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Raid de St. Albans

Au cours de la troisième année de la guerre de Sécession, une vingtaine d’agents confédérés ont attaqué la ville de St. Albans, au Vermont. Le raid a été planifié par des maîtres-espions basés à St. Catharines et à Montréal. Le 19 octobre 1864, les hommes ont dévalisé les trois banques de la ville et ils ont tué un homme, avant de traverser la frontière vers le Canada. Quatorze des voleurs ont été arrêtés rapidement. Ils ont été traduits en justice à trois reprises et ils ont été libérés chaque fois par les juges canadiens. Le raid et les décisions des tribunaux ont envenimé les relations entre le Canada et les États-Unis, relations qui étaient déjà tendues.

Bennett Young

Contexte

La guerre de Sécession commence le 12 avril 1861, opposant les États du Nord (l’Union) aux États du Sud (les confédérés). Comme la Grande-Bretagne déclare sa neutralité, les colonies britanniques du Canada-Ouest et du Canada-Est (maintenant l’Ontario et le Québec) ainsi que les colonies de l’Atlantique, soit la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, demeurent neutres elles aussi.

À l’automne 1863, il est évident que les États confédérés perdent. En mars 1864, le président des États confédérés, Jefferson Davis, fait appel à l’ancien membre du Congrès et secrétaire fédéral de l’Intérieur, Jacob Thompson. Jefferson Davis demande à Jacob Thompson d’ouvrir un nouveau front de guerre au nord à partir du Canada, où des centaines de prisonniers de guerre, de déserteurs et d’espions confédérés se sont déjà enfuis. L’objectif principal est de perturber et de distraire le Nord et de forcer le président américain Abraham Lincoln à retirer certaines de ses troupes des batailles se passant au sud afin de protéger la frontière nord.

Depuis son quartier général de Toronto, Jacob Thompson supervise des initiatives qui incluent des tentatives de capture de navires américains sur les Grands Lacs et de libération de prisonniers de guerre confédérés. Jacob Thompson soutient le lieutenant Bennett Young et Clement Clay, qui dirigent des réseaux d’espionnage confédérés à St. Catharines et à Montréal. À l’insu de Jacob Thompson, Bennett Young et Clement Clay planifient le raid de St. Albans.

Raid de St. Albans

Clement Clay donne 1400 $ au lieutenant Bennett Young de 21 ans pour financer un raid sur St. Albans, au Vermont, une ville qui compte plusieurs milliers d’habitants et qui est située à environ 20 km au sud de la frontière canadienne. Bennett Young choisit environ 20 jeunes soldats confédérés pour la mission. Les hommes voyagent vêtus en civil et ils arrivent à St. Albans après plusieurs jours.

À trois heures, le mercredi 19 octobre 1864, ils se rassemblent sur la place principale de la ville, où Bennett Young annonce que St. Albans a été prise au nom de la Confédération. Tandis que certains des attaquants rassemblent les habitants sur la place du village, les autres volent 208 000 $ à la Franklin County Bank, la First National Bank de St. Albans, et la St. Albans Bank. Ils lancent 50 bouteilles de feu grégeois, des engins incendiaires à base de produits chimiques, sur plusieurs édifices, mais il n’y a pas d’incendie majeur.

Pendant ce temps, l’officier de cavalerie, le capitaine George Conger, rallie un groupe d’environ 50 hommes dont plusieurs sont des civils. Un autre groupe est formé et il se joint à la poursuite des voleurs qui s’enfuient de la ville sur des chevaux volés. Au cours de cette attaque, l’un des agents confédérés est blessé par balle. Elinus Morrison, en visite du New Hampshire, meurt abattu d’une balle.

À environ 13 km au nord de St. Albans, les voleurs se séparent. Bien qu’ils aient atteint la frontière canadienne, 14 d’entre eux sont rapidement retrouvés et arrêtés.

Affaires judiciaires

Les journaux américains condamnent le raid et critiquent les autorités canadiennes pour avoir permis à des confédérés d’effectuer leurs opérations au Canada. Les journaux canadiens critiquent les Américains pour avoir traversé illégalement la frontière à la poursuite des voleurs.

Le 25 octobre, les voleurs sont amenés devant le magistrat de police Charles-Joseph Courol à St. Johns (qui devient plus tard Saint-Jean-sur-Richelieu), près de la frontière du Vermont. Leur avocat principal est John Abbott, qui deviendra plus tard le troisième premier ministre du Canada. Les défendeurs sont accusés de vol qualifié, de tentative d’incendie criminel, de vol de chevaux, de voies de fait, de tentative de meurtre et de meurtre. Si des preuves suffisantes de leurs crimes peuvent être présentées, le juge pourrait ordonner leur extradition aux États-Unis pour qu’ils y soient jugés. Après trois jours, le procès est déplacé dans un palais de justice plus sécuritaire à Montréal en raison des craintes que les partisans américains et canadiens de la cause confédérée ne perturbent les procédures.

Le 14 décembre, le magistrat, juge Charles J. Coursol, déclare qu’il n’a pas les compétences juridiques pour s’occuper de l’affaire. Il ordonne la libération des accusés et rembourse l’argent (environ 87 000 $) qui leur a été saisi lors de leur capture.

De nombreux journaux américains expriment leur indignation et demandent la guerre avec le Canada et la Grande-Bretagne. Le major-général John Dix, le commandant américain du district, donne l’ordre aux troupes de trouver les voleurs même si elles doivent traverser la frontière. Le président Abraham Lincoln intervient, disant qu’il doit approuver toute incursion transfrontalière. Le Congrès américain vote pour la fin du traité qui limite le nombre et la taille de navires de guerre sur les Grands Lacs ainsi que celle du Traité de réciprocité, l’accord de libre-échange canado-américain.

Le 20 décembre, Bennett Young et quatre autres voleurs sont arrêtés et accusés d’avoir volé les choses d’un homme à l’une des banques de St. Albans. L’audience commence le 27 décembre à Montréal, mais elle est ajournée pour permettre à la défense de recueillir des preuves. Le 29 mars, le juge de la Cour supérieure James Smith déclare que le raid était un acte de guerre et qu’il n’ordonne donc pas l’extradition. Les voleurs sont libérés à nouveau.

Une fois libérés, Bennett Young et les autres sont encore arrêtés, cette fois pour avoir enfreint la loi de neutralité du Canada. Ils comparaissent devant un tribunal de Toronto le 11 avril. Les quatre voleurs sont libérés et Bennett Young est mis en liberté sous caution d’un montant de 10 000 $. Pendant ce temps, le gouvernement canadien rembourse les banques de St. Albans pour l’argent qui a été rendu aux voleurs. En octobre 1866, John A. Macdonald (à l’époque procureur général du Canada-Ouest) décide de ne pas inculper Bennett Young, et ce dernier est libéré de sa caution. À cette époque, la guerre de Sécession est terminée depuis plus d’un an.

Importance

Le raid et les décisions judiciaires accroissent la tension des relations déjà fragiles entre le Canada et les États-Unis tout en démontrant la détermination des agents confédérés à mener la guerre envers leurs ennemis depuis le Canada.