John Arthur Porter, sociologue (né le 12 novembre 1921 à Vancouver, en Colombie-Britannique; mort le 15 juin 1979 à Ottawa, en Ontario). Considéré par beaucoup comme le plus important sociologue d’expression anglaise du Canada, il est le mieux connu pour l’œuvre monumentale The Vertical Mosaic, publiée en 1965.
Enfance et formation
Né au Canada dans une famille de la classe moyenne inférieure (sa mère est enseignante, son père est commis), John Porter déménage à Londres, en Angleterre, lorsqu’il est adolescent, au creux de la Dépression. Il ne peut pas poursuivre ses études secondaires à Londres, car il doit travailler pour aider à soutenir sa famille. En 1941, il s’engage comme simple soldat dans l’Armée canadienne. Il est dans l’armée pendant six ans, dont la partie majeure au sein de la section des renseignements des Seaforth Highlanders. Il participe à des campagnes alliées à Sicile, en Italie et dans le nord-ouest de l’Europe (1943-1945) avec d’être démobilisé en 1946 avec le grade de capitaine. À la fin de la guerre, il travaille brièvement pour la section historique de l’Armée canadienne à Londres pendant qu’il obtient l’équivalent du cours secondaire en cours du soir. En 1946, il réussit aux épreuves d’admission à la London School of Economics and Political Science (LSE).
Les quatre ans qu’il passe à la LSE (1946-1949) ont un impact permanent sur son opinion de l’environnement universitaire et sur sa vision politique. Largement considérée comme une université «fabienne », la LSE est en fait un établissement intellectuellement diversifié. L’école connaît alors son «âge d’or », et les professeurs de John Porter incluent des personnalités de renommée mondiale, telles que Karl Popper, T. H. Marshall, R. H. Tawney, Edward Shils, Harold Laski et, notamment, Morris Ginsberg. Grâce à ce dernier, John Porter se familiarise avec les idées du grand sociologue philosophe politique libéral Leonard Hobhouse, dont la théorie sociologique a un caractère philosophique, macrosociologique, comparatif, multidisciplinaire et synthétique. Ces éléments de la perspective de Leonard Hobhouse, modifiés par les idées des penseurs européens et étatsuniens, s’intègrent de façon permanente à la vision savante du monde de John Porter. Tout aussi influente est la doctrine libérale d’État-providence réformiste de Leonard Hobhouse. En tant que néo-libéral, ce dernier croit que la raison et un débat informé peuvent aider à créer un progrès social, et que l’État a le devoir d’identifier et de défendre les intérêts de ses membres plutôt que de laisser leur destin au hasard des forces du marché. Les socialistes fabiens sont une autre influence importante. John Porter est impressionné par leur tendance à s’appuyer sur les données empiriques et à cibler le développement des politiques sociales.
Points saillants de sa carrière
Après avoir obtenu son baccalauréat ès arts en économie et en sociologie de la LSE, John Porter retourne au Canada, où il accepte un poste comme professeur de sciences politiques au Carleton College, alors tout petit. Il restera à Carleton, plus tard l’Université Carleton, de 1949 à 1979, avec des intermèdes à l’Université de Toronto (1968-1969) et à Harvard (1973-1974). Il est le premier à avoir un poste à temps plein en sociologie à Carleton (1950). Au cours des 30 prochaines années, il aide à faire du département de sociologie de cet établissement l’un des meilleurs au Canada.
Tout au cours de sa carrière, John Porter se concentre sur certaines questions clés : Quelle est la structure des classes sociales et du pouvoir au Canada? Quel est le lien entre les classes et le pouvoir, et l’ethnicité, la race, la région, etc.? Quelles sont les conséquences pour la société canadienne des profondes inégalités de classes et de pouvoir, l’occasion pédagogique et les possibilités du marché du travail? Le Canada est-il une société juste et rationnelle? Est-il une vraie démocratie? Si le Canada n’est pas juste, rationnel et démocratique, comment peut-on faire en sorte qu’il le devienne? Dans la recherche des réponses à ces questions, il entreprend plusieurs études importantes axées sur la toile relationnelle qui relie la classe sociale, le pouvoir, les aspirations scolaires, les possibilités d’accès à l’enseignement et la mobilité sociale.
Sa carrière comporte trois étapes. Au cours de l’étape initiale, il produit The Vertical Mosaic, la première étude exhaustive de la structure nationale de la classe et du pouvoir au Canada. Il s’agit peut-être du document le plus important et le plus influent produit par un sociologue canadien jusqu’à ce jour. S’inspirant de l’image probante de la «mosaïque verticale », John Porter argumente que contrairement aux idées préconçues, le Canada n’est pas le pays sans classe, égalitaire et démocratique qu’on le croit être. Il présenterait une mosaïque hiérarchique de classes et de groupes ethniques, avec le groupe britannique détenant le pouvoir au sommet. Le pouvoir est détenu par un groupe d’élite, surtout des WASP (White Anglo-Saxon Protestant) étroitement liés, dont les plus puissants sont les membres de l’élite économique. Par l’intermédiaire d’un processus de négociation et de combat, ce sont ces élites, pas la population dans son ensemble, qui déterminent le programme politique et économique du pays. Les individus au sommet de la structure des classes ont le plus d’accès aux positions d’élite et aux possibilités de mobilité éducative ou professionnelle.
Au cours de la deuxième étape de sa carrière, John Porter explore les questions soulevées dans The Vertical Mosaic en entreprenant une série d’études sur le prestige professionnel (Occupational Prestige in Canada, 1967), sur les possibilités d’accès à l’enseignement et le niveau de scolarité (Stations and Callings, 1982) et sur la mobilité sociale (Ascription and Achievement, 1985). Son travail, surtout dans le cas de The Vertical Mosaic, contribue grandement à établir le programme sociologique canadien pendant une décennie, stimulant des études sur les élites, les classes sociales, le pouvoir, les relations ethniques, le régionalisme, les relations canado-américaines, etc.
Bien que John Porter écrive pour un public érudit, il est un acteur public intellectuel qui effectue beaucoup de recherches pertinentes pour les politiques. Son but est de déterminer le rôle de l’éducation, surtout l’enseignement postsecondaire, dans la création d’une nation démocratique rationnelle, juste, libérale et égalitaire. Au début de sa carrière, en suivant le modèle libéral individualiste et méritocratique, il pense qu’une expansion et une démocratisation des possibilités d’accès à l’enseignement représentent la solution. Vers la fin de sa vie, au cours de la troisième étape de sa carrière, il revient sur sa position. Il arrive à la conclusion que la démocratisation de l’éducation ne suffira pas. Pour que le Canada puisse réaliser son potentiel, les inégalités de richesse et de pouvoir devront être démantelées par un État social-démocratique interventionniste.
Prix et distinctions
John Porter reçoit plusieurs prix et distinctions. En 1966, The Vertical Mosaic remporte le prix MacIver du meilleur livre de l’année de l’American Sociologist Association. Il s’agit du seul livre au sujet du Canada rédigé par un Canadien à gagner le prix. Il devient membre de la Société royale du Canada (1968), et reçoit des grades honorifiques de l’Université McMaster (1973) et de l’Université de Waterloo (1977). Il est nommé président d’honneur de la Société canadienne de la sociologie et de l’anthropologie (1972). Après son décès, cette société (aujourd’hui Société canadienne de sociologie) crée le prix annuel du meilleur livre en son nom. John Porter se classe, aux côtés de Harold Innis, C. B. Macpherson, George Grant et bien d’autres, parmi les chercheurs en sciences sociales et humaines les plus prestigieux et influents du Canada du XXe siècle.