Politique familiale au Québec
En vertu de la Constitution canadienne, la gestion et la responsabilité des services de santé et de bien-être reviennent aux provinces. Cependant, pour assurer l'équité entre ces dernières et une certaine uniformisation de l'aide offerte aux citoyens, le gouvernement fédéral utilise, à partir des années 20, la formule du cofinancement. C'est ainsi que plusieurs programmes à frais partagés sont mis en place au fil des ans. Le Québec montre dès le début de la résistance à partager ses champs de juridiction et se prévaut à l'occasion de son droit de retrait. Parmi les nombreuses mesures associées à la politique familiale, plusieurs reflètent cette interaction entre les paliers fédéral et provincial.
Quelques repères historiques
En 1967, le Québec crée son propre régime d'allocations familiales. Une dizaine d'années plus tard, le gouvernement ouvre des places en garderie puis, en 1979, instaure des allocations de maternité et met en œuvre la Loi sur les services de garde à l'enfance. L'année 1984 marque l'enclenchement d'une série d'actions: publication du Livre vert sur la politique familiale; vaste consultation auprès des personnes et regroupements concernés; et création du Secrétariat à la politique familiale (lequel deviendra plus tard le Secrétariat à la famille). C'est au Secrétariat que revient le soin d'élaborer la politique familiale et veiller à son application à travers différents domaines d'intervention du gouvernement (logement, éducation, loisir, santé, fiscalité, droit, etc.) En 1987, le gouvernement publie l'Énoncé d'orientation en matière de politique familiale et crée, l'année suivante, le Conseil de la famille, organisme consultatif chargé de conseiller le ministre responsable. Le rôle de l'État est dès lors clairement précisé: il s'agit de soutenir les parents qui demeurent les premiers responsables du bien-être de l'enfant.
Les années subséquentes voient l'adoption de trois plans d'action, qui s'échelonnent de 1989 à 1997. Le premier se démarque des deux autres par sa visée nettement nataliste; cette politique, mise en place par les libéraux, ne connaîtra pas le succès escompté. Les plans d'action de 1992 et 1994 font état des problèmes engendrés par la pauvreté et de la difficulté pour les mères - surtout celles qui ont de jeunes enfants - d'intégrer le marché du travail à plein temps.
Les nouvelles dispositions
À l'automne 1996, le gouvernement du Parti québécois annonce trois nouvelles dispositions: instauration d'une nouvelle allocation familiale, développement de services éducatifs et de garde à la petite enfance et création d'un nouveau régime d'assurance parentale. En 1997, le gouvernement crée le ministère de la Famille et de l'enfance et met en branle l'application des mesures proposées.
Le gouvernement accorde son soutien financier par l'entremise de prestations familiales, de mesures fiscales et de différents programmes. Il souhaite ainsi enrayer la pauvreté de certaines familles, particulièrement les familles monoparentales. Son aide se veut une incitation à demeurer sur le marché du travail ou à y retourner. Elle prend plusieurs formes: l'allocation familiale, l'aide fiscale, le supplément de revenu au travail et l'allocation-logement. La nouvelle allocation familiale remplace d'anciens régimes. Elle est établie en fonction de la prestation fiscale canadienne pour enfants, qu'elle vient compléter, afin de répondre aux besoins essentiels des enfants tels que reconnus par la fiscalité. Sur le plan fiscal, les crédits d'impôt non remboursables représentent le volet universel de l'aide aux familles, alors que les crédits d'impôt remboursables visent des situations particulières. La réduction d'impôt à l'égard de la famille s'adresse aux travailleurs à faible ou à moyen revenu qui ont des enfants à charge. Quant au Programme d'aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT) et à l'allocation-logement, ils ciblent les familles défavorisées.
Afin de faciliter la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles, d'encourager la réinsertion professionnelle ou encore de stimuler les enfants défavorisés, le gouvernement implante progressivement, depuis septembre 1997, un réseau de centres de la petite enfance pour les enfants de 0 à 4 ans. Selon les besoins des parents, ces services sont offerts à temps plein ou à temps partiel, en garderie ou en milieu familial, au coût de 5$ par jour, pour un maximum de 10 heures par jour, 261 jours par année. En lien avec la réforme de la sécurité du revenu, les parents bénéficiaires de l'aide de dernier recours ont accès gratuitement aux services de garde, à raison de 23 1/2 heures par semaine. Cette période peut être exceptionnellement prolongée. Quant aux travailleurs à faible revenu bénéficiant du programme APPORT, ils reçoivent un remboursement d'au plus 3$ par jour. Pour un maximum de 5$ par jour, des services de garde sont aussi offerts aux enfants de la maternelle et de l'école primaire, au sein des écoles publiques ou des centres à la petite enfance disposant de places à cet effet. Enfin, la maternelle à plein temps est offerte gratuitement à tous les enfants de 5 ans depuis septembre 1997. On estime que 98,8% des enfants de 5 ans au Québec vont à la maternelle. Depuis septembre 1998, sur l'île de Montréal, la maternelle à temps partiel est proposée aux enfants handicapés de 4 ans ou venant d'un milieu économiquement faible. Le réseau de services de garde ainsi constitué place le Québec à l'avant-garde des provinces canadiennes en cette matière.
Compte tenu de l'évolution du marché du travail, soit la hausse du nombre de travailleurs indépendants et à temps partiel ou d'autres formes d'emploi atypique, le gouvernement a décidé de revoir les congés de maternité et parentaux. Il veut ainsi soutenir et favoriser la naissance ou l'adoption d'un enfant. Mais l'instauration du nouveau régime dépend de négociations avec le gouvernement fédéral en vue du transfert des fonds relatifs aux congés de maternité et aux congés parentaux. Or, cette question fait l'objet d'un litige entre les deux paliers de gouvernement.
Politique familiale ou politique de lutte contre la pauvreté?
La politique familiale québécoise comprend un ensemble de mesures qui visent le mieux-être des familles. Cependant, ces mesures ont varié au cours des décennies selon le contexte économique. Ainsi, on assiste depuis la fin des années 80 à une augmentation de mesures sélectives, qui visent les familles défavorisées, au détriment des mesures universelles. Les compressions budgétaires entreprises par le gouvernement fédéral, notamment la diminution des transferts aux provinces, ont entraîné au Québec une baisse du soutien étatique à l'égard des programmes sociaux. Les nouvelles dispositions de la politique familiale mises en place en 1997 s'inscrivaient dans une perspective très claire, soit l'atteinte du déficit zéro pour l'an 2000. De là les mesures incitatives pour rester sur le marché du travail ou à le réintégrer. Et c'est dans ce sens qu'il faut voir l'implantation de services de garde beaucoup plus accessibles, bien qu'il s'agisse là d'une revendication de longue date du mouvement des femmes. À cet effet, il est intéressant de constater qu'au Québec, au sein même de l'appareil étatique, ce mouvement est représenté, depuis 1973, par le Conseil du statut de la femme (CSF), ce qui lui donne un poids non négligeable. Or, pour le CSF comme pour le Conseil de la famille d'ailleurs, une politique familiale doit se distinguer d'une politique de lutte contre la pauvreté en s'adressant à toutes les familles, quel que soit leur revenu. La société reconnaît ainsi le temps et l'argent investis pour élever des enfants. (Voir SERVICES DE GARDE; FAMILLE.)