Shaaw Tláa (alias Kate Carmack), (née v. 1857-1867 près de l’actuel lac Bennett, dans le territoire du Yukon; décédée le 29 mars 1920 à Carcross, au Yukon). Membre du peuple Tagish, Shaaw Tláa (prononcer Shaw Claw) faisait partie du groupe qui a découvert de l’or près de la rivière Klondike en 1896, déclenchant la ruée vers l’or du Klondike. Elle et son mari George Carmack, un Américain blanc, avaient passé une dizaine d’années à chercher de l’or au Yukon. Leur concession aurifère leur a rapporté un million de dollars; cependant, George a plus tard abandonné sa femme, qui n’a pas réussi devant les tribunaux à obtenir sa moitié de la fortune.
Jeunesse
Shaaw Tláa voit le jour entre 1857 et 1867 dans la région du lac Bennett, à la frontière actuelle entre la Colombie-Britannique et le Yukon. Elle fait partie du clan dakl’aweidí (épaulard). Sa mère Gus’dutéen appartient au clan du loup des Tagish et son père Kaachgaawáa dirige le clan du corbeau chez les Tlingit. Avec ses sept frères et sœurs, Shaaw Tláa grandit dans la région centre sud du Yukon, où la famille se déplace au gré des saisons, vivant de la terre et étant gardienne de la terre.
Le premier mari de Shaaw Tláa est Kult’ús, un cousin tlingit. Ils vivent dans un village côtier appelé Lkoot, près de l’actuelle ville de Haines, en Alaska. Kult’ús et leur fillette en bas âge sont emportés par l’épidémie de grippe qui ravage l’Alaska vers 1886. Shaaw Tláa retourne à sa famille tagish et fait la rencontre de George Carmack, un Américain blanc qui a déserté le Corps des Marines des États-Unis et tenté sa chance comme éleveur et berger avant de partir en Alaska pour faire de la prospection. Une première épouse, qui est la nièce ou la sœur de Shaaw Tláa, meurt après quelques mois de mariage. Comme le veut la coutume chez les Tlingit, la famille encourage un remariage rapide : c’est ainsi que Shaaw Tláa et George Carmack s’unissent en 1886 ou 1887. Or, il n’y a pas de trace juridique de leur mariage, ce qui causera plus tard des difficultés à Shaaw Tláa. George donne à sa femme le nom anglais de Kate.
Prospection
En 1899, George Carmack et Shaaw Tláa se mettent en quête d’or. Pendant les 10 premières années de leur mariage, ils ont parcouru le district de Forty Mile au Yukon, pratiquant la chasse, le piégeage, le commerce et l’exploitation des placers (la recherche d’or dans les ruisseaux et le lit des rivières). Leur fille Aagé (Graphie Grace) est née le 11 janvier 1893 à Fort Selkirk. La famille survit en partie grâce aux techniques que Shaaw Tláa a apprises auprès des femmes tagish and tlingit de sa famille. Pour subvenir aux besoins, Shaaw Tláa coud des vêtements qu’elle vend aux mineurs, chasse le gibier, pêche le poisson et pratique la cueillette.
La découverte de l’or et la ruée vers le Klondike
En 1896, le frère de Shaaw Tláa, Keish (ou Kèsh, aussi appelé Skookum Jim), et son neveu Káa Goox (aussi appelé Dawson Charlie) viennent rejoindre le couple, dont ils n’ont pas eu de nouvelles depuis quelques années. Le 17 août 1896, les quatre découvrent de l’or dans le ruisseau Rabbit (qu’on renommera plus tard ruisseau Bonanza), un affluent de la rivière Klondike. Différentes versions de l’histoire circulent, qui attribuent la découverte à différents membres du groupe.
Quoi qu’il en soit, c’est George Carmack qui jalonne le premier claim minier, suivi de Keish et de Káa Goox. La découverte provoque la ruée vers l’or du Klondike, qui voit affluer quelque 30 000 chercheurs d’or dans la région et fait naître des établissements permanents, comme Dawson City. C’est un événement marquant dans l’histoire du Yukon, qui fera entrer le territoire dans la Confédération (voir Le Yukon et la Confédération).
Incapables d’encaisser leurs richesses aussitôt, les quatre découvreurs passent un hiver difficile au Klondike. Pour survivre, Shaaw Tláa continue de vendre des articles aux mineurs et poursuit son activité de piégeage et de cueillette. Pendant deux saisons, ils exploitent leur concession aurifère et amassent un million de dollars en or. Shaaw Tláa possède de bijoux en pépites d’or et raconte que leurs planchers étaient couverts de pépites.
L’Amérique après la ruée
En 1898, les découvreurs du Klondike voyagent jusqu’à Seattle avec leur fortune toute neuve. George Carmack fait étalage de sa richesse; un journal rapporte que lui et ses acolytes jettent des pièces aux passants depuis leur chambre d’hôtel à l’étage. C’est la première fois que Shaaw Tláa sort du Grand Nord. De Seattle, la famille se rend à San Francisco, puis pousse plus au sud en Californie pour séjourner chez la sœur de George. De retour à Dawson City, ce dernier s’éprend de Marguerite Laimee, une tenancière de bordel, qu’il épouse en octobre 1900 en prétendant que lui et Shaaw Tláa n’ont jamais été mariés légalement.
Shaaw Tláa demande le divorce pour motif de désertion et d’adultère. Elle exige la moitié des biens du ménage, dont les concessions au Klondike et les avoirs aux États-Unis. Elle perd sa cause et ne recevra jamais sa part de la fortune amassée. Après sa mort, cependant, un juge statuera que son mariage avec George Carmack était légitime lors d’une poursuite intentée par sa fille Aagé (Graphie Grace) et une sœur de George, Rose.
Fin de vie et héritage
Rentrées au Yukon vers l’an 1900, Shaaw Tláa et sa fille Aagé (Graphie Grace) vivent chez les Tagish à Carcross. En 1909, Aagé s’en va rejoindre son père aux États-Unis. Shaaw Tláa ne la reverra plus jamais. Elle passe le reste de sa vie dans une cabane que Keish a construite pour elle, subsistant grâce à une pension de l’État et aux ouvrages à l’aiguille qu’elle vend aux touristes. Le 29 mars 1920, elle meurt à Carcross, emportée par une épidémie de grippe.
Pendant longtemps, le rôle de Shaaw Tláa dans la ruée vers l’or du Klondike a été largement oublié. Comme elle ne savait ni lire ni écrire, son histoire s’est perpétuée dans la tradition orale et l’étude des écrits laissés par d’autres. Elle a toutefois joué un rôle important dans un événement qui a façonné l’histoire du Yukon et du Canada.
Shaaw Tláa a été intronisée au Temple de la renommée du secteur minier du Canada en 2019, soit 20 ans après les autres découvreurs du Klondike. En 2021, la Monnaie royale canadienne a émis une pièce commémorative d’un dollar à leur effigie, à l’occasion du 125e anniversaire de la ruée vers l’or du Klondike.