Solidarity, coalition
En mai 1983, les citoyens de la Colombie-Britannique portent le Parti du Crédit social au pouvoir avec William BENNETT à sa tête. Deux mois plus tard, soit le 7 juillet, le gouvernement créditiste adopte ce qu'on appelle son budget de restrictions ainsi que 26 projets de loi. Ces lois se classent en trois catégories : celles qui abolissent les organismes de type chien de garde; celles qui ébranlent les pratiques des syndicats et la négociation collective, particulièrement dans le secteur public; et celles qui réduisent les services sociaux. Les mesures législatives de Bennett menacent les travailleurs et divers autres groupes défavorisés, dont les bénéficiaires d'aide sociale, les femmes et les enfants, les personnes handicapées et les minorités ethniques. Pour contrer ces mesures, la Fédération des travailleurs de la Colombie-Britannique, dirigée par Arthur Kube, s'allie aux groupes communautaires et aux groupes de revendication. Ensemble, ils organisent un énorme mouvement de protestation connu sous le nom de Solidarity. On trouve dans ses rang des syndicats ouvriers, l'Operation Solidarity et la Solidarity Coalition, formée de diverses « organisations populaires ». Financé par le mouvement syndical, qui lui prête aussi le personnel, la coalition Solidarity a l'allure d'un mouvement démocratique populaire. En fait, cette coalition est étroitement assujettie à l'autorité d'un petit nombre de leaders ouvriers.
Pendant trois mois, la coalition Solidarity s'oppose aux mesures proposées. On organise des marches, et des rassemblements gigantesques réunissent des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Vancouver et sur les pelouses de l'Assemblée législative provinciale. On lance aussi un journal hebdomadaire et on occupe les bureaux du Cabinet à Vancouver. Des rumeurs courent voulant qu'une grève générale soit déclenchée. Vers la fin d'octobre, bon nombre de lois restrictives ont déjà été adoptées. Les débats parlementaires sont étouffés par la procédure de CLÔTURE. De plus, les créditistes tiennent des séances-marathons de nuit pour accélérer l'adoption de certaines lois. Le chef de l'Opposition, le néo-démocrate Dave BARRETT, est expulsé de la Chambre.
Le 31 octobre, date d'échéance de la convention collective du Syndicat des fonctionnaires provinciaux de la Colombie-Britannique (SFPCB), de nombreux fonctionnaires sont menacés de perdre leur emploi. Cette date est donc associée au déclenchement d'une grève. En effet, quand le SFPCB déclare la grève le 1er novembre, la coalition Solidarity organise une série de grèves dans le secteur public et menace d'envahir les rues avec ses 200 000 travailleurs. Durant la deuxième semaine de novembre, le débrayage des enseignants semble faire pencher la balance en faveur de la coalition Solidarity. Des milliers de fonctionnaires occupant des « postes essentiels » se déclarent prêts à quitter leur emploi en guise de protestation politique. Un malaise commence à se faire sentir chez les dirigeants syndicaux de la BC Fed face au risque de confrontation générale et oblige Bennett à imposer par la force un retour au travail, ce qui nécessiterait l'intervention promise du secteur privé.
Par conséquent, les responsables des syndicats, ceux-là même qui avaient dirigé la coalition, y mettent un frein. Ils abandonnent les vastes buts du mouvement visant le rejet de l'ensemble des mesures législatives et se contentent plus modestement de la signature d'un contrat pour le SFPCB. Après la signature du contrat, le 13 novembre, Jack Munro, vice-président de la BC Fed, s'envole pour Kelowna et se présente au domicile de Bennett pour donner la main à l'architecte des lois restrictives, mettant ainsi fin au plus important mouvement de protestation de l'histoire de cette province canadienne de la côte du Pacifique.