La
prohibition au Canada a été le résultat du mouvement de tempérance.
Ce mouvement faisait appel à la modération ou à
l’abstinence totale d’alcool, il était basé sur la conviction que l’alcool était
responsable de nombreux maux de la société. La Loi de tempérance du Canada
(Scott Act) de 1878 a offert aux gouvernements municipaux
« l’option locale » de bannir la vente d’alcool.
La
prohibition a été adoptée pour la première fois sur une base locale à l’Île-du-Prince-Édouard
en 1901. Elle est devenue une loi dans les autres provinces, ainsi qu’au Yukon et à Terre-Neuve
durant la Première
Guerre mondiale. L’alcool pouvait être légalement produit au Canada (mais
ne pouvait y être vendu) et exporté de manière légale à partir des ports
canadiens. La plupart des lois provinciales ont été abrogées dans les années 1920.
L’Île-du-Prince-Édouard a été la dernière à abandonner la « noble expérience »
en 1948.
Campagne de tempérance
La
prohibition est le résultat d’efforts de plusieurs générations de partisans du mouvement
pour la tempérance pour fermer les bars et les tavernes. Ces derniers sont
considérés comme la source d’une grande misère à une époque où les services
sociaux n’existent pas. Les militants pour la tempérance et leurs alliés
croient que l’alcool, surtout les spiritueux, constitue
un obstacle au succès économique, à la cohésion sociale et à la pureté morale
et religieuse.
Les principales organisations pour la tempérance sont la Dominion Alliance for the Total Suppression of the Liquor Traffic et la Woman’s Christian Temperance Union. Le bulletin de cette dernière s’appelle Canadian White Ribbon Tidings. La lutte pour la tempérance est liée à d’autres efforts de réformes de l’époque, comme le mouvement du droit de vote des femmes. Elle est également motivée en partie par les croyances du mouvement Social Gospel.
Prohibition au 19e
siècle
Diverses lois
antérieures à la Confédération
contre la vente d’alcool avaient été adoptées, comme la Dunkin Act de la
Province
du Canada en 1864. Cette loi, votée majoritairement, permettait à tout
comté ou à toute municipalité
d’interdire la vente
au détail d’alcool. En 1878, cette « option locale » est étendue à l’ensemble
du Dominion
en vertu de la Loi de tempérance du Canada, ou la Scott Act.
En 1898, le
mouvement pour la tempérance a suffisamment de puissance pour forcer un plébiscite
national sur la question. Mais le gouvernement de Sir
Wilfrid Laurier décide que la majorité de 13 687 votes obtenus en faveur de
la prohibition n’est pas suffisante pour justifier l’adoption d’une loi, d’autant
plus que le Québec
a massivement voté contre le plébiscite. La majeure partie du pays est déjà « sèche »
sous l’option locale. Des interdictions provinciales générales émergeront
éventuellement.
Sacrifice de temps de
guerre
La
prohibition est d’abord adoptée à l’échelle provinciale à l’Île-du-Prince-Édouard
en 1901. Elle devient une loi dans les provinces restantes, ainsi qu’au Yukon et à Terre-Neuve
(qui ne joint la Confédération
qu’en 1949) pendant la Première Guerre mondiale
. La prohibition est largement
considérée à cette époque-là comme un devoir patriotique et un sacrifice
social, pour aider à gagner la guerre (voir aussi Effort
de guerre au Canada).
Contrairement
aux États-Unis, l’interdiction d’alcool au Canada est compliquée par la juridiction
partagée en matière de lois sur l’alcool entre Ottawa et les
provinces. Les provinces contrôlent les ventes et la consommation. Le gouvernement
fédéral supervise la fabrication et le commerce de l’alcool (voir Répartition
des pouvoirs). En mars 1918, Ottawa cesse, pour le reste de la Première
Guerre mondiale, la fabrication
et l’importation
d’alcool dans les provinces où son achat était déjà illégal.
Blind pigs et contrebande
de rhum
Les lois
provinciales sur la tempérance varient. En général, elles servent à fermer les
débits de boissons légaux et à interdire la vente d’alcool, ainsi que sa
possession et sa consommation, sauf dans les maisons privées. Dans certaines
provinces, les vins
faits au pays sont exemptés. L’alcool peut être acheté dans les dispensaires
gouvernementaux à des fins industrielles, scientifiques, mécaniques,
artistiques, sacramentelles et médicinales. Les distilleries,
les brasseries
et autres entreprises dûment autorisées peuvent vendre leurs produits à l’extérieur
de la province.
Bien que
l’application de la loi soit difficile, l’ivresse et les crimes associés à
l’alcool diminuent considérablement. Cependant, la distillation illicite et l’alcool
de contrebande commencent à proliférer. De grosses quantités d’alcool inférieur
font leur apparition sur le marché. Mais l’alcool de qualité est également
disponible puisque sa fabrication est permise après la guerre. La contrebande (vente
illégale d’alcool) augmente de façon remarquable, tout comme le nombre de
débits de boissons clandestins connus sous le nom de speakeasies ou blind
pigs. Une des manières de pouvoir consommer légalement est d’être déclaré « malade »,
car les médecins peuvent donner des ordonnances à exécuter à la pharmacie. Il
en résulte un abus de ce système, avec de véritables épidémies et de longues
files d’attente pendant la période des fêtes de Noël.
Un des
aspects frappants de la prohibition est la contrebande du rhum. En raison d’un
amendement constitutionnel, la prohibition aux États-Unis de 1920 à 1933 est
encore plus stricte qu’au Canada. La fabrication, la vente et le transport de toute
bière, tout vin et tout spiritueux y sont interdits. L’alcool peut cependant
être fabriqué légalement au Canada (mais ne peut y être vendu), et il peut être
exporté à partir des ports canadiens. Ceci crée une étrange situation qui
permet aux contrebandiers de partir du Canada avec des chargements d’alcool
destinés à son voisin « sec », sous la protection de la loi canadienne. La contrebande,
souvent accompagnée de violence, éclate dans les zones frontalières et le long
des côtes. Des caricatures
politiques dans les journaux
de l’époque représentent le Canada par des cartes topographiques pleines de
fuites tandis que l’Oncle Sam tente d’endiguer la marée d’alcool qui s’en
écoule.
L’abrogation des lois de prohibition
La
prohibition est trop courte au Canada pour engendrer un réel succès. Ses
opposants soutiennent qu’elle va à l’encontre de la tradition britannique du
respect des libertés individuelles et que le règlement de cette question par référendum
ou plébiscite constitue une dérogation à la pratique parlementaire du Canada.
Le Québec la rejette dès 1919, et devient ainsi connu comme étant le « sinkhole »
(l’entonnoir) de l’Amérique du Nord. Les touristes affluent vers le « vieux
Québec historique » et le gouvernement provincial récolte d’énormes profits
grâce à la vente d’alcool.
En 1920, la
Colombie-Britannique
vote en faveur de la vente légale de l’alcool. L’année suivante, certaines
boissons alcoolisées y sont vendues légalement, ainsi qu’au Yukon, dans les
magasins du gouvernement. Le Manitoba
inaugure un système gouvernemental de vente et de contrôle de l’alcool en 1923,
suivi de l’Alberta
et de la Saskatchewan
en 1924, de Terre-Neuve
en 1925, de l’Ontario
et du Nouveau-Brunswick
en 1927, et de la Nouvelle-Écosse
en 1930. Le dernier bastion de la prohibition, l’Île-du-Prince-Édouard,
renonce finalement à sa « noble expérience » en 1948. Des zones sèches sous
l’option locale persistent pendant plusieurs années à travers le pays.
Voir
aussi : Mouvement
pour la tempérance au Canada; Industrie
de la distillation; Seagram;
Industrie
brassicole au Canada; Industrie
viticole; Brassage
artisanal au Canada; Légalisation
du cannabis au Canada.