Jeunesse
En général, les historiens s’entendent pour dire que Mary Brant voit le jour en 1736. On suggère deux lieux de naissance possibles: la maison de sa famille, dans le village mohawk Canajoharie, situé non loin de Little Falls, dans l’État de New York, en amont de la rivière Mohawk, ou encore la Ohio Valley, où ses parents vivent pendant un certain temps. Son frère Joseph (Thayendanegea) voit le jour à Cayahoga, près d’Akron, en Ohio.
Les parents de Mary Brant sont Margaret Onagsakearat et Peter (Tehowaghwengaraghkwin) (1707-1743), inscrits comme protestants à la chapelle de Fort Hunter à New York, en aval de la rivière. Au décès de Peter, alors que la famille vit près de la rivière Ohio, Margaret rentre à Canajoharie avec Mary et Joseph.
Margaret épouse alors Nickus Brant Canagaradunska, un Mohawk dont les ancêtres auraient été néerlandais, et qui s’habille et vit à l’européenne. Mary reçoit donc une bonne éducation selon le mode de vie européen.
Les Brant sont une famille mohawk de la plus haute distinction. Margaret aurait été la petite-fille du chef mohawk Hendrick (Theyanoguin, aussi connu sous le nom de Roi Hendrick, Hendrick Peters ou Tête blanche).
Éducation et leadership
Mary Brant a selon toute vraisemblance fréquenté l’une des écoles de mission de l’Église d’Angleterre dans la Mohawk Valley. Certaines sources affirment qu’elle apprend à très bien parler et écrire l’anglais, tandis que d’autres soutiennent, au contraire, qu’elle n’était que partiellement alphabétisée.
Vers la fin de son adolescence, en 1754-1755, Mary Brant accompagne une délégation de 12 aînés mohawks à Philadelphie afin de discuter de transactions foncières frauduleuses réalisées par des spéculateurs.
À l’âge adulte, Mary Brant reçoit le nom mohawk Degonwadonti ou Tekonwatonti, qui signifie «plusieurs contre une seule». Elle porte des habits traditionnels haudenosaunee (iroquois). Mary Brant est à la tête d’une société matrilinéaire mohawk traditionnelle des Six-Nations (Confédération iroquoise), au sein de laquelle elle détient un important pouvoir économique et une influence particulière auprès des guerriers iroquois, à qui elle peut opposer son veto.
Vie personnelle
Sir William Johnson, premier surintendant des peuples autochtones du nord de l’Amérique du Nord britannique, s’éprend de Mary Brant lors du voyage de retour de Philadelphie de celle-ci en 1755. Les Six-Nations honorent l’homme comme un bon ami et un conseiller.
Le couple vit sous le même toit sans se marier légalement (selon la tradition européenne), bien qu’il soit possible qu’il ait été marié dans la tradition mohawk. William Johnson traite Mary Brant avec énormément de respect, et celle-ci profite d’un style de vie luxueux dans une classe sociale supérieure. Lors des fréquentes absences de son partenaire [MF1][DA2], Mary Brant s’occupe de Fort Johnson, son domaine dans la Mohawk Valley, avec beaucoup d’habileté; elle gérera plus tard également son nouveau manoir, le Johnson Hall.
Peter, le premier enfant du couple, naît en 1759. La même année, Catherine Weissenberg, l’ancienne conjointe de fait de William Johnson, décède. Peter fait probablement ses premières années de scolarité dans la Mohawk Valley. En 1772, il se rend à Montréal pour poursuivre ses études. L’année suivante, il devient apprenti à Philadelphie, souhaitant devenir commerçant de marchandises sèches. Peter décède à Philadelphie en 1777 pendant son service dans le 26e régiment de fantassins durant la guerre d’indépendance américaine.
Le couple aura 7 autres enfants: un fils et six filles. Toutes les filles de Mary Brant épouseront des hommes non autochtones d’un certain prestige, à l’exception d’une, qui demeurera célibataire. Pendant plusieurs années, son autre fils, surnommé «Big George», exploite une ferme et enseigne dans une école de jour non loin de l’actuelle Brantford, en Ontario.
Après le décès de William Johnson en 1774, Mary Brant et son frère Joseph demeurent de fervents loyalistes qui se dévouent corps et âme à l’Empire britannique. Anglicane très croyante, Mary Brant assiste régulièrement aux offices religieux de l’église St. George’s à Cataraqui (aujourd’hui, Kingston, en Ontario).
Influence auprès des Britanniques et des Iroquois en temps de guerre
Pendant les hostilités qui déchirent la Grande-Bretagne et les colonies américaines – la guerre d’indépendance américaine éclate en 1775 –, Mary Brant demeure dévouée à la cause loyaliste et apporte un soutien d’une valeur inestimable aux Britanniques durant leurs négociations avec les Iroquois. Elle nourrit et soutient les loyalistes, en plus d’envoyer des munitions aux partisans du roi. En août 1777, les loyalistes et leurs alliés autochtones tendent une embuscade fructueuse aux Américains à Oriskany, dans l’État de New York, en grande partie grâce à l’avertissement donné par Mary Brant concernant l’approche d’une milice américaine nombreuse.
En guise de représailles, les Oneidas (avec, possiblement, le soutien d’autres peuples autochtones) attaquent et détruisent Canajoharie et Fort Hunter. Mary Brant et sa famille perdent alors la majeure partie de leurs biens. La famille se réfugie à Onondaga, près de Syracuse, dans l’État de New York (la capitale de la Confédération des Six-Nations).
Mary Brant déménage à Cayuga, dans l’État de New York, où vivent quelques membres de sa famille. Là-bas, elle encourage ses alliés autochtones à demeurer fidèles au roi. Elle s’attire le soutien unanime du conseil après avoir critiqué publiquement Kaieñˀkwaahtoñ, chef de guerre de la Confédération iroquoise, pour avoir recommandé la paix avec les Américains. Daniel Claus, sous-secrétaire aux Affaires indiennes, décrit ainsi son influence auprès des Iroquois: «Un seul mot sortant de sa bouche a plus de poids auprès des Cinq nations que mille mots sortant de la bouche de tout homme blanc, sans exception.»
À l’automne1777, Mary Brant déménage à Niagara, importante base militaire près de Youngstown, dans l’État de New York, où elle agit en tant que diplomate d’influence au service des Britanniques en prodiguant des conseils et en intercédant pour leurs alliés autochtones. À ces derniers, elle déconseille toute proposition irréfléchie au commandant du fort.
En 1779-1780, Mary Brant parvient, grâce à son grand talent de persuasion, à prévenir une révolte dans un important établissement des Six-Nations de Carleton Island, dans l’État de New York, contre le roi GeorgesIII. Le commandant Alexander Fraser attribue alors le «comportement étonnamment décent» du groupe à «l’influence positive de MlleMolly Brant, de loin supérieure à celle de tous les chefs réunis».
Après-guerre
En 1783, à l’issue de la guerre d’indépendance américaine, Mary Brant et sa famille se réfugient au Haut-Canada, s’installant à Cataraqui (aujourd’hui Kingston, en Ontario). La Couronne britannique lui accorde des terres et une généreuse pension militaire pour son service en temps de guerre et sa loyauté. Ses enfants ont également droit à une éducation gratuite. S’élevant à cent livres par année, la pension de Mary Brant constitue une somme considérable à l’époque, et la somme la plus importante jamais versée à une personne autochtone. Jusqu’à sa mort, elle jouera un rôle de premier plan au sein de la communauté de Cataraqui et dans la société mohawk. Mary Brant participe notamment à la fondation de la paroisse St George’s de Kingston en 1785. C’est la seule femme parmi les 54 fondateurs originaux de cette paroisse anglicane, aujourd’hui la plus ancienne en Ontario.
Le saviez-vous?
Mary Brant se lie d’amitié avec le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe et son épouse Elizabeth lorsque ceux-ci arrivent au Haut-Canada. Lorsque John Graves Simcoe tombe gravement malade, Mary Brant lui prépare un remède à base de racines d’acorus calamus (acore odorant), une plante traditionnelle des milieux humides. Dans son journal, Elizabeth Simcoe écrit que son époux réagit positivement au remède, «dans un très court laps de temps». (Voir aussi Médecine traditionnelle des Premières Nations au Canada.)
Décès
Mary Brant s’éteint le 16 avril 1796. Elle est enterrée au cimetière anglican de Cataraqui (aujourd’hui, le cimetière St. Paul’s à Kingston).
Héritage
Connaissant très bien les coutumes européennes, Mary Brant profite durant sa vie d’un statut et d’un pouvoir interculturels enviables, autant auprès des puissants Iroquois des Six-Nations (voir Confédération haudenosaunee) que des loyalistes. Ses compétences diplomatiques lui confèrent une influence considérable durant la guerre d’indépendance américaine, lorsqu’elle persuade les Six-Nations de maintenir leur alliance avec l’Angleterre.
Prix et distinctions
En 1986, Postes Canada honore la mémoire de Mary Brant en mettant en circulation un timbre conçu par Sara Tyson. Dix ans plus tard, la Ville de Kingston proclame le 25 août Journée commémorative Molly Brant et dévoile un buste en son honneur ainsi qu’une plaque historique à la maison de retraite Rideaucrest. La Fondation du patrimoine ontarien rend hommage à Mary Brant par l’installation d’une plaque commémorative dans un cimetière de Kingston, à l’angle des rues Queen et Montreal.
En 1994, Mary Brant est nommée personnage historique national par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada du gouvernement fédéral (voir Lieu historique). Sur la plaque de Mary Brant, dévoilée à Kingston, on peut lire: «Grande diplomate, la Mohawk Molly Brant exerça une influence extraordinaire sur la puissante Confédération iroquoise. [...] Ses efforts inlassables ont contribué à sauver le Canada de la conquête par les États-Unis.»
La Molly Brant Foundation, mise sur pied en 2005 pour mener des études de recherche sur les Autochtones dans la région de Kingston, est dissoute dix ans plus tard. En 2016, l’école primaire Molly-Brant ouvre ses portes à Kingston.