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Programme énergétique national

De 1980 à 1985, la politique énergétique du gouvernement du Canada suit le Programme énergétique national (PEN). Celui-ci a pour objectif de permettre au Canada de parvenir à l’autosuffisance pétrolière et gazière en 1990. Le PEN est d’abord populaire auprès des consommateurs et comme symbole du nationalisme économique canadien. Cependant, l’industrie privée et certains gouvernements provinciaux s’y opposent.

En 1981, le gouvernement fédéral et les provinces concluent un accord sur les parties controversées du PEN. Néanmoins, le programme est démantelé par étapes à partir de l’année suivante. Les conditions économiques mondiales ont changé de sorte que le PEN n’est plus considéré comme nécessaire ou utile. L’exploitation des sables bitumineux et le forage en mer, ainsi que la montée du sentiment d’isolement de l’Ouest et l’expansion du Parti conservateur du Canada moderne, sont autant d’aspects de l’héritage complexe du PEN.

Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, le premier ministre albertain Peter Lougheed et le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles de l’Alberta Merv Leitch lors d’une conférence de presse

Mots-clés

Protectionnisme Pratique consistant à protéger les industries d’un pays en limitant la concurrence étrangère sur son marché intérieur. (Voir Protectionnisme.)

Contrôle des prix Restrictions imposées par un gouvernement sur le prix de certaines marchandises. Il s’agit généralement d’une mesure temporaire pour contrôler l’accès à ces biens.

Contexte

Depuis le début des années 1960, le gouvernement fédéral participe à la réglementation et au développement de l’industrie pétrolière et gazière canadienne. Pour favoriser la croissance de l’industrie, le gouvernement met en place un marché protégé pour le pétrole de l’Ouest canadien de 1961 à 1973. Les deux grandes crises pétrolières des années 1970 incitent le gouvernement fédéral à protéger les ressources pétrolières pour les consommateurs canadiens en jouant un rôle plus actif dans le développement du secteur pétrolier et gazier canadien. (Voir Politique pétrolière et gazière au Canada, 1947 à 1980.) Le Programme énergétique national constitue la politique sur laquelle s’appuie ce rôle.

Objectifs

Les objectifs du Programme énergétique national (PEN) sont triples :

  1. Accroître la participation canadienne dans le secteur pétrolier et gazier
  2. Fixer un prix de l’énergie exclusivement pour les consommateurs canadiens
  3. Garantir l’approvisionnement du Canada en pétrole et en gaz

Atteindre ces objectifs signifierait l’autosuffisance énergétique pour le Canada. La nation ne dépendrait plus des importations de pétrole de l’étranger et n’aurait plus à subir les fluctuations des cours mondiaux du pétrole. Le PEN garantirait aux consommateurs canadiens l’accès à du pétrole et du gaz canadiens à des prix réglementés. Le programme vise également à accroître les revenus du gouvernement fédéral.

Pour atteindre les objectifs du PEN, le gouvernement fédéral doit s’engager beaucoup plus activement dans le secteur énergétique. Le gouvernement encourage l’exploration et offre de nouveaux financements pour la recherche et le développement. De nouvelles taxes et le contrôle des prix sont mis en place. Le PEN incite à une plus grande participation locale dans l’industrie pétrolière. Il vise également à économiser le pétrole en aidant les consommateurs à passer du pétrole au gaz naturel et à l’électricité pour le chauffage domestique.

Ce type de nationalisme économique et d’intervention directe dans l’économie n’est pas une première au Canada. Plus tôt au 20e siècle, le pays met en place des sociétés d’État qui jouent différents rôles au plan économique et politique. Les sociétés d’État se multiplient au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Bien que l’économie canadienne devienne moins centralisée après la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement reste engagé dans certaines industries pendant une grande partie de la Guerre froide. Parmi ces industries figurent un chemin de fer et une compagnie aérienne nationaux, des entreprises de la construction aéronautique, des réseaux de télécommunications et des entreprises de production d’énergie nucléaire et d’extraction d’uranium, entre autres. 

Opposition

Le PEN est contesté à plusieurs titres.

Pour commencer, les ressources naturelles, telles que le pétrole et le gaz, relèvent traditionnellement de la responsabilité des provinces. Des premiers ministres comme Peter Lougheed en Alberta estiment qu’un changement aussi important dans la politique énergétique du Canada nécessiterait une consultation provinciale. Lui et d’autres craignent que les provinces ne perdent une importante source de revenus.

Pour compliquer la situation, les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces sont mises à rude épreuve au début des années 1980. Le Québec organise un référendum sur la souveraineté juste cinq mois avant la présentation du PEN (voir Référendum du Québec (1980)). Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau promet des négociations constitutionnelles entre les provinces et le gouvernement fédéral en vue d’élaborer une nouvelle constitution canadienne et une charte des droits. Les négociations sur la constitution et le PEN dominent la vie politique canadienne tout au long de 1981. M. Trudeau est favorable à un gouvernement fédéral fort et à un programme de projets et de politiques d’édification de la nation. En parallèle, des premiers ministres (y compris Peter Lougheed et René Lévesque au Québec) prônent une association moins stricte dans laquelle les provinces pourraient contrôler davantage leurs propres affaires.

Peter Lougheed
L'honorable Peter Lougheed, ancien premier ministre de l'Alberta de 1971 à 1985 et président du Conseil de Historica.

La seconde source de controverse concerne le contrôle des prix exercé en vertu du PEN. Bien que des prix équitables profitent à tous les consommateurs canadiens, les bénéfices de l’industrie privée et les redevances versées aux provinces productrices de pétrole s’en trouvent réduits.

Enfin, le PEN s’appuie sur l’idée que l’accès au pétrole et au gaz bon marché correspond plus à un besoin public qu’à un produit du marché libre. Alors que le marché libre est guidé par la recherche du profit, le PEN est motivé par la nécessité de maintenir les coûts de consommation aussi bas que possible. Ces intérêts ont tendance à s’opposer.

Démantèlement

À l’image d’autres politiques énergétiques antérieures, le PEN fait l’objet de négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces. En 1981, le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces productrices de pétrole se mettent d’accord sur une version modifiée du PEN. En vertu du compromis, le gouvernement fédéral accepte de modifier le contrôle et la réglementation des prix. En retour, les provinces acceptent que le gouvernement fédéral ait le droit d’imposer des taxes spéciales destinées à augmenter les revenus fédéraux et à renforcer l’indépendance énergétique canadienne.

Lorsque les prix mondiaux du pétrole chutent entre 1983 et 1985, les gouvernements fédéral et provinciaux négocient d’autres changements au PEN pour aider l’industrie privée. En 1984 et 1985, les conditions économiques ayant conduit à la création du PEN n’existent plus. Au cours de son premier mandat, le premier ministre Brian Mulroney propose une nouvelle politique énergétique. La nouvelle politique vise à répondre aux changements importants survenus sur le marché mondial du pétrole. L’Accord de l’Ouest sur l’énergie, qui entre en vigueur le 1er juin 1985, met fin au PEN et à plus de 20 ans de protectionnisme et de réglementation de l’industrie pétrolière et gazière par le gouvernement fédéral.

Héritage

Au moment où le programme est mis en œuvre dans les années 1980, certains des facteurs économiques qui ont conduit à la création du PEN ne s’appliquent plus. Les tendances économiques et politiques mondiales ont évolué en faveur de la déréglementation, de la privatisation et d’une intervention restreinte du gouvernement dans l’économie. (Voir également Réglementation de l’économie.) Le sort du PEN reflète l’adhésion du Canada à ces tendances internationales qui se confirment. Le Parti conservateur du Canada moderne et le sentiment d’isolement de l’Ouest peuvent, en partie, expliquer l’importante opposition publique au PEN dans l’Ouest canadien.

Bien qu’il n’ait pas atteint son principal objectif de sécurité énergétique nationale, le PEN a joué un rôle clé dans l’avènement de l’industrie énergétique moderne du Canada. Le PEN a fortement contribué à l’exploitation des sables bitumineux dans l’Ouest canadien et au forage en mer dans les provinces de l’Atlantique.