince Arthur pour piano ou harmonie et une autre pièce pour harmonie, toutes deux jouées au parc Sohmer sous la direction d'Ernest Lavigne; des pièces de piano, d'orgue, des mélodies, etc.
Au cours de sa carrière de pédagogue, Pelletier donna de nombreuses conférences dont plusieurs ont été réunies en volumes, à savoir Le Toucher du pianiste (Montréal 1916), L'Étude de la littérature du piano (Montréal 1920), L'Art pianistique (Montréal 1922), imité de l' Art poétique de Boileau, et Guide du professeur de piano (Montréal 1925). On lui doit aussi de nombreux articles, notamment une série de causeries sur la facture et le jeu de l'orgue parue dans La Revue canadienne (1881-82).
Jouissant de l'estime et de l'admiration de ses contemporains, R.-O. Pelletier doit être considéré comme l'un des artisans les plus tenaces de la musique canadienne à une époque difficile, un véritable initiateur qui, selon Eugène Lapierre, « se condamna à être profond à une époque où la musique en vogue ne l'était point ». L'avenue Octave-Pelletier à Montréal a été nommée en son honneur et un quatuor vocal portant son nom, dirigé par Guillaume Dupuis, fit des enregistrements chez Columbia vers 1918.
Voir aussi Frédéric Pelletier et Romain Pelletier, ses fils, et Romain-Octave Pelletier II, son petit-fils.