Il y a plus de 400 millions d'années, au cours des périodes silurienne et dévonienne, la tectonique des plaques transportait lentement ce qui est maintenant le Canada vers le nord, à travers l'équateur. À cette époque, alors que le Canada était dans les tropiques, les plus anciennes plantes terrestres établissaient la première végétation et préparaient le terrain pour la colonisation de la terre par les animaux. Cet épisode dans l'histoire de la terre en fut une de transformation, les paysages dénudés des temps anciens faisant place à la riche tapisserie d'écosystèmes terrestres que nous habitons.
Les anciennes plantes terrestres de l'Est canadien sont depuis longtemps connues grâces aux travaux pionniers de Sir. J. William Dawson, père de la paléobotanie dévonienne et Directeur de l'Université McGill de 1855 à 1893. Toutefois, ces travaux ne couvraient pas vraiment la première phase de la colonisation terrestre. Le premier indice suggérant que des fossiles plus anciens étaient préservés dans les îles lointaines de l'Arctique canadien est apparu sous forme de fragments trouvés sur l'île Bathurst en 1955, pendant l'expédition de la Commission géologique du Canada (CGC), connue sous le nom de « Opération Franklin ». Le Dr Francis Hueber, qui faisait alors partie du CGC, a été le premier à décrire ces fossiles en 1972. Cependant, il n'en fut plus ensuite question jusqu'à ce que le CGC renouvelle son intérêt pour l'île dans les années 1990. L'exploration de l'île Bathurst entre 1993 et 1996 a rapporté le plus grand nombre de plantes fossiles vraiment anciennes de l'Amérique du Nord, et l'une des plus belles collections au monde.
La plupart des plantes fossiles de l'île Bathurst datent du Pragien ou du Dévonien inférieur (il y a entre 411 et 407 millions d'années environ), bien que certaines remontent au Silurien supérieur (il y a entre 423 et 416 millions d'années) et figurent parmi les plus vieilles plantes jamais connues. À cette époque, le monde était vraiment différent. Les plantes étaient petites, pas beaucoup plus hautes qu'une cheville, et se reproduisaient seulement par des spores, puisque les graines n'avaient pas encore évolué. La plupart des plantes n'avaient pas de feuilles mais seulement des tiges vertes, et les racines commençaient seulement à se former en tant que système organique distinct. Aucune des plantes n'avaient de ce qu'on appelle du bois et toutes semblaient être « herbacées », molles et vulnérables. Il est probable qu'elles ne s'étendaient pas au-delà d'habitats humides favorables. Leur localisation dans le paysage explique probablement pourquoi elles sont si rares à travers le monde.
La majorité de la flore de Bathurst appartient à un groupe éteint connu sous le nom de « zostérophylles ». Ceux-ci sont de loin apparentés aux lycopodes d'aujourd'hui (Lycopodium), survivants d'une lignée très anciennes appelée « lycophytes ». Les lycopodes sont présents partout à travers le monde, incluant dans les forêts canadiennes et, lorsqu'on les trouve en marchant à genou, ils nous font entrevoir un monde primitif.
La plupart des zostérophylles de l'île Bathurst étaient des tiges nues d'environ 10-20 cm de haut, apparaissant en touffes et se terminant par un bouquet de petits sporanges. Un des types, appelé Bathurstia, était un géant de son temps avec ses tiges mesurant jusqu'à un cm de largeur et son 30 cm de hauteur. Envahisseur robuste et agressif, ses tiges produisaient librement des plantes miniatures tout en se propageant sur le sol. Un lycophyte apparenté dans la flore de Bathurst est le Drepanophycus, l'une des premières plantes avec de vraies feuilles. Les tiges, couvertes de fines feuilles semblables à de la soie, étaient trop faibles pour se supporter elles-mêmes et drapaient le sol.
Bien que les lycophytes aient dominé la flore ancienne de l'île Bathurst, ils ont depuis été éclipsés par les conifères, les plantes à fleurs et les fougères. Ceux-ci sont les descendants d'une lignée différente de plantes de même souche que les lycophytes. Appelés « euphyllophytes », ils étaient d'abord rares et sans conséquence. Un visiteur se promenant dans l'ancien paysage de Bathurst n'aurait jamais pu deviner que ce groupe dominerait un jour la végétation de la Terre. Mais les euphyllophytes sont sortis de l'obscurité et se sont diversifiés dans toutes les espèces que nous connaissons aujourd'hui, poussant ainsi les lycophytes au bord de l'extinction. Dans l'évolution de la vie sur la Terre, on rencontre souvent de tels revirements dans la flore et la faune, alors que les formes de vie dominantes vacillent et disparaissent et sont remplacées par leurs descendants ou par autre chose de totalement inattendu.
Voir aussi Paléontologie.