Recherche de dinosaures dans l'Ouest canadien
Le monde scientifique ne savait rien de l'existence des DINOSAURES avant 1824, date à laquelle des dents et des os fossilisés (voir FOSSILE) ont été découverts dans des roches du Jurassique supérieur et du crétacé inférieur dans le Sud de l'Angleterre. Depuis, des ossements de dinosaures ont été découverts sur tous les continents dans des roches datant de 65 à 200 millions d'années.Les premières découvertes ont surtout découlé de travaux de terrassement, telles que des carrières et des mines de charbon. L'ouverture de l'Amérique du Nord occidentale à l'exploration géologique a favorisé la découverte de vastes zones où l'érosion naturelle avait retiré le sol et le roc, rendant possible la recherche systématique et la collecte organisée de squelettes fossiles.
Badlands
L'une de ces zones se trouve dans la vallée de la rivière RED DEER, en Alberta, communément appelée les BADLANDS. Des fossiles de dinosaures y ont été prélevés pour la première fois il y a plus de 100 ans. Joseph B. TYRRELL, un jeune géologue membre de la COMMISSION GÉOLOGIQUE DU CANADA (CGC), y a alors découvert le crâne incomplet d'un dinosaure carnivore connu sous le nom d'Albertosaurus sarcophagus, le mangeur de carcasses de l'Alberta, dans la vallée du ruisseau Kneehills, à environ 5 km au nord-ouest de DRUMHELLER.
Cinq ans plus tard, Thomas C. Weston, également membre de la CGC, a découvert un autre crâne de la même espèce, dans la vallée de la rivière Red Deer, près de Rumsey. Weston découvre aussi un territoire riche en fossiles dans la partie la plus au sud des badlands, qui forme aujourd'hui le PARC PROVINCIAL DINOSAUR.
Première collecte organisée
En 1891, Lawrence M. Lambe, de la CGC, mène la première expédition canadienne ayant pour mission de recueillir des fossiles de dinosaures, puis il effectue une seconde expédition en 1901. La même année, il publie le premier compte rendu détaillé sur les dinosaures de l'Alberta. C'est un exploit pour l'époque, mais les travaux ne révèlent pas pleinement la richesse du sous-sol albertain, ce que fera Barnum Brown, un paléontologue américain du American Museum of Natural History de New York.
En 1909, un propriétaire de ranch du nom de John L. Wegener, qui vit près du site actuel de Drumheller, visite le musée de New York et signale la présence de nombreux fossiles d'os sur son ranch. Brown, un collectionneur de fossiles expérimenté, se rend au ranch de Wegener pour vérifier les découvertes signalées. En 1910, il arrive à Red Deer avec trois adjoints qualifiés et fait construire une barge, dans laquelle il descend la rivière Red Deer avec ses compagnons, faisant de l'exploration et de la collecte à partir de camps provisoires installés en bordure de la rivière. Ce programme se poursuit durant cinq étés et permettra de découvrir et de mettre au jour 16 spécimens de dinosaures, dont la plupart étaient à l'époque encore inconnus de la science.
Apport de Sternberg
L'acquisition de ces fossiles canadiens par un musée étranger pousse la CGC à reprendre ses activités de collecte dans les badlands de la rivière Red Deer, mais aucun Canadien ne connaît les techniques de fouilles et les méthodes sûres de transport de ces larges squelettes fragiles. On décide alors de retenir les services de la famille Sternberg de Lawrence, au Kansas. Le père, Charles H. Sternberg, est un collectionneur de fossiles professionnel pour divers musées depuis 1876. Ses trois fils, George F. Sternberg, Charles M. STERNBERG et Levi Sternberg, apprennent les techniques de leur père et deviendront eux-mêmes des collectionneurs réputés.
La première expédition Sternberg pour le compte de la CGC a lieu en 1912. Les participants visitent alors la région où s'était rendu Brown en tournée de reconnaissance en 1909. Ils remportent quelques succès, mais ils se déplacent en 1913 vers le champ situé plus au sud, alors connu sous le nom des badlands Stephenville, aujourd'hui le parc provincial Dinosaur. Ils y trouvent de nombreux spécimens importants qui sont aujourd'hui au MUSÉE CANADIEN DE LA NATURE, à Ottawa. En 1916, C.H. Sternberg et son fils Levi quittent la CGC pour travailler pour d'autres musées et le fils aîné, George, les suit en 1918. Charles M. Sternberg, le deuxième fils, restera à la CGC et au Musée national du Canada jusqu'à la fin de sa carrière, devenant une sommité mondiale sur les dinosaures.
Outre les spécimens exposés à Ottawa, les squelettes de dinosaures recueillis par les Sternberg en Alberta sont aujourd'hui conservés au MUSÉE ROYAL DE L'ONTARIO à Toronto, à l'U. DE L'ALBERTA à Edmonton, au American Museum of Natural History à New York, au Field Museum à Chicago, au San Diego Museum en California et au British Museum (Natural History) à Londres, en Angleterre.
Initiatives provinciales
En 1956, le gouvernement de l'Alberta lance un programme d'exposition des dinosaures, d'abord au parc provincial Dinosaur, près de Brooks. Le programme atteint son point culminant lors de l'ouverture, en 1985, du ROYAL TYRRELL MUSEUM OF PALAEONTOLOGY, à Drumheller, un établissement de calibre mondial qui se consacre à la recherche sur les dinosaures et autres fossiles ainsi qu'à des expositions.
Les fossiles de dinosaures étant irremplaçables, les gouvernements de l'Alberta et de la Saskatchewan ont adopté des lois pour interdire l'enlèvement sans discernement de ces ressources historiques. En Alberta, les collectionneurs éventuels de fossiles doivent obtenir la permission écrite du gouvernement provincial.
La collecte
La collecte de fossiles de dinosaures sur le terrain consiste en deux étapes distinctes, soit la découverte et l'excavation. Aucune technique moderne n'a encore supplanté la méthode traditionnelle de prospection, qui est un examen visuel de la surface, tout simplement. Il faut pour s'y adonner des yeux perçants et habitués et des jambes solides et agiles. Le chasseur de dinosaures se munit d'un outil pour creuser, en général un pic léger, qui sert à faire des sondages exploratoires et l'aide à grimper des pentes abruptes.
Une équipe de prospection est habituellement composée de trois personnes. Chacune se concentre sur un niveau en particulier des sols exposés. Dans les badlands de la rivière Red River, les surfaces exposées sont situées dans un dédale de ravins aux versants abrupts. Tout en restant le plus possible au niveau sur lequel il travaille, le chasseur de fossiles se déplace le long des parois, monte un versant du ravin puis descend l'autre. Il est important de faire un examen exhaustif des surfaces rocheuses, mais souvent, un intervalle abrupt force le chasseur à faire un détour par le haut ou par le bas, puis à remonter à son niveau initial. Le travail est ardu et fatiguant, mais de savoir que la découverte de l'année se trouve peut-être à quelques mètres suffit pour motiver le chasseur de fossiles.
Il n'existe aucun moyen de déceler un os fossilisé à moins qu'il ne soit exposé. Le fossile est fragile et se brise facilement et, à cause de l'érosion naturelle, des morceaux tombent et se répandent le long des pentes et des sillons d'érosion. Ce sont les « roulants », que le chercheur de fossiles suit jusqu'à ce que leurs traces disparaissent ou qu'ils révèlent des os encore en place faisant saillie dans les surfaces rocheuses. Les fossiles d'os sont en général facilement reconnaissables à leur surface extérieure polie ou, s'il s'agit de morceaux, à leur structure interne en couches ou en nid d'abeilles. Les os entiers se reconnaissent à leur forme et à leur éclat unique, facile à voir au soleil.
L'importance de la découverte est révélée en découvrant soigneusement l'os, à l'aide d'un pic ou d'un outil à main comme un poinçon et un petit balai pour enlever les débris. Si l'os est prometteur, la deuxième étape de la collecte commence : on exhume les os pour les envelopper et les retirer du sol. On forme un genre de carrière en excavant les couches rocheuses supérieures. Plus la pente est abrupte, plus l'excavation doit être élevée pour obtenir une surface de travail plate au-dessus des os.
Le principe de base de mise au jour des spécimens est d'exposer l'os le moins possible, juste assez pour déterminer l'étendue et l'orientation de la roche. L'excavation suit le contour des os, en réduisant l'exposition au minimum et en dégageant un plan où affleurent des parties d'os. Dès qu'il est à l'air libre, l'os fossile doit être protégé pour ne pas qu'il se désintègre davantage. Les surfaces exposées sont durcies et scellées à l'aide d'un fin ciment liquide, qui pénètre bien et prend rapidement.
Une fois que la zone occupée par les os est délimitée par un plan, une tranchée est creusée autour du périmètre, à une profondeur bien au-dessous du niveau des os. La tranchée est ensuite minée aussi loin sous la couche contenant les os que le permettent les outils manuels et la stabilité de la matrice. On peut alors enlever les débris rocheux dégagés de la surface.
Selon la dureté de la roche, les outils sont des grattoirs ou des ciseaux à froid. Dans certains cas, un marteau pneumatique ou électrique est indiqué. Les débris sont balayés ou pelletés, et les surfaces de l'os bien imprégnées de ciment. Une fois le ciment sec, du papier de riz ou des mouchoirs de papier sont placés sur l'os exposé et mouillés à l'aide d'une brosse ou d'un arrosoir. Cette opération sert à séparer l'os du bandage de plâtre.
De la toile de jute est coupée en longues bandes d'environ 12 cm de largeur et le plâtre liquide est préparé. Une bande à la fois est roulée dans le liquide pour imprégner la toile de jute et former un rouleau facile à manipuler. La toile de jute imprégnée de plâtre est alors déroulée sur la roche et la surface osseuse et aplatie pour une bonne adhésion. Les bandes sont déroulées jusqu'au bord de la roche et rentrées dans l'espace sous-cavé. Des bandes successives de jute sont appliquées, chacune chevauchant la précédente d'environ 2,5 cm, jusqu'à ce que le bloc entier soit recouvert.
Une fois que le recouvrement de plâtre a durci, parfois jusqu'au lendemain, le bloc de la matrice et des os est sous-cavé encore plus profondément, jusqu'à ce que le piédestal qui reste soit assez petit pour être fendu par une pression soigneusement appliquée au moyen d'un levier. Le bloc est ensuite retourné. La surface ainsi découverte, non bandée, demeure intacte si elle est suffisamment forte et pas trop large. Une fois le bloc retourné, on peut retirer la roche excédentaire, comme on l'a fait pour le dessus. Les os exposés sont cimentés et recouverts de papier, et les bouts des bandes qui dépassent sont coupés au ras de la matrice. Puis, des bandes de plâtre sont appliquées sur le dessous retourné, les bords chevauchant étroitement les bandes du dessus.
Si le spécimen est de trop grande taille pour être bandé et transporté en un seul bloc, il est divisé en sections, chacune bandée séparément. Une fois que les sections sont durcies et sèches, elles sont étiquetées et transportées au lieu d'emballage, ce qui est parfois difficile à cause de la difficulté d'accès à la carrière. Dans les premiers temps, on se servait d'un petit traîneau de bois. La section était fixée au traîneau par une corde et la charge était tirée par un attelage de chevaux. De nos jours, les véhicules à quatre roues motrices et les treuils mécaniques rendent la tâche plus facile et des hélicoptères ont été utilisés en Saskatchewan et en Alberta pour sortir de gros spécimens.
Les premiers collectionneurs n'avaient à leur disposition que leur force et celles de leurs chevaux pour excaver et transporter les blocs préparés. Les automobiles ont fait leur apparition dans les champs de fossiles albertains en 1921, et le transport motorisé s'est graduellement amélioré. Les marteaux pneumatiques accélèrent l'excavation. La dynamite peut servir à rendre la surface meuble ou à briser les couches rocheuses compactes. Des roulottes ont remplacé les tentes et les installations de cuisine sont aujourd'hui équipées de réchauds au naphta et de réfrigérateurs au propane. Il n'en reste pas moins qu'une chasse aux dinosaures fructueuse exige encore du chasseur qu'il marche, qu'il grimpe et qu'il soit capable de reconnaître et d'interpréter une découverte potentielle à partir de quelques fragments. Voir aussi PALÉONTOLOGIE.