Phillip's garden

Géographie unique

Les péninsules de Point Riche et de Port au Choix sont situées là où le détroit de Belle Isle, la bande océanique qui sépare l’île de Terre-Neuve du Labrador, s’élargit dans le golfe du Saint-Laurent. Elles se situent également à l’extrémité nord-est du profond détroit sous-marin d’Esquiman. En plus de ces caractéristiques physiques et d’une foule d’autres éléments géographiques favorables, la région est riche en vie marine.

Plus particulièrement, il s’agit d’un lieu d’alimentation important pour le phoque du Groenland le long de sa route migratoire des eaux arctiques vers ses aires de reproduction dans le golfe du Saint-Laurent. Bien qu’il existe des variations entre les différentes sous-populations et les années, les phoques du Groenland passent l’été dans les eaux arctiques, parfois aussi loin au nord qu’au nord du Groenland et de l’île d’Ellesmere, pour se nourrir et accumuler de la graisse. À l’automne et au début de l’hiver, ils migrent vers le sud, le long de la côte du Labrador en direction du détroit de Belle Isle et du golfe du Saint-Laurent, pour se reproduire. Ils retournent éventuellement dans les aires d’alimentation de l’Arctique au début de l’été.

La péninsule de Point Riche est la partie terrestre la plus proche de cette route de migration des phoques du Groenland, ce qui en fait un endroit idéal pour l’habitation et la chasse aux phoques des Dorset, qui sont des chasseurs et cueilleurs adaptés à la vie marine. C’est pendant les cycles de migration d’automne et surtout du printemps que les Dorset chassent le plus intensément les phoques à Phillip’s Garden.

Site archéologique

La présence des Dorset dans la région de Phillip’s Garden est répartie sur trois sites archéologiques différents : le Phillip’s Garden Est, le Phillip’s Garden Ouest et le Phillip’s Garden lui-même. Le Phillip’s Garden Est et le Phillip’s Garden Ouest présentent les premières traces de présence humaine dans la région il y a environ 2800 ans, à commencer par les Groswater, un sous-groupe régional des Dorset (Tuniit) (voir Répartition géographique de la culture Dorset). Le Phillip’s Garden est situé entre ces deux autres sites, dans une prairie côtière d’environ deux hectares. Au total, ce site compte au moins 160 éléments de maisons confirmées. Le site est étudié depuis les années 1950. Mais compte tenu de sa taille, seule une petite fraction de toutes les maisons identifiées fait l’objet de fouilles complètes. Presque toutes ces maisons sont semi-souterraines, et plusieurs présentent des aménagements intérieurs complexes en pierre. Ces aménagements intérieurs en pierre, qui sont sur toute la longueur de la maison et divisent l’espace intérieur en deux, ressemblent aux « passages axiaux » ou « passages intermédiaires » qu’on retrouve sur d’autres sites du Dorset. Ces types d’éléments architecturaux sont polyvalents et constituent des lieux centraux pour l’entreposage, la cuisine et le chauffage. Bien que des cercles de tentes de construction légère existent sur le site, ces maisons semi-souterraines sont plus typiques des maisons dans lesquelles les Dorset vivent de l’automne au printemps. Même si des maisons comme celles-ci sont également vues sur d’autres sites du Dorset dans l’Arctique, Phillip’s Garden est unique en raison du nombre de maisons sur un seul site. Plus important encore, ces maisons n’ont pas été utilisées toutes en même temps, et les maisons identifiées représentent plusieurs différents siècles d’utilisation. Il est même probable qu’il existe des phases ou des maisons antérieures, comme celles construites par les Groswater, que les phases d’occupation ultérieures ont effacées.

Quand les gens ont-ils vécu à Phillip’s Garden?

Les riches ressources marines autour de cette zone font de la région de Port au Choix un lieu important d’habitation humaine depuis que les premiers peuples connus, que les archéologues appellent peuples de l’Archaïque maritime, sont arrivés dans la région il y a près de 6500 ans. Plus précisément, la première occupation autour de Phillip’s Garden commence il y a près de 3000 ans avec les Groswater. Les groupes Dorset habitent la région en permanence jusqu’à il y a environ 1200 ans (800 de notre ère), époque où le site est abandonné. À cette époque, les Dorset disparaissent également complètement de Terre-Neuve et d’une grande partie du centre et du sud du Labrador.

Bien que certains des matériaux excavés suggèrent une présence contemporaine des Groswater sur les sites des Phillip’s Garden Est et Ouest, tous les éléments des maisons semblent avoir été construits par des groupes Dorset ultérieurs, à partir d’il y a environ 2000 ans. Les Dorset vivent à cet endroit pendant près de 800 ans avant d’abandonner le site il y a environ 1200 ans (800 de notre ère). Malheureusement, on ne sait pas exactement pourquoi les Dorset ont abandonné le site. Les analyses environnementales démontrent une tendance générale de réchauffement au cours des deux derniers siècles de présence des Dorset sur le site. Cela aurait provoqué des perturbations majeures de l’étendue de la glace de mer dans la région, ce qui aurait rendu la chasse au phoque du Groenland de plus en plus difficile pour les Dorset. Ils abandonnent apparemment toute l’île de Terre-Neuve à cette époque, mais ils continuent à vivre dans l’Arctique et dans certaines parties du Labrador jusqu’à il y a environ 700 à 800 ans.

Les vestiges archéologiques de Phillip’s Garden démontrent une utilisation complexe du site, les groupes dorsétiens visitant probablement le site au moins une fois par année pour participer à une chasse au phoque printanière. Cependant, des preuves émergentes montrent que les phases d’occupation du site étaient probablement plus complexes et qu’elles ont changé au fil du temps, ce qui suggère que les Dorset vivaient sur le site même en dehors de la saison de la chasse au phoque.