Les revendications particulières découlent des griefs des Premières Nations au sujet des obligations de traités qui n’ont pas été remplies, ou de l’administration de terres et de biens autochtones en vertu de la Loi sur les Indiens. Les revendications particulières ont été traitées par de nombreux organismes depuis 1973. Le Tribunal des revendications particulières, un organisme judiciaire indépendant créé par le gouvernement fédéral en 2009, a le pouvoir de rendre des décisions finales et exécutoires.
Historique des revendications particulières
La Proclamation royale de 1763 stipule que seule la Couronne britannique peut négocier des traités avec les peuples autochtones pour ce qui est de l’achat de terres autochtones au Canada. Le gouvernement britannique et, après 1867, le gouvernement canadien concluent des traités avec divers groupes Autochtones afin de légitimer l’installation des colons européens sur leurs terres.
Avec le temps, la colonisation du Canada par les immigrants fait des premiers habitants de ces terres une minorité au sein d’une économie agricole et industrielle en pleine croissance. Dans certains cas, les bandes qui ont signé des traités perdent le contrôle de leurs terres en raison de la vente ou location illégale des terres de réserve (en vertu de la Loi sur les Indiens), ou par le biaise d’activités frauduleuses des employés du ministère des Affaires indiennes qui vendent ou louent ces terres de réserves. Dans d’autres cas, les terres promises par les traités ne sont jamais attribuées. Dans d’autres cas encore, les communautés reçoivent des compensations inadéquates pour la vente de terres de réserve ou les dommages causés.
Les peuples autochtones qui vivent sur des réserves isolées n’ont que peu de moyens de gagner leur vie après que les méthodes traditionnelles soient devenues illégales ou impossibles. Ces conditions sont aggravées par le fait que le gouvernement ne respecte pas les traités et les obligations légales d’allouer aux peuples autochtones des terres de réserve et de protéger ces terres contre tout empiétement, de fournir de l’aide pour effectuer une transition vers une économie agricole, et de protéger les fonds et autres biens des Premières Nations.
Les revendications particulières découlent de griefs concernant des obligations conventionnelles non réglées ou de l’administration de terres et de biens en vertu de la Loi sur les Indiens.
Processus de négociation des revendications particulières de 1973 à 2007
Certaines communautés font entendre leurs revendications à partir de la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Cependant, entre 1927 et 1951, la Loi sur les Indiens interdit aux bandes d’utiliser leurs fonds pour poursuivre le gouvernement fédéral en justice. Les allégations formulées par les Premières Nations selon lesquelles le Canada n’a pas rempli ses obligations en vertu des traités et de la Loi sur les Indiens sont donc alors largement ignorées.
En 1947, un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes recommande la création d’une « commission de revendications » « pour enquêter sur les clauses de tous les traités conclus avec les Indiens […] et pour évaluer et régler de façon juste et équitable toutes revendications ou tous griefs qui en découlent ». Un comité mixte, de1959 à 1961, recommande qu’une Commission des revendications autochtones soit mise sur pied pour enquêter sur les griefs fonciers en Colombie-Britannique et à Oka, au Québec. Un projet de loi de 1969 fait ces mêmes suggestions, mais aucune commission n’est mise sur pied.
En 1973, l’Affaire Calder ouvre la possibilité de reconnaître légalement le fait que les titres autochtones sur les terres sont toujours valides malgré la colonisation par les Européens. Ceci incite le gouvernement fédéral à examiner la façon dont sont traitées les revendications territoriales des Autochtones. Dans un nouveau processus, le Bureau des revendications des Autochtones est mis sur pied en 1974 au sein du gouvernement fédéral et il distingue deux types de revendications : celles qui sont fondées sur l’argument selon lequel les titres fonciers des Autochtones n’ont jamais été annulés dans les régions du Canada non couvertes par les traités historiques, c’est-à-dire dans une grande partie du Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans l’est du Canada, au Québec et dans la Colombie-Britannique (revendications globales); et celles découlant d’accusations selon lesquelles le gouvernement fédéral n’a pas respecté ses obligations légales en vertu des traités et autres lois (revendications particulières).
Les groupes autochtones critiquent constamment le conflit d’intérêts inhérent au fait qu’un organe du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), le Bureau des revendications des Autochtones, soit chargé d’évaluer et de négocier des revendications dirigées contre lui-même. En 1981, seulement 12 des quelque 250 revendications particulières présentées au gouvernement sont réglées. Le rapport Penner de 1983, sur l’autonomie gouvernementale des Indiens, recommande que le Bureau des revendications des Autochtones soit remplacé par un organe indépendant. Après la montée de la crise d’Oka qui débute durant l’été 1990, le premier ministre Brian Mulroney annonce la création d’un groupe de travail mixte composé de membres de l’Assemblée des Premières Nations et du MAINC afin de développer un processus indépendant de règlement des revendications. De plus, Brian Mulroney annonce la création de la Commission des revendications particulières des Autochtones (aussi connue sous le nom de Commission des revendications des Indiens), un organisme consultatif indépendant et temporaire chargé d’examiner les revendications particulières rejetées par le gouvernement.
De 1991 à 2009, les six commissaires de la Commission des revendications des Indiens étudient les revendications particulières rejetées par le gouvernement. La Commission ne peut cependant rendre que des décisions non contraignantes sur la manière dont ces revendications devraient être réglées; en d’autres termes, ses décisions peuvent en fait être ignorées par le gouvernement du Canada. Durant toutes les années où elle est en activité, les rapports annuels de la Commission des revendications des Indiens font état d’appels en faveur de la création d’un nouvel organisme indépendant ayant l’autorité de rendre des décisions concernant les revendications, des décisions que les deux parties seraient obligées d’accepter.
Le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones, publié en 1996, contient une recommandation similaire selon laquelle un tribunal indépendant devrait être mis sur pied pour faciliter les négociations entre le Canada et les groupes autochtones au sujet des questions territoriales et des revendications historiques. Une tentative de former un tel tribunal au début des années 2000 échoue cependant.
Tribunal des revendications particulières de 2007 à aujourd’hui
Le 12 juin 2007, le premier ministre Stephen Harper et le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, annoncent la réforme du système de règlement des revendications particulières et la création d’un tribunal doté de juges impartiaux qui ont le pouvoir de prendre des décisions finales et exécutoires, ainsi que d’octroyer des compensations. Le projet de loi C-30, la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, reçoit la sanction royale en juin 2008.
Le Tribunal des revendications particulières ouvre ses portes à la fin de l’année 2009. Les revendications particulières sont toujours reçues en premier lieu par le service des revendications du ministère des Affaires autochtones, maintenant connu sous le nom de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, qui dispose de trois ans pour évaluer chaque revendication et décider de l’accepter ou non pour négociation. Si la revendication est acceptée pour négociation, le gouvernement dispose de trois années supplémentaires pour parvenir à un règlement. Si la revendication n’aboutit pas à règlement dans ce délai, une Première Nation peut déposer la revendication auprès du Tribunal des revendications particulières indépendant. Autrement, si la revendication est rejetée durant la période initiale de trois ans, elle peut être déposée auprès du Tribunal.
Le gouvernement fédéral finance la recherche et la présentation des revendications particulières. Ces prêts doivent être remboursés avec les sommes des règlements éventuels.
Au Tribunal des revendications particulières, les revendications rejetées par le gouvernement sont entendues par des juges, souvent dans la communauté d’origine. Le Tribunal a le pouvoir d’accorder une compensation financière pouvant aller jusqu’à un maximum de 150 millions de dollars.
Dans son rapport annuel daté de septembre 2014, le juge Harry A. Slade avertit que le Tribunal « ne dispose pas d’un personnel suffisant pour traiter en temps opportun l’ensemble des dossiers présents et futurs, voire pas du tout ». Le Tribunal a déjà rendu des décisions ayant des retombées importantes pour l’avenir des négociations territoriales au Canada (par exemple, la revendication de la Première Nation Kitselas, en Colombie-Britannique). Il reste à voir si le Tribunal des revendications particulières remplira son mandat d’accélérer les règlements définitifs et d’éliminer le retard des revendications non réglées accumulé depuis des décennies.