Les Prairies canadiennes se peuplent au cours de six grandes vagues migratoires s’étalant de la préhistoire à aujourd’hui. La migration depuis l’Asie, il y a environ 13 300 ans, engendre une population autochtone qui se compte entre 20 000 et 50 000 individus en 1640. De 1640 à 1840, plusieurs milliers de commerçants de fourrure européens et canadiens, suivis de centaines d’immigrants britanniques, arrivent sur le territoire, créant des douzaines d’avant-postes ainsi que la colonie de la rivière Rouge, où les Métis deviennent la plus importante portion de la population. La troisième vague, qui s’étend des années 1840 aux années 1890, consiste principalement, mais pas uniquement, de Canadiens d’ascendance britannique. La quatrième, et de loin la plus importante, est constituée de plusieurs nations, surtout européennes, et a lieu de 1897 à 1929, avec une interruption pendant et après la Première Guerre mondiale (1914-1922). La cinquième vague, composée de Canadiens d’autres provinces, d’Européens et d’immigrants d’autres pays, commence à la fin des années 1940 et se poursuit durant les années 1960. La sixième vague, qui commence au début des années 1970, est principalement composée de gens de l’hémisphère sud. Elle se poursuit, avec fluctuations, jusqu’à aujourd’hui. Tout au long du dernier siècle, la région connaît un exode continu de sa population qui migre dans d’autres régions du Canada, aux États-Unis et ailleurs.
De l’arrivée des peuples autochtones aux années 1640
Les premières populations qui arrivent dans les Prairies vivent en petits groupes de chasseurs nomades. Ils arrivent en Amérique du Nord il y a au moins 13 300 ans. Les découvertes sur le site archéologique de Wally’s Beach, situé dans le sud de l’Alberta, remontent à cette période. On y a trouvé des restes de chevaux et de chameaux sauvages et des pointes de projectiles faites par des humains.
Vers l’an 200, on estime que les peuples des Prairies vivent dans de petits tipis transportables, tandis qu’ils commencent à s’adonner à l’agriculture de 600 à 800. Ils se déplacent entre les zones de ressources selon les saisons, les hasards de la chasse et les relations diplomatiques entre les groupes avoisinants (voir Peuples autochtones des Plaines au Canada). Différentes adaptations économiques et linguistiques sont à la base du développement de cultures autochtones distinctes, incluant des groupes de chasseurs de bisons dans les Plaines. Des bandes de chasseurs récoltent les poissons et animaux tant dans les plaines que dans les forêts-parcs, tandis que d’autres se fient à la chasse au caribou et d’autres ressources dans les forêts nordiques et dans la toundra (voir La chasse au caribou). Ces groupes sont représentés aujourd’hui par les Cris, les Ojibwés, les Oji-Cris, les Assiniboines (Nakoda Oyadebi), les Siksikaitsitapi (Confédération des Pieds-Noirs) et les Dénés.
Bien que difficile à évaluer, on estime que la population des Prairies oscille entre 20 000 et 50 000 individus vers 1640.
Les peuples autochtones et la traite des fourrures : des années 1650 aux années 1870
Les peuples autochtones de la région intérieure occidentale subissent des changements importants après l’arrivée des Européens (voir Peuples autochtones des Plaines au Canada). Le plus significatif inclut le mouvement des bandes de chasse sur de nouveaux territoires et la négociation de nouveaux arrangements diplomatiques avec des groupes avoisinants. L’exposition à des maladies infectieuses comme la variole provoque des épidémies et des bouleversements sociaux. La variole éclate plusieurs fois sur les Prairies dès le milieu du 18e siècle, décimant parfois des bandes entières (voir aussi Santé des autochtones).
Au 19e siècle, l’autonomie des Autochtones est grandement réduite à cause de la migration accrue venant de l’est de l’Amérique du Nord, de l’élargissement du territoire de la confédération, et de la disparition de l’élément le plus crucial de l’économie des Plaines : le bison (voir Chasse au bison). Dans les années 1870, le gouvernement canadien et les Premières Nations de la région intérieure occidentale négocient sept traités autochtones. Ils cèdent ainsi la souveraineté du territoire en échange d’engagements gouvernementaux comme l’assistance économique, l’éducation et la création de réserves (voir Traités numérotés). En seulement quelques décennies, les Premières Nations des Prairies sont placées sous la tutelle de l’État.
La colonisation européenne de la région intérieure occidentale commence avec la traite des fourrures. La Compagnie de la Baie d’Hudson (HBC), fondée en 1670, s’adonne à la traite à la baie d’Hudson jusqu’à ce que la concurrence l’oblige, dans les années 1770, à mettre sur pied des postes à l’intérieur des terres. Les Français, et plus tard la Compagnie du Nord-Ouest (CNO), créent de vastes réseaux de postes qui s’étendent jusqu’aux Prairies dans les années 1730 grâce aux La Vérendrye. Ces réseaux se développent davantage grâce à Peter Pond dans les années 1770 et à Alexander Mackenzie entre 1789 et 1793. Une concurrence féroce entre HBC et CNO force la fusion des deux compagnies en 1821. La HBC ainsi restructurée domine la traite des fourrures dans la région pendant cinq décennies supplémentaires (voir aussi La Terre de Rupert).
Rivière Rouge et le Canada : des années 1840 aux années 1890
Dans les années 1840, les Métis constituent la majorité de la population de la colonie de la rivière Rouge. Ils représentent également une importante composante des activités des commerçants de fourrures. Ce sont eux qui défendent les intérêts locaux contre les spéculateurs entrants lorsque les pressions extérieures se font plus grandes au milieu des années 1800. Le Canada obtient éventuellement la souveraineté de la Terre de Rupert, mais seulement après que la rébellion de la rivière Rouge de 1869-1870, menée par Louis Riel, aboutit à une révision majeure des clauses de la Confédération permettant à la région d’être intégrée en tant que province du Manitoba (voir Loi sur le Manitoba).
En raison de l’énorme pouvoir du gouvernement fédéral et de la décision du premier ministre Sir John A. Macdonald de conserver le contrôle des terres de l’ouest, on crée le cadre stratégique de développement de la région intérieure occidentale à Ottawa (voir aussiPartage des pouvoirs). Les décisions prises par le gouvernement entre 1870 et 1874 demeurent des fondements de l’histoire des Prairies pendant deux générations. Ces politiques incluent le peuplement des terres et les activités de recrutement liées à l’immigration, la Loi des terres fédérales et la création de la police à cheval du Nord-Ouest (maintenant la Gendarmerie royale du Canada).
D’importantes décisions sur la politique tarifaire et le chemin de fer du Canadien Pacifique suivent en 1879-1880. La région devient un arrière-pays agricole, reposant sur l’immigration et les fermes familiales. Elle est également intégrée à un secteur manufacturier grandissant dans le centre du Canada (voir aussi Industrialisation au Canada). D’autres événements ont un impact tout aussi important.
L’échec de la rébellion du Nord-Ouest en 1885 et l’adoption de la question des écoles du Manitoba et de lois contre la langue française en 1890 font en sorte que les éléments de base de la société des Prairies sont désormais le protestantisme, la langue anglaise et la culture britannique. Les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta sont également fondées en 1905 (voir Lois d’autonomie). À l’époque, le passage pacifique de colonie britannique à État autonome semble s’être bel et bien accompli.
Colonisation des Prairies : des années 1890 aux années 1930
Vers les années 1900, toutefois, de nouvelles forces sont à l’œuvre dans les Prairies. D’une part, l’arrivée de centaines de milliers d’immigrants non britanniques trouble les leaders sociaux et met à rude épreuve les institutions des Prairies durant les quelques décennies suivantes. D’autre part, les nouveaux arrivants renoncent en grande partie à leur culture traditionnelle et contribuent à la construction d’un Ouest renouvelé.
Les Scandinaves et les Allemands s’assimilent rapidement ; les mennonites, les Juifs et les Ukrainiens conservent une bonne partie de leur héritage culturel, et, éventuellement, contribuent à définir le multiculturalisme canadien. Les hutterites se tiennent loin des grandes communautés, tandis que d’autres groupes religieux — notamment quelques doukhobors et mennonites — préfèrent quitter la région plutôt que de se plier à ses normes. Dans les années 1950, les Prairies sont plus proches d’un modèle britanno-canadien que de toute autre culture.
Les institutions politiques aussi sont mises à rude épreuve au début du 20e siècle. Un grand écart entre les riches et les pauvres crée en effet des tensions. Des villes comme Winnipeg et Calgary possèdent des maisons luxueuses dans des quartiers résidentiels isolés, ainsi que des clubs privés et des universités exclusives. Le pouvoir politique et économique se trouve entre les mains d’une petite élite qui récolte les bénéfices de la croissance économique. À l’opposé, la misère des quartiers pauvres comme North End et Rooster Town à Winnipeg, de camps de construction frontaliers, et de villes de ressources primaires comme Lovettville et Cadomin, en Alberta, mène à l’émergence d’un mouvement de résistance des travailleurs. Des conflits patronaux-syndicaux, notamment avec la grève générale de Winnipeg et dans des villes albertaines où l’on extrait du charbon, surviennent dans ce contexte.