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Sociologie de la musique

IntroductionEn dépit du fait que la musique, depuis les temps les plus reculés, ait été créée, appréciée et utilisée au cours d'une kyrielle de contextes sociaux, les tentatives pour la comprendre comme phénomène social - pour enquêter sur sa « socialité » - se sont avérées problématiques.
Introduction

En dépit du fait que la musique, depuis les temps les plus reculés, ait été créée, appréciée et utilisée au cours d'une kyrielle de contextes sociaux, les tentatives pour la comprendre comme phénomène social - pour enquêter sur sa « socialité » - se sont avérées problématiques. Les premiers travaux dans ce domaine ne sont pas venus de la musicologie ou des prédécesseurs de l'ethnomusicologie (les musicologies systématique et comparative telles que pratiquées dans le monde germanophone), mais bien de la sociologie. Dans les débuts, Max Weber et Theodore Adorno (voir BIBLIOGRAPHIE) y ont apporté de substantielles contributions. À compter des années 1970, de nouveaux développements d'importance se sont produits, surtout dans le secteur de la musique populaire, grâce à Simon Frith (voir BIBLIOGRAPHIE) et d'autres, puis, petit à petit, la sociologie de la musique est devenue l'objet de recherches interdisciplinaires.

La socialité de la musique est d'ordinaire établie à la lumière des processus contribuant à la production et la consommation de musique dans des circonstances sociales et historiques particulières. Même si aucun consensus théorique ou méthodologique n'a été atteint, les chercheurs en sont venus, généralement parlant, à partager le point de vue qu'une pleine compréhension de la musique demande un examen de tous les paramètres et processus institutionnels implicites dans sa production ainsi que de ceux par lesquels, au moment de sa réception ou de sa consommation, elle en viendra à être dotée, individuellement et culturellement, d'un large registre de significations et d'usages.

La recherche universitaire moderne portant sur la musique comme phénomène social au Canada, remonte à la fin des années 1950. À cette époque, beaucoup des travaux préalables à la rédaction d'une histoire conventionnelle de la musique au Canada étaient basés sur l'énoncé suivant : « les conditions ne s'y prêtent pas encore » (History of Music in Canada, p. 3). Le titre « Histoire de la musique » impliquait « la succession des grands compositeurs et l'évolution des styles de composition », ainsi que la continuité et la cohésion de l'activité musicale, durant une période et en un lieu précis, par lesquels les nations évoluées assument un caractère et une entité musicales distinctes (ibid.). Avec du recul, on peut affirmer que, même si le Canada a certainement atteint une maturité musicale dans la seconde moitié du XXe siècle, la vision idéale que préconise Kallmann n'a jamais existé. De pair avec cette définition, jusque vers 1970, dans la majorité des travaux sur la musique au Canada, on présumait que la vie musicale de ce pays en était au stade de la préhistoire. Par défaut, pour ainsi dire, Kallmann traitait davantage des aspects sociaux que des aspects artistiques de la musique, avec la « grande variété de significations que la musique a représenté dans la vie des Canadiens » (ibid.; voir aussi La Musique au Québec). Beaucoup de travaux (par exemple, Walter, 1957) ont mis l'accent sur un examen des conditions sociales et institutionnelles considérées nécessaires pour que cette vie atteigne un niveau de maturité comparable à celui d'autres nations.

Les travaux portant sur la sociologie de la musique entrepris au Canada peu après 1970 ont cependant adopté une orientation plutôt différente. On croyait que l'étude des aspects sociaux de la musique était en elle-même un sujet pouvant jeter un éclairage sur la perception de la musique comme phénomène esthétique. On a aussi eu une légère tendance à séparer la musique comme forme d'art des conditions sociales et institutionnelles nécessaires à son existence. On supposait que les aspects culturels et artistiques de la musique avaient en même temps des dimensions sociales inaliénables. Les travaux sur la musique comme phénomène social ont ainsi conservé une dimension esthétique distincte de toutes les considérations institutionnelles qu'ils pouvaient contenir.

Plusieurs chercheurs canadiens ont apporté d'importantes contributions à la compréhension de la musique comme phénomène social. Certains ont participé à la croissance d'un corps significatif d'expertise internationale; d'autres ont écrit sur les conditions sociales de l'activité musicale au Canada.

Contextes de la recherche canadienne

Dans le domaine de la socialité de la musique, la recherche canadienne a surgi d'une variété de contextes universitaires reflétant des points de vue fort différents. Elle a causé des changements de curriculum dans les départements de musique de certaines universités comme l'Université York et l'Université Carleton, qui ont offert des cours et entrepris des recherches dans ce domaine. La discipline des communications est devenue un important contexte pour la recherche des relations entre la musique et les médias de communications. Les départements des communications à l'Université Simon Fraser, l'Université McGill et l'Université Concordia sont parmi ceux où une curiosité pour la musique et ses contextes sociaux a suscité un vif intérêt. Les départements de sociologie ont également permis à des étudiants et des membres du corps enseignant de poursuivre des recherches sur la socialité de la musique.

De plus, trois grandes conférences internationales ont eu lieu au Canada dans le but d'étudier les questions relatives à la compréhension de la musique comme phénomène social : l'une à l'Université Trent (« The Sociology of Music : An Exploration of Issues ») en 1983, et deux à l'Université Carleton (« Alternative Musicologies » en 1988 et « The Music Industry in a Changing World » en 1990). Les actes des trois conférences ont été publiés (RMUC, 1985; RMUC, 1990; Straw et Shepherd, 1991).

Préoccupations de la recherche canadienne

L'une des hypothèses centrales des approches traditionnelles de la musique (qu'elle soit « classique » ou « folkorique ») les plus remises en question dans des études récentes est le fait que la signification de la musique soit immanente, c'est-à-dire contenue et déchiffrable quant à ses caractéristiques techniques intrinsèques. Se basant sur les points de vue contrastants d'une sémiologie de la musique et d'une sociologie des styles musicaux, les musicologues Jean-Jacques Nattiez et John Shepherd ont tous deux soutenu, respectivement, qu'une vision purement immanente empêche une compréhension exacte du processus symbolique à l'oeuvre dans et par la musique.

À partir des travaux de base du sémiologue français Jean Molino, Nattiez (1975, 1987) a développé un modèle tripartite conçu pour justifier le fait musical total. Le fait musical, soutient-il, comprend non seulement une structure ou un texte musical, mais aussi un processus créateur qui permet la composition, et des processus assurant l'interprétation et la réception. La musique possède un sens, affirme Nattiez, en autant qu'elle s'apparente à d'autres objets qui appartiennent à l'expérience du monde de l'individu qui l'utilise, qu'il soit son créateur ou son récepteur. Comme forme symbolique, la musique ouvre ainsi la porte à une série de signes signifiants (interprétants). Les relations complexes (renvois) impliqués dans ce processus sont l'objet de la sémiologie de la musique. Selon Nattiez, le texte musical est ainsi une composante symbolique majeure de l'expérience musicale mais il n'est pas signifiant en lui-même. On peut toutefois dire du texte musical qu'il possède un sens par ses relations avec les processus de création, d'interprétation et de réception.

Shepherd (Music as Social Text) rejette l'idée que la musique, ne se reférant pas en dehors d'elle-même à des objets et idées, ne possède aucun sens ou alors en possède un qui est exclusivement symbolique. Il soutient qu'une telle vision référentielle du sens, laquelle justifie les processus significatifs à l'oeuvre dans le langage, ne s'applique pas à la fonction de la musique comme symbole social. Se basant sur la double tradition des études culturelles britanniques et du structuralisme français, Shepherd cherche à traiter la musique comme un texte social, c'est-à-dire, comme un « médium social sonore » qui articule, de l'intérieur, des caractéristiques inhérentes à son canal sonore, des messages socialement médiatisés. « Parce que ce sont les gens qui créent la musique, écrit Shepherd, ils reproduisent dans les qualités de base de leur musique les qualités de base de leurs propres processus de pensées » (ibid., p. 12). De la même façon, si les processus de pensée des gens sont connus pour être socialement médiatisés et être ainsi socialement signifiants, les qualités fondamentales de différents styles de musique peuvent être dits socialement médiatisés et ainsi avoir une signification sociale. Cette sociologie des styles musicaux s'appuie sur la prémisse que la réalité collective de toute société n'est pas donnée mais, plutôt, construite collectivement par ses membres, et que la forme que prend cette réalité est influencée de façon significative par le médium de communication de cette société. Compte tenu de la nature de la pensée et de l'expérience au sein des sociétés industrielles capitalistes, Shepherd considère la musique comme un antidote à la tendance qu'ont les médias écrits dominants de séparer le sens d'un mot de son référent, c'est-à-dire ce à quoi renvoie un signe linguistique, et de faire une distinction entre la pensée et le monde sur lequel la pensée fonctionne. La musique, comme médium sonore fait sentir sa matérialité, c'est-à dire le fait de se manifester dans la matière, - surtout par le timbre, prétend Shepherd - « nous rappelant notre connectivité à la matérialité du monde, tel qu'expliquée » (ibid., p. 6). Les significations de la musique sont dérivées de situations spécifiques et réelles et ne peuvent être saisies, conclut-il, que lorsqu'une signification référentielle est transcendée ou dépassée par l'immanence « dans » la musique de structures sociales abstraites ou par l'articulation de significations sociales à l'intérieur de manifestations musicales individuelles.

La recherche sur la musique comme phénomène social, entreprise en dehors des frontières disciplinaires de la musicologie, a souvent suivi les assertions du sociologue britannique Simon Frith au sujet de la musique et des processus industriels. Traditionnellement, soutient Frith, ceux qui analysent la musique populaire ont présumé « que la musique est le point de départ du processus industriel - la matière première pour laquelle chacun se bat - quand, en fait, elle en est le produit final ». Frith conclut que « l'industrialisation de la musique » ne peut pas être comprise comme phénomène subi par la musique, mais plutôt comme processus par lequel la musique se crée elle-même - c'est-à-dire, le processus qui fond (et confond) des arguments monétaires, techniques et musicaux (1987b, p. 54). Ceci implique non seulement que l'industrialisation de la musique ne peut être prise comme un indicateur de sa valeur, mais que la seule façon d'évaluer la musique d'une manière critique est de prendre en considération la façon dont elle est produite et utilisée. Certains chercheurs canadiens ont suivi ce raisonnement et ont analysé la musique - la musique populaire dans la plupart des cas - en fonction des processus par lesquels elle est créée, disséminée et reçue.

Trois chercheurs de domaines autres que la musicologie, Jody Berland, Will Straw et Line Grenier, ont étudié l'impact des divers médias (en particulier la radiodiffusion) sur la dissémination et la réception de la musique populaire. Dans une étude portant sur la radio commerciale de format « populaire » au Canada, Berland, spécialiste de la communication, soutient que la radio populaire est en train de transformer nos relations au temps et à l'espace parce qu'elle dépend du marché local de la publicité et d'une rotation de plus en plus grande des enregistrements populaires. La programmation musicale à la radio, soutient Berland, « démarque le présent du passé immédiat ou distant; avec ses nouveaux succès, ses reprises et recyclages, ses vedettes montantes et descendantes, la liste des pièces musicales diffusées renforce le biais <temps> de la radio commerciale en uniformisant des communautés distinctes, en répandant des processus techniques et administratifs à partir d'un centre économiquement dominant et en définissant la production symbolique en termes de changements temporels rapides » (1990, p. 187).

Les travaux de la sociologue Line Grenier sont également axés sur le rôle de la radiodiffusion dans la production d'« espaces » culturels distincts au sein desquels la musique devient signifiante. Dans une étude exploratoire de « transformat » (musique à la radio au Québec), Grenier s'intéresse à ces chansons qui sont jouées sur les ondes de nombreuses stations radiophoniques dont les permis d'exploitation les obligent à se spécialiser dans divers genres de musique. L'usage de la musique « transformat », comme la diffusion de la musique à la radio plus généralement, est initimement liée au processus de répétition qui combine la similarité à la particularité afin d'« établir le lieu spécifique d'une chanson ou d'un programme dans l'espace musical ou radiophonique au sein duquel il est signifiant » (1990, p. 230). Les travaux de Straw portent principalement sur la manière dont les formes musicales populaires, par leur insertion dans la programmation des médias qui en assurent la promotion et la dissémination, en viennent à s'enligner avec des coalitions particulières différentes. Les tensions qui ont marqué l'histoire récente de la musique populaire occidentale mettent en cause, selon Straw, les différents genres, races et ethnies ainsi que les goûts musicaux et les lieux de consommation associés à chacun (Straw, 1988).

Comprendre la socialité de la musique en fonction des processus qui en permettent la création, la dissémination et la réception a d'importantes implications sur la question tant débattue des identités culturelle et sociale. La plupart des théoriciens admettent aujourd'hui que la manière de faire de la musique sera probablement différente selon la différence des attentes culturelles et politiques de groupes donnés. Cependant, on conteste de plus en plus le postulat voulant que des musiques différentes reflètent ou expriment simplement des différences sociales et culturelles existantes. On pourrait plutôt soutenir que la musique joue un rôle actif dans le processus de différenciation; des données comme la région, la race, l'âge, le genre, la langue ou la classe sociale, si significatives à notre compréhension des musiques et des pratiques musicales hétérogènes, sont ressenties dans des expériences vécues et deviennent signifiantes. Par exemple, dans une étude des cultures amérindiennes de la région subarctique algonquine, l'ethnomusicologue Beverley Diamond (1989) a démontré comment les niveaux de participation aux activités musicales de même que les styles, les structures et les significations incorporés dans la musique de cette culture se différencient par le genre. Cavanagh prétend qu'une attention aux explications des autochtones, concernant leur musique et leur danse, offre un modèle pour effectuer une recherche plus poussée sur le genre et la musique : « Elles fournissent un langage pour intégrer les actions... ainsi que les enseignements relatifs aux légendes accompagnées de rituels. Elles permettent une étude du contenu symbolique, et non seulement du contenu sémantique, des textes des chansons. Elles exigent un nouvel examen des premières sources ethnographiques dans lequel, comme toujours, on verra de nouvelles <données> parce que les lentilles utilisées sont différentes. Elles pourraient enfin signaler de nouveaux types de différences de genre dans la structuration d'événements contemporains » (1989, p. 64).

Bien que l'on puisse présumer que la recherche se rapportant à la musique comme phénomène social aura comme principale préoccupation la relation entre « musique » et « société », certains chercheurs ont tenté de dissoudre la séparation entre ces deux catégories. Dans un défi aux limites traditionnelles du terme « musique », R. Murray Schafer soutient que : « Tout son est, aujourd'hui, en permanence, susceptible d'entrer dans le domaine de la musique. Le nouvel orchestre, c'est l'univers acoustique! Ses musiciens : tout ce qui peut émettre un son! » (Schafer, 1979, p. 18). Schafer a observé la musique dans le contexte d'une écologie acoustique qui permettrait l'étude de la relation des humains à un environnement dans lequel le son joue un rôle hautement significatif. Centré sur le soi-disant « paysage sonore » - selon ses mots : « sons qui importent » - Schafer étudie les aspects significatifs de l'environnement acoustique d'une société. Ils incluent « les tonalités » (sons entendus par hasard et que l'on ne percoit pas nécessairement de façon consciente), « les signaux » (sons de premier plan que l'on écoute consciemment) et « les empreintes sonores » (sons caractéristiques d'une communauté que ses membres reconnaissent comme tels).

« Musique » est un terme qui, dans certaines sociétés et cultures, a servi par consentement mutuel, à une série de pratiques culturelles concrètes. Dans ce sens, la musique n'est pas un phénomène transhistorique ou transculturel et ne peut plus, par conséquent, être considéré, inexplicablement, comme un phénomène culturel ayant certaines qualités essentielles fixes. Comme l'illustre Judith Cohen dans son étude ethnomusicologique des chants judéoespagnols au sein des communautés séfarades de Montréal et de Toronto (1989), un seul répertoire musical est rarement perçu de la même façon même dans un milieu donné; au contraire, son analyse démontre que les chercheurs, les membres de la communauté et les musiciens tant juifs que non juifs apprécient les exécutions musicales de manière opposée qui font ensemble partie intégrante de la signification de la musique judéoespagnole. Jocelyne Guilbault (1991) en est arrivée à des conclusions similaires au sujet de la musique populaire des Petites Antilles. Dans son étude sur le zouk portant sur quatre îles où l'on parle le créole, Guilbault a examiné les diverses constructions du zouk en relation avec les champs musicaux particuliers dont ils sont dérivés. Elle montre que la consommation, la production et la mise en marché du zouk varient considérablement d'une île à l'autre. Plutôt que de chercher ses « vraies » origines ou sa forme la plus « authentique », elle aborde le phénomène du zouk en termes de ses nombreuses significations et des pratiques qui le constituent comme genre composite situé au carrefour de nombreuses traditions musicales locales, régionales et même internationales.

Réexaminer la « nature » de la musique signifie aussi réexaminer la séparation du champ musical en des genres musicaux mutuellement exclusifs. Les travaux du folkloriste Neil Rosenberg sur les musiciens country (1986) mettent au défi la distinction très répandue entre musique folklorique et musique populaire. Basée sur des interviews avec des musiciens professionnels, son analyse définit les divers stades des carrières des interprètes de musique country en termes d'envergure et de niveaux de marché au sein desquels elles se déploient. Refusant d'établir une division claire entre des exécutions devant de petits groupes et de vastes publics et de définir les caractéristiques de la musique folklorique en se basant seulement sur la dimension d'un marché ou d'un auditoire, il concentre sur le vaste éventail d'interprétations impliqué dans le domaine de la musique country : « Les interprètes manipulent leur répertoire pour favoriser leur carrière alors qu'en même temps ils présentent des chansons qui sont acceptables à leurs auditoires quant à l'idéologie et au style »(1986, p. 163). Suivant l'impératif de Russell Nye de considérer « tous les niveaux de réalisation artistique comme reliés plutôt que séparés » (cité dans Narvaez et Laba, 1986, p. 1), il conclut que tous les types d'exécution de musique country font partie du continuum de la culture folklorique-populaire.

De tels brouillages dans les catégories de genre sont tributaires en partie d'une attention renouvelée envers l'interprétation et du rôle actif de l'auditoire dans tout phénomène musical. En elle-même, cette préoccupation fait partie d'une plus vaste entreprise visant à briser les concepts traditionnels de texte et de contexte. Alors que les chercheurs contestent la notion du texte musical comme entité autonome, de nouveaux aperçus ont surgi quant au sens des différentes sortes de musique. Dans une étude sur la musique sufi de l'Inde et du Pakistan, mettant l'accent sur la musique Qawwali (1986), l'ethnomusicologue Regula Burckhardt Qureshi a développé « une grammaire musicale qui inclut une programmation de Qawwali en concert, c'est-à-dire dans une grammaire sensible au contexte qui permettrait au lecteur musicalement lettré de comprendre comment sont générées des variantes dans l'interprétation qawwali ou comment, dans l'abstrait, il peut lui-même générer de telles variantes ». Pour ce faire, Qureshi a inventé une méthode originale pour analyser des enregistrements vidéos d'exécutions individuelles; elle a mis au point ce qu'elle appelle des « vidéoschémas » et des « vidéographiques », deux systèmes où la notation sur la portée et les indications d'une interaction constante entre les exécutants et les auditoires se combinent.

Nicole Beaudry a fait une tentative similaire afin d'incorporer des dimensions contextuelles dans l'analyse du son musical. Dans son analyse d'une danse à tambour Yupik du sud-ouest de l'Alaska, Beaudry (1988) se préoccupe des ensembles signifiants qui permettent aux auditeurs de différencier une exécution d'un genre musical donné - une danse à tambour - d'une autre. Elle démontre que, même si les paramètres musicaux demeurent inchangés d'un événement musical à un autre, le style d'exécution vocal, instrumental et chorégraphique varie et que les soi-disant éléments contextuels forment une partie intégrale et signifiante du genre en question.

Au moment où l'étude de la musique comme phénomène social s'impose comme sujet à l'intérieur d'une variété de disciplines universitaires, les débats sur le rôle des structures musicales internes qui doivent déterminer le sens des événements musicaux vont probablement aller en s'intensifiant. Alors que les chercheurs demeurent virtuellement unis dans leur volonté de rompre les divisions entre « musique » et « société », il y a moins d'unanimité pour décider le degré auquel l'analyse des attributs formels de la musique devrait demeurer un point de départ privilégié.

Voir aussi Ethnomusicologie, Musicologie, Profession musicale, Unions.