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Politique de la pêche

Le défi de la politique des pêches est de conserver les stocks de poisson tout en maximisant les avantages économiques que les pêches procurent aux gens de l'industrie, aux collectivités qui en vivent et à l'ensemble du pays.

Politique de la pêche

 La gestion et le développement des pêches est un secteur important de la politique publique. Les pêches côtières et intérieures du Canada sont de compétence fédérale depuis laLOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867, et les pêches sont une entité administrative depuis ce temps, soit comme ministère distinct, soit comme direction au sein d'un autre ministère. En 1979, le gouvernement fédéral a créé le ministère des Pêches et des Océans. Depuis, toutefois, certains domaines des pêches, y compris la transformation du poisson et la formation des pêcheurs, sont de ressort provincial.

Le défi de la politique des pêches est de conserver les stocks de poisson tout en maximisant les avantages économiques que les pêches procurent aux gens de l'industrie, aux collectivités qui en vivent et à l'ensemble du pays. L'industrie des pêches est complexe et difficile à administrer, car elle est composée de nombreux groupes différents aux intérêts souvent contradictoires.

Une partie des difficultés vient de la nature même de la ressource, qui est de « propriété commune » . Comme il n'y a aucun arrangement d'exclusivité sur la propriété du poisson, il s'ensuit une course effrénée à la pêche de stocks limités de poisson. La première priorité de la politique des pêches est le maintien et, si possible, l'expansion de la ressource par l'établissement chaque année d'un quota global ou d'un total de prises admissibles pour les stocks d'espèces distinctes. Cette méthode s'applique en particulier à la gestion des espèces démersales (de fond) et des espèces pélagiques (en haute mer). Pour d'autres pêches, des approches différentes sont adoptées, notamment un échappement nécessaire optimal (saumon) ou une taille légale minimale (homard). Le gouvernement fédéral a également limité le nombre de nouveaux intervenants dans l'industrie des pêches et restreint les permis pour certaines espèces de poisson.

Récemment, la politique fédérale s'est orientée vers l'instauration de quasi-droits de propriété ou d'affectations par entreprise, en vertu desquels chaque entreprise de pêche reçoit son propre quota. Les partisans de cette approche sont d'avis qu'elle contribuera à régler les problèmes de surinvestissement et de concurrence vaine qu'entraîne la ressource de propriété commune.

Au cours des années 60 et au début des années 70, la surpêche par des flottes étrangères de chalutiers-usines appauvrit gravement les stocks de poissons. Après une série de négociations multinationales, un nouveau régime de gestion des pêches entre en vigueur au pays en 1977 : le Canada a dorénavant compétence sur les 200 milles marins (370 km) au large de ses côtes. Le gouvernement fédéral tente ensuite de renverser le déclin des stocks de poisson en réduisant graduellement la pêche étrangère à l'intérieur de la limite de 200 milles, tout en accroissant l'effort du Canada. La croissance subséquente des stocks de morue du Nord au large des côtes du Labrador est l'une des réussites de la gestion des pêches, bien que la croissance a semblé avoir diminué en 1983-1984.

Une partie des stocks de poisson sur lesquels compte l'industrie des pêches canadienne se trouve à l'extérieur de la zone de gestion de 200 milles. Des organismes seront donc mis sur pied pour protéger les stocks des eaux internationales, notamment l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest et la Commission internationale de pêches du Pacifique du Nord. Cela n'empêche pas les problèmes occasionnels entre pays individuels. Ainsi, au début des années 80, le Canada accuse l'Espagne (qui n'a alors pas encore signé le traité d'OPANO) de surpêche juste à l'extérieur de la limite de 200 milles dans une zone connue sous le nom de queue du Grand banc, ce qui mènera à la réduction des échanges commerciaux entre les deux pays.

La limite de compétence autour des îles françaisesSAINT-PIERRE ET MIQUELONau large de la côte sud de Terre-Neuve fait toujours l'objet d'un litige entre le Canada et la France ; par contre, la plupart de différends avec les États-Unis sont réglés. En 1984, la Cour internationale de Justice a ordonné qu'une zone frontalière soit établie dans le golfe du Maine et permis une gestion commune de certaines pêches dans la région. Le Traité sur le saumon du Pacifique de 1985 conclu avec les États-Unis prévoit des innovations en matière de gestion des pêches et comprend les conditions nécessaires au rétablissement des stocks de poisson et au partage des prises.

Dans les années 80, l'industrie des pêches de l'Atlantique et, dans une moindre mesure, celle du Pacifique, connaissent des difficultés économiques profondes. Sur les deux côtes, on prétend qu'il y a trop de bateaux pêchant trop peu de poisson. L'instauration de la limite de 200 milles a incité les pêcheurs et les transformateurs à trop étendre leurs activités en prévision d'une manne qui ne s'est jamais concrétisée. Bon nombre ont non seulement accumulé de lourdes dettes, mais ils sont frappés par des taux d'intérêt extrêmement élevés qui coïncident avec une conjoncture à la baisse sur les marchés mondiaux. En réaction, le gouvernement fédéral crée deux commissions royales (sous la présidence de Peter Pearse et de Michael Kirby, respectivement) pour étudier les pêches dans le Pacifique et dans l'Atlantique.

Les questions liées à la politique diffèrent sur chaque côte. Sur la côte Ouest, les questions les plus importantes sont la conservation, la rationalisation de l'effort, la réduction de la taille des flottes et la stabilisation des marchés. Sur la côte Est, les principales questions concernent l'amélioration de la qualité et donc de la valeur marchande des produits du poisson (en particulier la morue et le hareng), le développement de marchés pour les espèces sous-utilisées abondantes (merlu, maquereau, hareng, gaspareau), une certaine réduction du nombre de pêcheurs, un revenu plus élevé et plus stable pour les pêcheurs, et la création d'un équilibre juste et stable entre l'effort et les flottes intérieures, semi-hauturières et hauturières.

Les recommandations formulées par les deux commissions sont controversées et le resteront. Sur la côte Ouest, Pêches et Océans se heurte à la résistance des pêcheurs dans ses tentatives de mise en oeuvre du programme de la Commission Pearse, qui vise une réduction marquée de la flotte de pêche au moyen d'un régime de redevances et de rachats. Le rapport de la Commission Pearse propose qu'une commission nommée par le gouvernement offre un dédommagement aux titulaires de permis de pêche qui abandonnent volontairement leur permis, réduisant ainsi le nombre total de pêcheurs de saumon et de hareng rogué.

Le rapport Pearse propose que le coût du programme soit partagé entre le gouvernement et le reste des titulaires de permis de pêche, à qui la réduction de la flotte devrait profiter en leur permettant d'augmenter leurs prises individuelles. Des recettes seraient perçues des pêcheurs sous la forme de redevances, qui seraient un pourcentage fixe de la valeur des débarquements de poissons.

Sur la côte Est, un processus de restructuration est mis en branle, notamment par l'injection de fonds publics dans le refinancement de cinq grandes entreprises de pêche hauturière acculées à la faillite. La restructuration donne lieu à la création de deux méga-entreprises, l'une basée à Terre-Neuve, l'autre en Nouvelle-Écosse. L'entreprise de Terre-Neuve appartient aux gouvernements fédéral et provincial, tandis que celle de la Nouvelle-Écosse appartient à des intérêts privés. Le plan de restructuration suscite de vives critiques, surtout parce que rien n'est fait pour aider les pêcheurs indépendants qui sont financièrement pris à la gorge par de fortes hausses de leurs coûts d'exploitation.

Le rôle que devrait jouer au juste le gouvernement dans l'industrie des pêches est une question qui sous-tend une bonne part du débat concernant la restructuration et même la politique des pêches en général. Les transformateurs de poisson souscrivent au principe de l'entreprise privée, alors que les critiques prétendent que l'entreprise privée est la source des crises dans l'industrie des pêches, crises qui ont nécessité l'intervention du gouvernement.

En vertu de la Loi sur le soutien des prix des produits de la pêche, en vigueur depuis les années 40, les programmes gouvernementaux aident à protéger les principaux producteurs contre les fluctuations périodiques que connaissent les marchés des produits primaires, et nombreux sont ceux qui voudraient voir ces programmes élargis. La Norvège, qui compte parmi les principaux concurrents du Canada dans le commerce du poisson, offre des programmes semblables à ses pêcheurs. En 1969, le gouvernement canadien établit l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, une société commerciale d'État formée sur le modèle de la Commission canadienne du blé, en vue de contrôler les exportations de poisson et de produits du poisson d'eau douce en provenance des Prairies canadiennes, des Territoires du Nord-Ouest et du nord de l'Ontario. L'exportation traditionnelle de poisson salé vers les pays de la Méditerranée et des Caraïbes n'est plus ce qu'elle était en raison d'une commercialisation désordonnée par une multitude de petits exportateurs et de la concurrence efficace livrée par la Norvège et l'Islande.

En 1970, en réaction à une initiative du gouvernement terre-neuvien, le gouvernement fédéral établit l'Office canadien du poisson salé, créé sur le même modèle que l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, mais doté d'un mandat légèrement différent. L'Office s'occupe de l'exportation et du commerce interprovincial de la morue salée séchée et d'autres produits semblable en provenance de Terre-Neuve, du Labrador et de la basse Côte-Nord du Québec. Les deux offices sont des entreprises fédérales-provinciales.

Rôle des syndicats

Tandis que, de façon générale, les transformateurs s'opposent à une intervention gouvernementale accrue dans la commercialisation du poisson, la plupart des syndicats qui représentent les pêcheurs et les travailleurs des usines à poisson l'approuvent. De plus en plus de pêcheurs et de travailleurs d'usine à poisson se regroupent en syndicats et autres organisations pour protéger leurs intérêts devant les entreprises et les gouvernements. Les syndicats négocient directement avec les entreprises pour fixer les prix du poisson et la rémunération des travailleurs d'usine, et ils font pression sur les gouvernements pour obtenir des politiques qui leur sont favorables.

En 1908, une des premières formations syndicales est mise sur pied à Terre-Neuve. Il s'agit du Fishermen's Protective Union, créé par WilliamCOAKER. Ce mouvement social et politique vise l'abolition du système de crédit ou de paiement en nature, qui garde les pêcheurs dans un état de semi-servage. En effet, les pêcheurs ne sont jamais payés en argent et c'est le marchand qui leur fournit, à crédit, les produits courants comme la farine et la mélasse. À la fin de la saison, le marchand prend le poisson fumé, calcule sa valeur selon un prix non pas fixé par les pêcheurs mais par les négociants. De cette façon, les pêcheurs sont constamment endettés et totalement à la merci du marchand.

Coaker tente d'obtenir pour les pêcheurs une certaine indépendance financière en créant une compagnie à actionnaires qui exploite des magasins au comptant, où l'on vend des produits courants à des prix non gonflés. Le mouvement de Coaker perdra de sa force après 1919, car, en tant que ministre des Pêches dans un gouvernement de coalition, il tentera sans succès de faire adopter des réformes visant la politique des pêches, notamment la coordination de l'exportation du poisson salé.

Sur la côte Ouest, le principal syndicat de l'industrie des pêches est le United Fishermen and Allied Workers Union, fondé en 1945 et encore de nos jours un agent de négociation efficace pour les pêcheurs et les travailleurs à terre. En Colombie-Britannique toutefois, aucune mesure législative n'accorde aux pêcheurs indépendants le droit officiel de négociation collective. La première province à avoir adopté une loi sur la négociation collective des pêcheurs est Terre-Neuve, en 1971, à la suite des pressions politiques exercées par le Newfoundland Fishermen, Food and Allied Workers Union (NFFAWU), syndicat nouvellement formé.

Le Nouveau-Brunswick a obtenu des droits de négociation collective en 1982, mais la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard n'ont toujours pas adopté de mesure législative permettant la négociation collective pour les pêcheurs autonomes. Le NFFAWU, qui représente quelque 28 000 pêcheurs côtiers, travailleurs de chalutiers hauturiers et travailleurs d'usine de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, est aujourd'hui le plus important syndicat canadien de l'industrie des pêches. Il est affilié à l'Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, qui compte aussi plusieurs sections locales dans l'industrie des pêches au Canada. Le NFFAWU a joué un rôle important dans la hausse des prix du poisson et des salaires, dans l'orientation de la politique publique et dans l'instauration d'avantages sociaux pour les pêcheurs, dont l'indemnisation des accidents du travail.

Les syndicats influencent la politique gouvernementale en ayant des représentants membres de divers comités consultatifs du gouvernement fédéral sur l'établissement des quotas pour les différentes espèces. Ainsi, le NFFAWU a des représentants au Comité consultatif du poisson de fond de l'Atlantique. Lorsque les pêcheurs, d'une part, et les organisations de transformateurs, d'autre part, font des pressions contradictoires pour influencer la politique, ce sont parfois les pêcheurs qui pèsent le plus lourd. Ainsi, la politique gouvernementale permet les ventes directes en mer (auxquelles s'opposent les transformateurs), grâce auxquelles les pêcheurs autonomes qui n'arrivent pas à vendre leurs prises à une usine peuvent les vendre directement à des navires-usines étrangers.

Lorsque les syndicats de l'industrie des pêches se rendent compte que la politique gouvernementale favorise les intérêts des entreprises de poisson, leur dernier recours peut être de mobiliser leurs membres en tenant un scrutin, comme ils l'ont fait avec la campagne de 1984 en faveur de l'unité contre la politique de restructuration d'Ottawa, qui a regroupé sept syndicats différents des provinces de l'Atlantique.