Le rapport Un Québec libre de ses choix : Rapport du Comité constitutionnel du Parti libéral du Québec (mieux connu sous le nom de rapport Allaire) est une proposition politique adoptée en mars 1991, mais mise de côté en août 1992. Celui-ci propose une vaste décentralisation des compétences fédérales et une importante autonomie pour l’État québécois. Plusieurs dimensions de ce programme que l’on pourrait caractériser d’« autonomiste » sont récupérées par l’Action démocratique du Québec puis la Coalition Avenir Québec.
Origines
Alors que la ratification de l’Accord du lac Meech entre dans sa dernière manche, en février 1990, le Parti libéral du Québec (PLQ) réaffirme son appui à l’Accord et forme, sous la présidence de l’avocat Jean Allaire, fidèle libéral alors âgé de 60 ans, un comité constitutionnel interne. Ce comité est chargé d’élaborer une position constitutionnelle pour les négociations qui suivraient l’entrée en vigueur de l’Accord à l’été.
Lorsque Meech échappe à la ratification par l’ensemble des législatures provinciales avant le délai du 23 juin 1990, les événements dépassent le mandat de Jean Allaire. Le premier ministre Robert Bourassa convient avec le chef de l’opposition, Jacques Parizeau, de former la Commission Campeau-Bélanger. La Commission et le comité de Jean Allaire travailleront en parallèle, avec des mandats similaires, mais distincts.
Recommandations
On connait peu de choses sur le fonctionnement interne du comité dirigé par Jean Allaire. On sait qu’il se tient au courant des audiences de la Commission Bélanger-Campeau à l’automne 1990, et puis s’en inspire dans l’écriture du rapport. Un Québec libre de ses choix : Rapport du Comité constitutionnel du Parti libéral du Québec est déposé le 28 janvier 1991. Le rapport presse le gouvernement de récupérer des responsabilités législatives de l’État fédéral dans 22 domaines. Cette recommandation va bien au-delà de celle de l’Accord du lac Meech qui prévoyait que seul le domaine de l’immigration soit accordé au gouvernement du Québec. Le rapport Allaire recommande ainsi une décentralisation considérable des pouvoirs du gouvernement fédéral en faveur d’un État québécois plus autonome. Hormis neuf domaines à compétence partagée, le gouvernement fédéral ne retiendrait le contrôle que de la défense, des douanes, de la monnaie, de la péréquation et de la gestion de la dette commune. Le reste des compétences serait délégué à Québec. Le rapport Allaire propose aussi l’abolition du Sénat canadien et l’adoption d’une formule d’amendement constitutionnel qui nécessiterait l’accord de 50% de la population canadienne incluant, obligatoirement, celui du Québec.
Le rapport propose également une approche de négociation bilatérale entre les gouvernements québécois et canadien. Ce dernier serait invité à conclure une entente constitutionnelle satisfaisante pour le Québec avant l’automne 1992, faute de quoi le gouvernement libéral tiendrait un référendum sur la souveraineté. Les recommandations ressemblent beaucoup à celles de la Commission Bélanger-Campeau, dévoilées au public le 27 mars 1991.
Réception
C’est au congrès du Parti libéral du Québec, le 9 mars 1991, soit deux semaines avant le dépôt du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, que le rapport Allaire est reçu et fait l’objet de débats.
L’aile nationaliste du PLQ s’en réjouit, mais d’autres auraient souhaité une position plus souple. L’un d’entre eux, le ministre des Affaires municipales et de la Sécurité publique, Claude Ryan, est outré par les recommandations du rapport et claque la porte du congrès. Le premier ministre Robert Bourassa refroidit aussi les attentes en prononçant un discours en faveur du fédéralisme : « Ce que nous proposons, c’est un Canada décentralisé, mais avec un gouvernement central ayant des pouvoirs très importants ». À ce stade, le premier ministre est davantage troublé par le « vieillissement accéléré de la population » francophone et « la sécurité culturelle » des Québécois » que par l’option constitutionnelle qu’ils choisiront. Il continue cependant d’espérer que la décentralisation du fédéralisme fournisse au Québec les pouvoirs nécessaires pour « l’épanouissement de l’identité du Québec ». Pour lui, c’est une approche plus porteuse – ou moins risquée - que la souveraineté.
Malgré ces interventions, le rapport est adopté, avec quelques amendements mineurs, par une majorité des 2 700 militants présents.
Influence
L’accord sur le renouvellement de la Constitution canadienne, conclu entre les premiers ministres à la conférence de Charlottetown en août 1992 pousse le PLQ à mettre de côté le rapport Allaire. (Voir aussi Accord de Charlottetown.)
Se sentant trahi par le rejet de son rapport, Jean Allaire s’associe au président de la Commission-Jeunesse du PLQ, Mario Dumont. Ces deux membres de l’aile nationaliste du PLQ jugent que le parti serait devenu « trop inféodé (attaché) à Ottawa » et déchirent leur carte de parti. Ils lancent une campagne contre l’Accord de Charlottetown, qui sera soumis au vote de la population canadienne le 26 octobre 1992. Le Réseau des libéraux pour le Non parvient à convaincre une petite majorité de Québécois de rejeter la proposition.
En novembre 1993, sentant que le Québec « tourne à vide », Jean Allaire et Mario Dumont rompent leurs liens avec le PLQ. Ils décident, en décembre 1993, de fonder un nouveau parti politique : l’Action démocratique du Québec (ADQ). En mars 1994, Jean Allaire est élu chef du nouveau parti. Il doit néanmoins se retirer un mois plus tard pour des raisons de santé, Mario Dumont lui succédant. Selon ce dernier, ce parti cherche à décoincer le Québec du « vieux débat, […] entre la séparation et le fédéralisme ». L’ADQ continuera de gagner en popularité, de 6.5 % du vote au scrutin de 1994 à 31 % en 2007, mais se trouvera en perte de vitesse par la suite. Lors de sa fusion avec la Coalition Avenir Québec (CAQ) en 2012, plusieurs dimensions de l’autonomisme provincial du rapport forment la base de la position constitutionnelle du nouveau parti. En 2018, la CAQ est élue et forme le gouvernement où elle applique en pratique cette approche autonomiste.