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Robert Silverman (Bicycle Bob)

Robert Silverman (alias Bicycle Bob), vélopositif, militant (né le 30 novembre 1933 à Montréal, au Québec; décédé le 20 février 2022 à Sainte-Agathe-des-Monts). Il est reconnu pour ses efforts visant à promouvoir le vélo comme principal moyen de transport à Montréal (voir Bicyclette). Connu du grand public pour ses méthodes de protestation théâtrales, il visait également à développer et à améliorer la sécurité des infrastructures cyclables (voir Citoyenneté active; Contestation politique). Robert Silverman a cofondé le groupe de défense et de sécurité des cyclistes Le Monde à bicyclette et on lui attribue le mérite d’avoir jeté les bases sociales et culturelles du vaste réseau de pistes cyclables de Montréal et de l’atmosphère générale conviviale pour les cyclistes.

Robert Silverman, alias Bicycle Bob, vélopositif et militant, vers 2015.

Jeunesse

Robert Silverman grandit dans le quartier Snowdon de Montréal. Il fréquente l’université Sir George Williams (aujourd’hui l’Université Concordia), mais n’obtient pas de diplôme universitaire. Au milieu de la vingtaine, il ouvre une librairie au centre-ville de Montréal. Après la faillite du commerce, il voyage et vit à Cuba, en Israël et en France.

En 1961, Robert Silverman épouse Edith Rosenkranz. Après le divorce du couple, Edith Rosenkranz perd la vie dans un accident de voiture en France. Sa mort affecte profondément Robert Silverman, ce qui contribue à son activisme cycliste.

Cyclisme et activisme

Alors que le vélo est un moyen de transport bien établi en Europe, cette pratique est relativement peu répandue en Amérique du Nord dans les décennies d’après-guerre (voir Bicyclette). Ce n’est qu’à la fin des années 1960 et au début des années 1970 que le cyclisme commence à se développer, en grande partie dans le cadre de la contre-culture et des mouvements écologistes de l’époque. Le cyclisme n’est pas bien implanté à Montréal ni au Québec et cette pratique est extrêmement risquée dans les années 1960 et 1970. Entre 1966 et 1976, 68 cyclistes sont tués en moyenne chaque année sur les routes du Québec. En 1974, on rapporte le décès de 86 cyclistes au Québec. Malgré ce qu’on appelle un « bike boom » mondial, Montréal ne dispose ni de pistes cyclables ni d’installations de stationnement pour vélos au début des années 1970. C’est dans ce contexte que Robert Silverman consacre sa vie à l’amélioration de la sécurité à bicyclette à Montréal.

Le Monde à bicyclette

L’activisme cycliste de Robert Silverman se limite au départ au petit cercle de vélopositifs principalement anglophones qui gravitent autour du secteur de la Lower Main du Plateau-Mont-Royal à Montréal (voir Rues emblématiques au Canada). C’est par hasard qu’il lit une lettre de Jacques Desjardins dans le bulletin de la Fédération québécoise de cyclotourisme (aujourd’hui appelée Vélo-Québec). Cette lettre soutient que le cyclisme peut être plus qu’une activité récréative et que la bicyclette a le potentiel de devenir un élément clé du transport urbain. Ces idées séduisent Robert Silverman qui convie Jacques Desjardins et d’autres personnes aux vues similaires à une réunion dans son appartement de Montréal. Cette réunion mène à la création du groupe de défense du cyclisme Le Monde à bicyclette en 1975. Le groupe est reconnu comme étant la première organisation de défense des droits des cyclistes en milieu urbain au Canada. (Voir aussi Citoyenneté active.)

Le saviez-vous?
Le Monde à bicyclette sensibilise la population à la pratique du vélo à Montréal en organisant des événements publics et des manifestations. Parmi les premiers efforts de sensibilisation, mentionnons :

  • la remise d’une bicyclette au maire de Montréal de l’époque, Jean Drapeau;
  • un défilé de 3 000 cyclistes;
  • une course entre un autobus, une voiture et une bicyclette (remportée par le cycliste).

Moyens de manifestation

Robert Silverman et les membres du Monde à bicyclette se forgent une réputation d’activisme efficace et accrocheur qui prend souvent une allure théâtrale (voir Citoyenneté active; Contestation politique). Robert Silverman qualifie ces manifestations publiques spectaculaires de « cyclodrames ». Un an après la fondation du Monde à bicyclette, les membres mettent en scène leur premier « die-in », une tactique provocatrice de défense du cyclisme qui implique des personnes allongées dans la rue, feignant d’être mortes. Ces die‑in représentent les cyclistes et piétons qui ont perdu la vie au cours d’accidents d’automobile. Les membres du Monde à bicyclette soulignent également la nécessité d’améliorer les infrastructures cyclables en peignant, sans autorisation, des pistes cyclables dans les rues de la ville.


Robert Silverman est également connu pour son rôle de premier plan dans ces manifestations théâtrales. Pour démontrer la nécessité d’un réseau cyclable plus étendu, Robert Silverman se déguise en Moïse « séparant les eaux » du fleuve Saint-Laurent pour permettre le passage des cyclistes. Il transporte également de gros objets, tels des échelles, des voitures d’enfant, des skis et une silhouette d’éléphant en carton, dans le métro de Montréal afin de protester contre l’interdiction de transporter des bicyclettes, imposée par la société de transport (aujourd’hui, les bicyclettes sont autorisées dans le métro et les trains de banlieue de Montréal. Une autre action consiste à rouler dans la ville sur des bicyclettes munies de cadres de bois de la taille d’une voiture, afin de montrer l’espace que les voitures occupent dans les rues.

Poésie et terminologie du cyclisme

Robert Silverman écrit des poèmes pour exprimer son amour pour la bicyclette et pour partager ses opinions critiques sur l’automobile. Il élabore également un groupe particulier de termes qu’il utilise fréquemment lors de ses campagnes pour promouvoir les déplacements à bicyclette et améliorer l’opinion publique à l’égard des cyclistes (voir Bicyclette).

Vélorution  : un mot-valise résultant de la fusion du synonyme de bicyclette en langue française (vélo) et de révolution. Ce terme est utilisé par Robert Silverman pour indiquer que sa protestation et sa désobéissance civile aboutiraient à une révolution pro-cyclisme à Montréal et dans d’autres villes canadiennes.

Cyclodrames : un jeu de mots avec cycle dramatique et cyclorama. Le cycle dramatique est un terme utilisé par les spécialistes du théâtre médiéval pour décrire les épisodes utilisés pour démontrer l’évolution du christianisme. Un cyclorama est un bâtiment construit spécifiquement pour abriter une image panoramique souvent en trois dimensions. Robert Silverman a combiné ces deux mots pour décrire les spectacles de théâtre de rue qu’il organise pour attirer l’attention sur les problèmes qu’éprouvent les cyclistes.

Auto-cratie : une adaptation du mot autocratie, qui désigne un système de gouvernement dirigé par un chef absolu, un autocrate ou un dictateur. En plaçant un trait d’union dans le mot, Robert Silverman souligne la place absolue de l’automobile dans la société contemporaine et la primauté des besoins et des désirs des automobilistes.

Bikeshevik : un hybride des mots bike et Bolshevik. Un bikeshevik est une personne engagée à temps plein dans la révolution cycliste.

Politique

Avant de s’engager dans la cause du cyclisme urbain, Robert Silverman est politiquement actif. Il s’oppose ouvertement à la guerre des États-Unis au Vietnam (voir Guerre du Viêt Nam). Il se présente également à deux reprises à des élections locales, d’abord comme candidat du Parti vert en 1984, puis comme candidat pour Montréal écologique en 1990. (Voir aussi Mouvements écologistes au Canada.) Il est aussi actif au sein de l’organisation Voix juives indépendantes (Canada) et défend les droits des Palestiniens.

Héritage

Robert Silverman met fin à sa collaboration avec Le Monde à bicyclette dans les années 1990. À cette époque, la ville de Montréal fait d’importants progrès au chapitre du développement des infrastructures cyclistes, notamment en construisant des pistes cyclables, en permettant le transport des vélos dans le métro de la ville et en créant une voie cyclable vers la Rive-Sud de Montréal. En 2008, le rêve de Robert Silverman d’une piste cyclable protégée à travers le centre-ville se réalise avec la piste cyclable Claire Morissette, du nom de son amie la militante bien connue de la cause cycliste à Montréal.

Signalisation de la piste cyclable Claire Morissette à Montréal, au Québec, vers 2009.

Les efforts inlassables de Robert Silverman pour promouvoir le cyclisme, ainsi que sa participation au Monde à bicyclette, ont contribué à faire de Montréal l’une des villes les plus accueillantes pour les cyclistes en Amérique du Nord. On compte aujourd’hui plus de 3 000 km de pistes cyclables dans le Montréal métropolitain. La ville de Montréal construit également le Réseau express vélo, un réseau de 184 km de voies cyclables protégées. Le Monde à bicyclette est dissous en 1998, mais une nouvelle organisation nommée Encore du monde à bicyclette voit le jour en 2014 pour poursuivre le travail de Robert Silverman.