Sir Gordon Drummond
Drummond, Sir Gordon, officier de l'armée et administrateur colonial (né le 27 septembre 1772 à Québec; mort le 10 octobre 1854 à Londres). Premier officier canadien né au Canada à prendre le commandement du gouvernement civil et militaire, Sir Gordon Drummond est surtout reconnu pour sa conduite pendant la GUERRE DE 1812. Fils d'un trésorier-payeur des troupes britanniques, né en Écosse, Gordon Drummond retourne en Angleterre en 1776 au lendemain du décès de son père. Il connaît un avancement rapide : il s'enrôle dans l'armée britannique en 1789 et en mars 1794, il est nommé lieutenant-colonel du 8e régiment de Foot. Il prend part aux guerres des Provinces-Unies (Hollande) en 1794 et 1795, se distingue lors de la bataille de Nimègue, puis prend le commandement de son régiment lors de la reconquête par les Britanniques de l'Égypte en 1801. En 1798, il est promu colonel.
Ses années de service en Amérique du nord britannique
Après avoir rempli ses devoirs de service et de garnison en Jamaïque, Gordon Drummond, promu brigadier-général, retourne au Canada en juillet 1808 pour servir sous le commandement du général Sir James Henry Craig, commandant des forces en Amérique du Nord britannique. En 1811, il est promu lieutenant-général et sert brièvement en Irlande du Nord avant de retourner à Kingston le 3 décembre pour relever Francis de ROTTENBURG du commandement des forces britanniques du Haut-Canada. Les temps sont difficiles : les frontières de Detroit et de Niagara ont été ravies aux Britanniques, les défaites à MORAVIANTOWN et sur le LAC ÉRIÉ ont forcé l'évacuation des troupes. Les pénuries de vivres ajoutent à l'aversion qu'éprouvent militaires et civils envers la guerre. Les manifestations contre la guerre deviennent de plus en plus fréquentes et le soutien à l'ennemi s'affiche davantage.
Drummond ordonne une avancée sur les troupes américaines affaiblies, à FORT GEORGE, forçant les Américains à un repli. Par mesure de représailles, les Américains brûlent Newark le 10 décembre. Drummond arrive le 16 décembre et ordonne à ses hommes d'attaquer Fort Niagara, dans l'État de New York. Les troupes se précipitent pour traverser la rivière et se ruent sur le fort le 19 décembre, faisant plus de 300 prisonniers américains et s'emparant de grandes quantités de vivres et de matériel dont ils ont un urgent besoin. Les troupes commandées par le major-général britannique Phinneas RIALL traversent la rivière le jour suivant et dans la foulée, mettent la ville de Lewiston à feu et à sang. Riall ordonne d'autres raids, chasse les miliciens américains et demande à ses hommes de raser la ville de Black Rock (Buffalo) pour venger la destruction de Newark. La campagne agressive, brève et résolue menée par Drummond permet aux Britanniques de reprendre le contrôle du front Niagara.
Administration coloniale
Drummond est par ailleurs très critique de la politique au Haut-Canada, il appuie l'adoption de lois strictes contre les sympathisants aux Américains, y compris la suspension de l'habeas corpus pour tous ceux qui sont accusés d'aider l'ennemi et de s'en faire le complice. Il fait augmenter le nombre de procès, de peines d'emprisonnement et de pendaisons pour tous ceux qui sympathisent avec l'ennemi. Il abroge la loi martiale impopulaire dans certains districts agricoles, mais quand il apprend que la population continue d'engranger des vivres, il la remet à l'ordre du jour dans toute la province pour lutter contre les pénuries de nourriture. Drummond est obligé de maintenir la loi martiale par inévitable nécessité.
En planifiant les campagnes de 1814, Drummond de même que Sir George PREVOST et Sir James Lucas YEO sont convaincus que le contrôle du lac Ontario est essentiel à une victoire britannique. Pour qu'il y ait victoire, il faut toutefois détruire la capacité américaine de construire des navires et par conséquent, une attaque de SACKETS HARBOR, dans l'État de New York, le principal chantier maritime des Américains sur les lacs, est capitale. Drummond trace des plans, mais Prevost continue de lui refuser les renforts qu'il exige, stationnés au Bas-Canada. Il en résulte que la cible de l'attaque doit être modifiée et Drummond doit se contenter d'attaquer le dépôt le moins défendu à Oswego, dans l'État de New York, parce que les vivres et le matériel destinés à Sackets Harbor peuvent être facilement détruits. Drummond lance l'assaut le 6 mai. On croit d'abord à une franche victoire, mais le raid ne permet pas de détruire le matériel destiné à Sackets Harbor : les Américains emportent avec eux le matériel en empruntant les voies navigables. Yeo dépêche des chaloupes canonnières pour les abattre, mais elles sont défaites et saisies à Sandy Creek, New York, le 30 mai 1814.
Invasion américaine
Désespéré, sur la défensive, Drummond doit faire face à la menace d'une invasion. Le major-général américain Jacob Jennings Brown a traversé la rivière Niagara avec 4000 hommes et s'est emparé de Fort Érié. Les efforts de Riall d'arrêter l'avant-garde américaine à CHIPPAWA échouent. Alors que les Américains attendent deux semaines que les pièces d'artillerie nécessaires soient livrées pour lancer un coup fatal contre Fort George ou Fort Niagara, Drummond somme les renforts de York et Kingston de se poster à la frontière et quitte York sur un navire pour lancer l'assaut contre Brown. Le 25 juillet, les deux armées se battent à la bataille de LUNDY'S LANE, près des chutes du Niagara. Brown qui avait reçu des renforts est à la tête de 3000 hommes alors que Drummond ne dispose, lui, que de 2800 hommes. Une bataille féroce et violente s'ensuit et se poursuit jusqu'à ce que les Américains finissent par abandonner Fort Érié. Chaque armée recense plus de 850 victimes, ce qui fait de Lundy's Lane la bataille la plus sanglante ayant jamais eu lieu en sol canadien. Drummond a été blessé et doit remettre le commandement au brigadier-général Eleazar Wheelock Ripley, qui prend la tête du repli vers Fort Érié.
Au début du mois d'août, alors que les Américains établissent leur camp dans un fort construit à la hâte, Drummond ordonne un raid sur leur dépôt de vivres à Black Rock et Buffalo, mais les meneurs du raid sont vite découverts. Drummond est forcé d'assiéger les forces américaines, sachant fort bien qu'il ne pourra pas être appuyé par la force navale britannique puisque les Américains ont ravi le contrôle des Grands Lacs cet été-là. Drummond persiste néanmoins, armé seulement de 4 canons. Il bombarde les Américains pendant 2 jours (du 13 au 15 août) avant de lancer l'assaut. Il envoie 1600 hommes attaquer le camp à partir du sud, 1500 autres à partir du nord. Malgré cette stratégie bien élaborée et fort audacieuse, le commandant américain, le colonel Edmund Pendelton Gains qui s'attendait à une attaque du genre, repousse l'attaque venant du sud en bombardant violemment l'ennemi. Les forces du nord font irruption dans le fort, se battent vaillamment pendant des heures, mais le manque de munitions et l'absence de renforts ne leur permettent pas d'asseoir la victoire. L'explosion d'un stock de munitions tue de très nombreux soldats britanniques, les autres se replient vers leurs lignes.
Fin de la Guerre de 1812
L'attaque était audacieuse, la défaite fut brutale. Les Britanniques ont perdu 906 soldats, les Américains 84. Drummond redouble alors d'efforts pour être prêt face à une attaque probable des forces de Brown, à la tête désormais de Fort Érié. Près de 3000 Américains attaquent les défenses de Drummond le 17 septembre 1814, saisissent deux batteries avant que Drummond ne les repousse vers Fort Érié. On dénombre 609 victimes. Au cours de l'automne, Drummond organise des escarmouches contre les troupes américaines, soutenu par les troupes de Yeo. Les Américains abandonnent Fort Érié, mais le font sauter avant de partir. Alors que Prevost est rappelé en Angleterre pour répondre de la défaite à la BATAILLE DE PLATTSBURGH, Drummond est nommé administrateur et commandant des troupes des Haut- et Bas-Canada. Prevost quitte le Québec sans laisser d'instructions à Drummond qui fait de son mieux pour négocier la fin difficile de la guerre, que ce soit en établissant la fin des hostilités à la suite de la signature du TRAITÉ DE GAND ou pour gérer la débâcle britannique lors de la BATAILLE DE LA NOUVELLE-ORLÉANS.
Sa mauvaise santé et des soucis d'ordre personnel mettent fin à sa vie politique, Drummond retourne en Angleterre en 1816 où il est nommé colonel de plusieurs régiments. Au moment de sa mort, il était l'officier le plus haut gradé de l'armée britannique. Si les succès de Drummond témoignent de son pragmatisme et de sa détermination, il n'en reste pas moins qu'il fut dépourvu du dynamisme propre à ses adversaires. Officier très compétent dont les forces et les faiblesses façonnèrent l'issue de la guerre, Drummond fut un personnage clé de la guerre de 1812.