Les Anglo-Québécois (communautés québécoises d’expression anglaise) sont une minorité linguistique comprenant des gens de diverses origines ethniques, religieuses et socio-économiques. Ces communautés présentent aussi d’importantes particularités régionales. La présence d’anglophones sur le territoire actuel du Québecremonte au Régime français, mais des communautés ne se développent véritablement qu’après laConquêtebritannique. La proportion d’anglophones augmente dans les années avant la Confédération, puis décline graduellement, particulièrement dans les régions à l’extérieur deMontréal.
Les Anglo-Québécois (communautés québécoises d’expression anglaise) sont une minorité linguistique comprenant des gens de diverses origines ethniques, religieuses et socio-économiques. Ces communautés présentent aussi d’importantes particularités régionales. La présence d’anglophones sur le territoire actuel du Québec remonte au Régime français, mais des communautés ne se développent véritablement qu’après la Conquête britannique. La proportion d’anglophones augmente dans les années avant la Confédération , puis décline graduellement, particulièrement dans les régions à l’extérieur de Montréal.
Il n’existe
pas de consensus quant à la définition des communautés d’expression anglaise au
Québec. Par conséquent, il est difficile de mesurer leur taille. Selon la
définition utilisée, il y aurait entre 657 078 et 1 103 475
anglophones au Québec d’après le Recensement du Canada de 2016 (entre 8,1 %
et 13,7 % de tous les habitants). La définition la plus étroite considère
que la communauté est composée uniquement de gens dont l’anglais est la seule langue maternelle. La
définition la plus large ajoute tous ceux dont l’anglais est la première langue
officielle parlée, ce qui tient compte des gens ayant d’autres langues
maternelles qui utilisent l’anglais à une fréquence égale ou supérieure
au français. Le gouvernement fédéral favorise généralement
des définitions plus larges que le gouvernement provincial.
Le Gouvernement du Canada reconnaît les Anglo-Québécois comme une Communauté de langue officielle en situation minoritaire en vertu de la Loi sur les langues officielles, assurant ainsi reconnaissance et soutien formels à la communauté.
Histoire des Anglo-Québécois
Premiers arrivants
Environ 6 % des immigrants qui s’installent au Canada pendant le Régime français (voir Nouvelle-France) sont des sujets britanniques anglophones. La plupart sont capturés lors de raids sur des navires ennemis ou sur des villages en Nouvelle-Angleterre, mais certains sont des déserteurs ou des réfugiés catholiques provenant des colonies britanniques avoisinantes, majoritairement protestantes. À cette époque, il est peu probable que ces individus se soient regroupés en communautés anglophones cohérentes et la plupart s’assimilent à la majorité francophone.
Le développement de communautés anglophones au Québec commence véritablement après la Conquête de 1759-1760. Dans le demi-siècle suivant cet évènement, les anglophones demeurent un groupe restreint en nombre, représentant moins d’un dixième de la population totale, mais d’une grande influence. D’une part, il existe une élite dirigeante soutenue par du personnel militaire britannique; d’autre part, il y a des marchands, des professionnels, des artisans, des travailleurs et, à partir des années 1780, des fermiers loyalistes. Compte tenu de la petite taille de la communauté et de la Révolution américaine qui se prépare au sud, l’élite dirigeante hésite à imposer la politique officielle d’anglicisation et de suppression du Catholicisme du gouvernement britannique, qui était appliquée notamment en Irlande. Ils tentent plutôt de gagner le soutien de la majorité francophone par des mesures d’apaisement, en particulier avec l’Acte de Québec de 1774, mais cela provoque parfois des remous auprès de marchands anglophones et du clergé anglican.
Croissance rapide à l’ère industrielle
La fin des Guerres napoléoniennes en 1815 signale le début d’importantes migrations transatlantiques d’anglophones. Certains sont issus des classes aisées, mais la majorité sont des laissés-pour-compte de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. La Révolution industrielle en Grande-Bretagne rend certains métiers obsolètes, l’expulsion de petits propriétaires terriens en vue de la création de vastes fermes et la famine irlandaise des années 1840 sont autant de raisons qui ont poussé des millions à quitter leur pays. Dans les années 1850, un quart des habitants du territoire actuel du Québec sont anglophones, ce qui équivaut à environ 250 000 personnes. Ils sont majoritaires dans certaines régions, dont les Cantons de l’Est, la vallée de l’Outaouais et Montréal. Mis à part une petite élite qui joue un rôle important dans la politique et l’économie, la plupart des anglophones ne sont pas particulièrement plus aisés que les francophones.
Au cours du XIXe siècle, la majorité des Québécois d’expression anglaise sont d’origine anglaise, écossaise, irlandaise, galloise, ou anglo-normande. Cette tendance se maintient à l’extérieur de Montréal tout au long du XXe siècle. Dans les décennies suivant la famine irlandaise, environ la moitié de la population anglophone a des origines irlandaises. Cela change au début du XXe siècle lorsque la part d’Anglo-Québécois originaires d’Irlande est surpassée par ceux originaires d’Angleterre.
Bien que les différences ethniques jouent un rôle dans l’émergence de plusieurs communautés d’expression anglaise, c’est la religion qui scinde véritablement ce groupe linguistique en deux. Le clivage s’accentue à partir des années 1830 lorsque la pratique religieuse devient plus importante, division encore accentuée par le nationalisme irlando-catholique provoqué par la famine. Des frontières s’élèvent entre catholiques et protestants, entraînant une ségrégation religieuse au sein des écoles, des institutions charitables, des associations spirituelles et de la presse. Il y a peu d’interactions entre anglophones catholiques et anglophones protestants à l’extérieur des secteurs des affaires et du gouvernement. De plus, ils habitent souvent dans des quartiers séparés (par exemple, les catholiques dans certaines parties de Griffintown, les protestants dans le Mille Carré Doré). Cette division religieuse disparaît au cours du XXe siècle, particulièrement après la Révolution tranquille.
Déclin et diversification
À partir des années 1860, le pourcentage d’anglophones diminue de façon significative dans la plupart des régions à l’extérieur de Montréal. Les Anglo-Québécois sont plus enclins à quitter la province en période de difficultés économiques puisqu’ils ont des racines moins profondes au Québec et qu’ils parlent la langue de la majorité nord-américaine. La ville de Québec, qui compte 40 % d’anglophones vers 1860, est frappée d’une diminution importante de sa population d’expression anglaise à la suite de l’effondrement du commerce de bois et de l’industrie de la construction navale. La population d’expression anglaise dans les Cantons de l’Est diminue au même moment. Dans la vallée de l’Outaouais, cela se passera seulement au début du XXe siècle. La population anglophone de la Gaspésie chutera à partir des années 1930. Cela fait en sorte que la région montréalaise, qui comprenait 25% des anglophones du Québec dans les années 1860, comprend plus de 80 % du total aujourd’hui.
La diversité ethnique des Anglo-Montréalais augmente au XXe siècle. Les migrants juifs de l’Europe de l’Est arrivent en grand nombre à la fin du XIXe siècle, suivi des Italiens; ces deux groupes s’associent largement avec les communautés d’expression anglaise. Moins nombreux, mais tout de même importants, sont les migrants noirs, chinois et sud-asiatiques qui augmentent la proportion de minorités visibles chez les anglophones; aujourd’hui, la majorité des Anglo-Québécois ne sont plus d’origine britannique.
S’adapter à l’affirmation culturelle francophone
Entre 1971 et 1986, environ 200 000 anglophones quittent la province. Cela s’explique en partie par la croissance économique relative de Toronto entamée plusieurs années auparavant, mais aussi par les tensions politiques découlant de la crise d’octobre de 1970 et la prise de pouvoir du Parti québécois en 1976. Une proportion importante de ceux qui quittent à cette période est formée d’anglophones unilingues d’origine britannique.
Depuis cette perte démographique importante, le nombre absolu de Québécois d’expression anglaise est demeuré relativement stable, mais la nature des communautés a changé. Ceux qui sont restés ont dû s’adapter aux efforts entrepris par la majorité francophone afin de préserver la langue française et d’assurer sa prédominance (voir Loi 101). Les conflits autour des lois linguistiques ont attiré beaucoup d’attention médiatique, mais dans la réalité, les anglophones se sont plutôt intégrés graduellement. Le niveau de bilinguisme anglais-français augmente rapidement chez les Anglo-Québécois : après avoir stagné à moins d’un tiers pendant une bonne partie du XXe siècle, 53 % des anglophones se déclarent bilingues en 1981 et cela augmente à 69 % en 2016. De plus, le pourcentage d’anglophones mariés à des francophones a presque doublé depuis 1971. Les Anglo-Québécois franchissent donc graduellement les frontières linguistiques au Québec, ajoutant une dimension de complexité à une communauté où les identités individuelles sont façonnées par de nombreuses langues, origines ethniques et différences régionales.
Situation économique
Une perception populaire dépeignant les anglophones en tant que classe dirigeante dominante a longtemps existé et a alimenté le nationalisme francophone au Québec. En 1961, le salaire moyen des francophones se situe au deux-tiers du salaire moyen des anglophones. Ceci étant dit, ce sont les salaires élevés d’une infime minorité d’anglophones occupant des postes supérieurs qui créent cette disproportion. La grande majorité des anglophones gagne un salaire comparable à celui des francophones.
L’écart entre les salaires moyens des anglophones et francophones s’est graduellement rétréci depuis la Révolution tranquille. Le recensement de 2006 indique un salaire moyen plus élevé chez les anglophones, mais un salaire médian inférieur; en d’autres mots, il y a toujours une poignée d’anglophones au haut de l’échelle qui gagne des salaires plus élevés, mais la majorité des anglophones ont des revenus inférieurs aux francophones et font face à des taux de chômage et de pauvreté plus élevés.
Établissements d’enseignement
Le Québec a plus de 320 écoles primaires et secondaires administrées par neuf commissions scolaires de langue anglaise. Celles-ci ont été déconfessionnalisées en l’an 2000, mettant fin à un système d’écoles séparéesselon la confession religieuse. Dans la majorité des cas, la Charte de la langue française (Loi 101) restreint l’accès aux écoles publiques anglophones aux enfants dont un parent, un frère ou une sœur a reçu son éducation en anglais au Canada. Ces dernières années, ces écoles ont augmenté la part d’instruction en français afin de répondre à des demandes des Anglo-Québécois.
Le Québec a aussi plusieurs écoles privées de langue anglaise, incluant des écoles confessionnelles. Certaines ne reçoivent pas de financement public et ne sont pas soumises aux restrictions de la Loi 101 mentionnées ci-dessus.
Il n’y a pas de loi encadrant l’accès aux établissements postsecondaires de langue anglaise au Québec. Ce secteur inclut sept cégeps et trois universités anglophones : l’Université McGill, l’Université Concordia et l’ Université Bishop’s.
Vie politique
Bien qu’ils aient déjà été surreprésentés dans le gouvernement provincial, les Anglo-Québécois sont maintenant sous-représentés. Dans le siècle suivant la Conquête, le domaine politique était disproportionnellement dominé par des anglophones. L’arrivée d’assemblées élues en 1791 et du gouvernement responsable en 1849 tracent la voie pour une représentation plus équitable des Canadiens-français. Le déclin de la population anglophone depuis la Confédération réduit leur présence à l’Assemblée nationale. À cela s’ajoute le fait que moins de 1 % des fonctionnaires provinciaux à temps plein sont aujourd’hui anglophones.
Malgré cela, plusieurs politiciens de renom, tant au fédéral qu’au provincial, proviennent des communautés d’expression anglaise du Québec. Nommons à titre d’exemple Brian Mulroney, Thomas Mulcair, Jack Layton et Kathleen Weil.
Depuis les années 1970, des groupes de pression anglophones sont apparus. Le premier groupe d’importance, Alliance Québec , est fondé en 1982. Il s’agit d’un organisme chapeautant plusieurs associations régionales qui apparaissent à cette époque. Une approche de plus en plus axée sur la confrontation, ainsi que des luttes internes à la fin des années 1990, minent l’appui populaire pour cet organisme et poussera le gouvernement fédéral à lui retirer son financement. Depuis, le Quebec Community Groups Network prend le relai en tant qu’organisme parapluie provincial pour les associations communautaires de langue anglaise.
Arts et culture
Montréal a une vie culturelle de langue anglaise très dynamique. Il y a proportionnellement deux fois plus d’écrivains anglophones que francophones au Québec. Plusieurs auteurs de renommée proviennent de Montréal, dont Frank Scott, Mordecai Richler, Mavis Gallant, Rawi Hage et Naomi Klein. Montréal accueille aussi le festival annuel Métropolis bleu, un évènement littéraire multilingue mis sur pied par des Anglo-Québécois. Il y a environ une douzaine de maisons d’édition de langue anglaise à Montréal et encore plus de troupes de théâtre. Plusieurs artistes musicaux reconnus mondialement sont issus des communautés anglo-québécoises, dont Leonard Cohen, Kate et Anna McGarrigle, Oscar Peterson et Arcade Fire.
La scène culturelle à l’extérieur de Montréal est plus diffuse et les artistes sont généralement plus isolés. Ces créateurs ont généralement difficilement accès à des endroits pour faire valoir leur travail en région. Il y a quelques exceptions, comme le Morrin Centre à Québec (voir Société littéraire et historique de Québec), mais la plupart des performances culturelles en anglais à l’extérieur de Montréal se limitent à des évènements amateurs occasionnels.
Les quatre organisations représentant les arts anglo-québécois à l’échelle provinciale sont l’English Language Arts Network, la Fédération d'art dramatique du Québec, la Quebec Writers’ Federation et l’Association des éditeurs de langue anglaise du Québec.
Médias
Les Anglo-Québécois ont accès à une vaste panoplie de programmation radiophonique en anglais, particulièrement dans la région montréalaise. CBC Radio One, avec des stations à Montréal et à Québec, est disponible dans la majorité de la province. Environ un tiers des stations montréalaises diffusent leur contenu en anglais, mais il n’existe pas de radio commerciale de langue anglaise à l’extérieur de la métropole.
Du côté de la télévision, les chaînes CBC, CTV, Global, et City ont des stations à Montréal qui produisent de la programmation locale et qui sont disponibles par câble à travers la province. Les provinces et États américains avoisinants ont également des stations de langue anglaise accessibles à partir du Québec.
Deux quotidiens de langue anglaise sont imprimés dans la province, la Montreal Gazette et le Record, publié à Sherbrooke. Il y a plus de vingt journaux hebdomadaires de langue anglaise publiés dans différentes régions du Québec.
Identité et conservation culturelle
La diversité des communautés d’expression anglaise pose des défis par rapport à la création d’un sentiment identitaire partagé. Même à l’époque où la communauté était principalement d’origine britannique, la religion créait des divisions importantes. Les frontières entre catholiques et protestants ont été remplacées par de nouvelles diversités ethniques, linguistiques et raciales qui multiplient les complexités identitaires, particulièrement dans la région montréalaise. D’importantes différences régionales soulèvent également des défis quant à la cohésion identitaire des Anglo-Québécois au niveau de la province. Compte tenu de ces niveaux de complexité, plusieurs Anglo-Québécois ne considèrent pas nécessairement la langue anglaise comme marqueur principal de leur identité.
Dans un monde où l’anglais prend une place de plus en plus dominante, les communautés d’expression anglaise du Québec font face au défi de conserver leur vitalité culturelle sans faire obstacle à la vitalité de la langue française au Québec.