Le premier ministre (PM) est le chef du gouvernement fédéral. Il s’agit du poste le plus puissant de la politique canadienne. Les premiers ministres ne sont pas spécifiquement élus à ce poste; le premier ministre est plutôt le chef du parti qui a le plus de sièges à la Chambre des communes. Le PM contrôle le parti au pouvoir et parle en son nom; il nomme les sénateurs et les juges de haut rang; il nomme et révoque tous les ministres du Cabinet. En tant que président du Cabinet, le premier ministre contrôle son agenda et influence grandement les activités et les priorités du Parlement. Ces dernières années, un débat a émergé sur le pouvoir croissant des premiers ministres et sur la question de savoir si cela menace les autres institutions démocratiques.
Histoire
Le chef du gouvernement fédéral canadien est appelé « premier ministre ». Les gouvernements provinciaux sont eux aussi dirigés par des premiers ministres. Le Canada a emprunté le titre « premier ministre » à la Grande-Bretagne, qui a aussi servi de modèle à notre système parlementaire inspiré par Westminster. (Voir Gouvernement responsable; Gouvernement représentatif.)
Le Canada a connu 23 premiers ministres différents depuis la Confédération. Le premier a été sir John A. Macdonald (de 1867 à 1873, puis de 1878 à 1891), et le plus récent est Justin Trudeau (de 2015 à aujourd’hui).
William Lyon Mackenzie King (de décembre 1921 à juin 1926, de septembre 1926 à août 1930, et d’octobre 1935 à novembre 1948) est le premier ministre qui a défendu le plus long mandat, soit 21 ans et 5 mois. Wilfrid Laurier détient le record du plus long mandat continu, de 1896 à 1911, soit 15 ans. Le plus court mandat a été celui de sir Charles Tupper, qui a été premier ministre de mai à juillet 1896, soit 68 jours.
Kim Campbell est pour l’instant la seule femme à avoir occupé la position, siégeant de juin à novembre 1993. Les premiers ministres sont originaires de partout au pays, voire d’ailleurs. John A. Macdonald et son successeur, Alexander Mackenzie, étaient tous deux Écossais de naissance. Mackenzie Bowell et John Turner sont nés en Angleterre. En 1891, John Abbott devient le premier chef du gouvernement fédéral à être né au Canada, plus précisément au Bas-Canada (maintenant la province de Québec). Le Québec et l’Ontario ont fourni le plus grand nombre de premiers ministres, soit six chacun. Jusqu’à présent, aucun premier ministre n’est issu de Saskatchewan, du Manitoba, de l’Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador ou d’un des territoires.
Qui devient premier ministre?
Officiellement, le premier ministre est nommé par le gouverneur général. Le gouverneur général dispose de peu de pouvoirs discrétionnaires en la matière, sauf en cas de crise, comme le décès du premier ministre en fonction.
Les premiers ministres ne sont pas exactement élus. À la place, le premier ministre est le chef du parti ayant reçu le droit de gouverner après avoir obtenu la confiance (ou le soutien) de la Chambre des communes. Habituellement, le premier ministre obtient un siège à la Chambre des communes en étant élu comme député. Même si les chefs de parti peuvent devenir premiers ministres sans être membres du Parlement, on s’attend à ce qu’ils obtiennent un siège le plus tôt possible lors d’une élection, qu’elle soit générale ou partielle.
La plupart du temps, le parti du premier ministre est celui ayant obtenu le plus grand nombre de sièges lors d’une élection générale. Si le parti du premier ministre a la majorité des sièges, son gouvernement peut rester en place pour une période maximale de quatre ans (cinq ans avant 2007). Un gouvernement incapable de survivre pendant quatre ans n’occupe d’habitude qu’une minorité des sièges à la Chambre des communes. (Voir Gouvernements minoritaires au Canada.) La Constitution exige que des élections générales se tiennent au minimum une fois tous les cinq ans. En 2007, le Parlement a adopté une loi mettant en place des élections à une date fixe. En vertu de cette loi, une élection générale a désormais lieu le troisième lundi d’octobre à chaque quatre ans.
Pouvoirs et obligations
La position, les responsabilités et les obligations du premier ministre ne sont pas définies par des lois écrites ou des documents constitutionnels, mais adhèrent plutôt à des conventions constitutionnelles. Le poste de premier ministre domine depuis le début la politique canadienne. Le premier ministre est le chef du parti au pouvoir et en est le représentant. Après avoir été nommé, il dispose d’un grand nombre de postes prestigieux pour récompenser ses favoris. Le premier ministre nomme les sénateurs et les juges doyens. Il nomme et renvoie aussi tous les membres du Cabinet par l’intermédiaire du gouverneur général, et décide de leurs responsabilités.
En tant que président du Cabinet, le premier ministre contrôle l’ordre du jour et les débats lors des sessions. Il sélectionne aussi les membres des comités du Cabinet. Par conséquent, grâce à la convention de solidarité à l’intérieur du parti, le premier ministre exerce une grande influence sur les activités et le programme du Parlement.
Le premier ministre bénéficie également d’une relation spéciale avec la Couronne. En effet, il est la seule personne pouvant s’entretenir avec le gouverneur général, et conseiller le gouverneur général de dissoudre ou de proroger le Parlement et déclencher une élection. La réalité politique, diverses conventions et la Constitution limitent parfois le pouvoir du premier ministre, qui doit être prudent de ne pas offenser les multiples régions du pays. Il doit aussi concilier les diverses factions rivales à l’intérieur de son parti, du Cabinet et du Canada.
Ni le premier ministre ni le Parlement fédéral ne possèdent le pouvoir d’amender ou d’ignorer les règles de la Constitution, la plus haute loi du pays, de façon unilatérale. Cela ne peut être fait qu’avec le consentement des provinces. Cependant, le premier ministre peut convoquer un congrès des premiers ministres provinciaux pour discuter et négocier des changements constitutionnels, ainsi que d’autres affaires d’État. (Voir Conférences des premiers ministres.)
Le premier ministre a des bureaux dans l’édifice du Centre, sur la Colline du Parlement, de même que dans le Bureau du premier ministre et le Bureau du Conseil privé (anciennement l’édifice Langevin), sur la rue Wellington, qui fait face au Parlement. La résidence officielle du premier ministre et de sa famille se trouve au 24, promenade Sussex, à Ottawa, tout près de Rideau Hall, où réside le gouverneur général.
Concentration du pouvoir
En 1980, l’expert constitutionnel Eugene Forsey a écrit dans Les Canadiens et leur système de gouvernement : « Auparavant, le premier ministre était considéré, dans le Cabinet, comme “le premier parmi ses pairs”. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, le chef du gouvernement a infiniment plus de pouvoirs que ses collègues du Cabinet. »
Le pouvoir des premiers ministres, y compris ceux avec des gouvernements largement majoritaires, était autrefois balancé par le besoin d’arriver à un consensus avec d’autres figures importantes du Cabinet et du parti au pouvoir. Cela inclut les représentants des diverses régions ou les idéologies. D’autres institutions, y compris le Parlement et la fonction publique fédérale, ainsi que les premiers ministres des provinces, servaient eux aussi de limites au pouvoir du premier ministre.
Les premiers ministres ont toujours joui d’un grand pouvoir sur le gouvernement. Cependant, depuis les années 1970, un certain nombre de facteurs ont affaibli les instructions démocratiques du Canada et augmenté le pouvoir des premiers ministres. La complexité grandissante du gouvernement a restreint la capacité du gouvernement à inspecter et à comprendre le système de taxation et de dépense fédéral. Cela a gonflé la dimension et l’ampleur du Cabinet du premier ministre. L’avènement de l’âge de l’information 24 h sur 24 et les pressions des médias sociaux ont alimenté la partisanerie politique, ainsi que la demande pour un contrôle accru du gouvernement sur les communications. Les ministres du Cabinet avaient autrefois la tâche de gérer les pratiques et les programmes de leurs divers départements. Aujourd’hui, la plupart des enjeux et des programmes, ainsi que la plupart des communications sont de la responsabilité du personnel non élu du Cabinet du premier ministre.
En même temps, les partis politiques sont devenus moins démocratiques. Ils sont aussi moins contrôlés à l’échelle locale par les associations de circonscription, et plus centralisés autour d’un chef de parti et ses conseillers. Cela donne au premier ministre un contrôle presque total non seulement sur le gouvernement, mais aussi sur son parti.
Des premiers ministres de tout acabit, de Pierre Elliott Trudeau à Stephen Harper, ont défendu que le pouvoir accru de leur position est nécessaire pour gouverner un État démocratique moderne. L’auteur et politicologue Donald Savoie s’est opposé à une telle concentration du pouvoir. Il maintient en effet que la démocratie canadienne en souffre.
« Alors que le Parlement devient de moins en moins pertinent et que les ministres régionaux n’ont plus d’importance tant au sein du gouvernement que dans leurs régions, nous devons constater que nos institutions politiques et bureaucratiques fédérales ont perdu leur chemin », écrit-il en 2015.
En 2008, le politicologue Graham White remarque que les premiers ministres canadiens se démarquent de la plupart des chefs d’État avec un Parlement d’inspiration britannique par la longueur de leurs mandats. Cela s’explique en partie par le contrôle que les premiers ministres canadiens exercent sur leurs partis et leurs caucus parlementaires.
D’un autre côté, son collègue Dennis Baker avance que même aujourd’hui, le pouvoir du premier ministre est loin d’être absolu, particulièrement lorsque les membres du Parlement s’allient à la pression publique pour forcer les gouvernements à changer de cap et à modifier un projet de loi controversé. Il ajoute que les tribunaux canadiens servent à limiter le pouvoir exécutif et parlementaire, pour le meilleur et pour le pire.
Voir aussi Chronologie : Élections et premiers ministres fédéraux; Premiers ministres canadiens; Principaux suspects : les premiers ministres du Canada, caricaturés; Chef de l’opposition.
Premiers Ministres du Canada
Nom | Parti | Mandat |
Sir John A. Macdonald | Conservateur | 1867-73 |
Alexander Mackenzie | Libéral | 1873-78 |
Sir John A. Macdonald | Conservateur | 1878-91 |
Sir John J.C. Abbott | Conservateur | 1891-92 |
Sir John Sparrow Thompson | Conservateur | 1892-94 |
Sir Mackenzie Bowell | Conservateur | 1894-96 |
Sir Charles Tupper | Conservateur | 1896 |
Sir Wilfrid Laurier | Libéral | 1896-1911 |
Sir Robert Borden | Conservateur | 1911-17 |
Sir Robert Borden | Unioniste | 1917-20 |
Arthur Meighen | Conservateur | 1920-21 |
W.L. Mackenzie King | Libéral | 1921-26 |
Arthur Meighen | Conservateur | 1926 |
W.L. Mackenzie King | Libéral | 1926-1930 |
R.B. Bennett | Conservateur | 1930-35 |
W.L. Mackenzie King | Libéral | 1935-48 |
Louis St-Laurent | Libéral | 1948-57 |
John Diefenbaker | Conservateur | 1957-63 |
Lester B. Pearson | Libéral | 1963-68 |
Pierre Elliott Trudeau | Libéral | 1968-79 |
Charles Joseph Clark | Conservateur | 1979-80 |
Pierre Elliott Trudeau | Libéral | 1980-84 |
John Napier Turner | Libéral | 1984 |
Brian Mulroney | Conservateur | 1984-93 |
Avril Kim Campbell | Conservateur | 1993 |
Jean Chrétien | Libéral | 1993-2003 |
Paul Martin | Libéral | 2003-06 |
Stephen Harper | Conservateur | 2006-15 |
Justin Trudeau | Libéral | 2015- |